Un concours d’éloquence est organisé pour les élèves de seconde en Occitanie. Un défi pour nombre d'entre eux plus habitués aux exposés qu'aux discours. Mais le résultat est bluffant. "Les libertés essentielles" est le thème proposé cette année.
"On essaie de nous faire taire à tout prix ! " Adélie est en colère et elle l'exprime haut et fort. Cette jeune lycéenne a l'impression de ne pas être entendue, écoutée.
« Profite, ce sont les plus belles années de ta vie ». Mais dites-moi où sont-elles ? Où sont-elles ces années dont vous parlez ? Moi je ne les vois pas, et ça me terrifie. Ça me terrifie de me dire que ces années-là je ne les vivrais pas. Et chaque soir je réfléchis encore, encore et encore à quel moment de ma vie pourrais-je les rattraper ?
Certains adultes nous disent paresseux, égoïstes, incapables ou encore dépressifs. Mais que voulez-vous répondre à cela alors que tout ce que nous souhaitons, c’est fuir un système qui nous opprime et qui tue notre jeunesse. Pourtant je pense que dans tout cela ce qui me révolte le plus c’est lorsqu’on fait semblant de nous entendre..."
Ce qui me révolte le plus c’est lorsqu’on fait semblant de nous entendre...
Adélie
Adélie participe à un concours d'éloquence dans le lycée Ferdinand Fabre à Bédarieux (Hérault). "Je me bats pour faire entendre notre voix. Je me bats pour faire avancer les choses, et je me battrai jusqu’à ce que notre liberté d’expression soit respectée".
Le Concours régional d’éloquence s’adresse aux élèves de seconde des lycées d’enseignement général et technique et aux élèves de seconde et première des lycées d’enseignement professionnel.
Organisé à l'initiative de la fondation du groupe La Dépêche, en partenariat avec le Conseil Régional d’Occitanie et les Rectorats de Toulouse et Montpellier, il est un exercice de prise de parole en public, d’argumentation et de civisme.
Passer de l'exposé au discours
"Les libertés essentielles" est le thème sur lequel les lycéens doivent travailler cette année. Mylène Lunel, professeur documentaliste et Cathy Palomarès, professeur de Français ont encouragé leurs élèves à participer au concours. "L'argumentation est au programme. Il faut apprendre à faire des recherches, rien n'est insurmontable. Nous leur apprenons le goût du défi".
Justement, il faut apprendre à s'exprimer en public. Passez de l'exposé au discours. "Je ne suis pas capable de savoir si tes arguments étaient bons car je n’entendais pas tes fins de phrases". Ou " si vous n'êtes pas convaincu, vous ne serez pas convaincant". Les conseils et les encouragements se suivent au fur et à mesure du passage des élèves.
"Au début, j'ai eu beaucoup de mal. Comme j'ai énormément de mal à l'oral, j'ai dû répéter plusieurs fois, tous les soirs. Il fallait aussi regarder les gens dans les yeux, je tremblai. Puis j'ai regardé le fond de la salle, et c'est sorti tout seul", explique Aurélie. Le jury a apprécié: "elle nous attrape dès le début".
Certaines thématiques choisies par les élèves interpellent. Célia a choisi la mort. "Agoniser à l’hôpital, recevoir des multitudes d’examens et de médicaments, voir nos familles souffrir de notre détérioration, cette mort moi, elle ne me fait pas rêver ! Et pourquoi n’aurait-on pas la liberté de choisir notre mort ? La liberté d’avoir une mort digne ! Je veux choisir ma mort. Je veux pouvoir avoir l’accès à l’euthanasie".
Et pourquoi n’aurait-on pas la liberté de choisir notre mort ? La liberté d’avoir une mort digne ! Je veux choisir ma mort. Je veux pouvoir avoir l’accès à l’euthanasie
Célia
La jeune lycéenne qui a pris l'option santé et social en seconde poursuit : "Ne serait-il pas mieux de décider de sa mort comme nos parents ont décidé de notre venue au monde. La liberté d’exprimer de mettre un terme à sa vie dans des directives anticipées devrait être obligatoire, comme l’est devenu le don d’organes".
Célia a eu un peu peur au début mais "j'ai montré mon discours à mes parents. Ils ont été surpris par l'écriture. Ils ont trouvé que c'était bien écrit. Ils étaient fiers de moi." Le jury de l'école aussi : "c'est bien un élève qui s'engage."
Ce concours permet aussi de se révéler : "Que tu puisses t'exprimer comme ça devant tout le monde, alors que j'ai du mal à entendre ta voix en classe ! Bravo !", félicite la professeure de Français.
Être convaincant, c'est quelque chose d'essentiel dans la vie
Théo
Il va également permettre aux élèves de prendre confiance en eux. "Ce concours permet de donner son propre avis. C'était ma motivation. Ce n'est pas un oral comme un autre. Il faut avoir l'intonation, la gestuelle, ne pas trop regarder ses notes mais son auditoire, regarder les gens. Il pourrait me servir plus tard. Être convaincant, c'est quelque chose d'essentiel dans la vie," assure Théo qui a, de son côté, proposé un discours sur la démocratie.
La gestuelle, Maé a parfaitement su l'exploiter. L'auditoire et le jury ont été captivés. "Y ' a-t-il une liberté sans choix ? J'accuse les hommes, les femmes qui préfèrent la raison à la liberté." Et de citer Emile Zola: "Ma protestation enflammée n'est que le cri de mon âme."
Maé et Adélie représenteront leur lycée lors de la finale départementale qui se déroulera lundi 29 janvier à Montpellier avant la grande finale interacadémique à Albi le 8 février.