Jeune femme torturée, séquestrée pendant 47 jours : des peines de prison de 10 à 30 ans requises contre les accusés

Une mère de famille et ses deux fils sont jugés pour tentative d'assassinat contre une jeune femme de 19 ans. Jetée au bord du canal du Midi, entre la vie et la mort en novembre 2019, elle a été torturée pendant plus d'un mois en 2019 à Agde.

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Le procès de l'horreur à l'heure du réquisitoire. Au dernier jour d'une audience à l'atmosphère pesante pour l'atrocité des faits commis, l'avocat général a prononcé ses réquisitions contre Séverine Châtain, une mère de famille de 47 ans, Jason et Jordan Garde, deux de ses fils qui comparaissent pour tentative d'assassinat. Les deux jeunes hommes doivent également répondre des crimes de séquestration, et actes de torture et de barbarie pour avoir supplicié Betty, une jeune fille de 19 ans. Battue, ils l'ont enfermée dans un placard pendant 47 jours, la privant d'eau et de nourriture, et l'obligeant à manger des excréments d'animaux.

Tentative d'assassinat

Aidés de leur mère, ils avaient tenté de se débarrasser de la jeune femme à l'article de la mort, en la jetant au bord du canal du midi à Vias, en novembre 2019. La jeune femme avait été retrouvée par un Vététiste et réanimée de justesse. Ses bourreaux qui nient avoir voulu la tuer, encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

Huis-clos

Encore traumatisée, trois ans et demi après son calvaire, la jeune victime a déposé à huis-clos, hier, jeudi 13 mars. Me Aurélie Carré, son avocat a ensuite demandé une sanction implacable pour les accusés. S'ils nient avoir voulu tuer la jeune femme, ils encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

"Impensable", "épouvantable"

Midi libre a parlé "d’impensable", "d'épouvantable", de martyre de quelque chose au bord de l'inhumain,  d’enfer, commence Jean-Luc Beck, l'avocat général.

"Les mots sont faibles pour qualifier le calvaire infligé à Betty et pourtant il va vous falloir tenter de comprendre l’incompréhensible, imaginer l’inimaginable, comme un mauvais scénario de jeu vidéo malheureusement pas virtuel mais réel".

 Comment des individus peuvent ils se rendre à un stade tel d'abjection que même les animaux ne peuvent commettre.

Jean-Luc Beck

Avocat Général

 

"Je demande de répondre au-delà des arguties que l’on va vous soumettre", poursuit le magistrat chargé de l'accusation.

Vous aurez à juger et réprimer une lente descente aux enfers d’une jeune femme fragile, une proie qui va tomber entre les griffes de véritables sociopathes.

Jean-Luc Beck

"Betty [NDLR. La victime] est une jeune femme perdue qui a fait un enfant avec un homme en prison. Enfant qui va lui être retiré. Qui se ressemble s’assemble, Betty va rencontrer un individu aussi fragile qu’elle. La rencontre de ces deux jeunes est la chronique d’un échec annoncé. Entre deux jeunes qui vivent dans un appartement sale avec des jeux vidéos et du cannabis".

Allocations familiales

Les choses ne se passent pas trop mal tant qu’elle a de l’argent. Ensuite, elle va provoquer la haine de ses bourreaux. Elle s’occupe mal des chats, elle ne s’entend pas avec Jason, fait mal le ménage, reproduit les carences maternelles des garçons. Betty est susceptible de leur ramener des revenus. La seule chose qu’il ont essayé de faire : transférer son dossier CAF de l’Indre à l’Hérault, pour percevoir ses allocations, indique le magistrat.

Descente aux enfers

Pour Betty, c'est une lente descente aux enfers. "Elle ne sait pas où aller, elle ne peut pas retourner chez sa mère. Cette passivité et cette absence de réaction ne sauraient constituer des éléments à décharge pour les accusés". 

Au bout de 40 jours de privation, de torture, elle est incapable de réagir et finit par agoniser et être déposée sur un chemin en pleine nuit.

Jean-Luc Beck

Avocat général

 La séquestration est reconnue par les deux. 

L'avocat général livre ensuite aux jurés la définition des actes de barbarie : les conditions de la séquestration constituent des actes de torture : privation de soins de nourriture, coups de poing et de pied, barbarie, actes déniant toute humanité à la victime, privation.  

Je vous conjure de garder en mémoire le corps de la victime : un corps décharné et inerte. Vous les déclarerez coupables d’actes de torture et de barbarie.

Jean-Luc Beck

Avocat général

"Pour le non empêchement de crime, contre leur mère, vous la déclarerez coupable".

La tentative d’assassinat. "J’affirme qu’ils ont tenté de donner la mort et si elle n’est pas survenue c’est grâce à sa survie miraculeuse et au fait qu’elle ait été trouvée par un passant".

Mise en scène macabre

Ils déshabillent la victime et lui mettent un robe d’été, la déposent dans l’herbe en lui dénudant le bas ventre avec un sein découvert comme pour faire croire à une agression sexuelle. "C’est une mise en scène. Ils voulaient faire en sorte qu’elle ne parle pas. Ils voulaient faire en sorte de la faire mourir".

"Je vous demande de les déclarer coupable de tentative d'homicide et d'envisager des peines adaptées à la gravité des faits. Ceux-ci méritent la peine maximale", conclut l'avocat général.

Brisée

"Ils ont voulu briser Betty. Elle a perdu toute chance de vivre une vie normale. Il faut punir en fonction de la dangerosité des frères Garde."

"Ils n'en ont pas selon les experts, je n'en suis pas si sûr, ajoute le magistrat. Il leur manque un degré d'humanité aux accusés". Et reprenant les conclusions de certains experts, il ajoute "ce sont des exosquelettes dénués d'émotion incapables d'affect".

Il requiert 30 années de réclusion avec une période de sûreté des deux tiers, contre Jordan, l'ancien petit ami de la victime, 20 ans contre son frère Jason avec également une sûreté des deux tiers et 10 ans contre leur mère. 

Tentative d'assassinat : l'avocat de la mère plaide l'acquittement

Premier à s'exprimer en défense, Me Julien Audier-Soria qui défend Séverine Chatain, évoque "un dossier pétri par l’horreur, l’indicible, la douleur. Le sort vous a choisi pour juger. La loi doit s’affranchir de la passion, poursuit Me Julien Audier-Soria, en défense de Séverine Châtain. Juger c’est comprendre, poursuit l'avocat qui revient sur le parcours chaotique de cette femme "qui n'a jamais décidé de rien" 

 « Je n’accepte pas qu’on la juge par le petit bout de la lorgnette. Si elle n’a pas fait ce qu’elle avait à faire c’est qu’elle est le fruit d’une histoire.

 Mme Châtain n’a jamais eu le droit à la parole. La seule fois où elle l’a eue, paradoxalement, c’est ici. Une femme sans enfance, sans adolescence, qui n’a jamais décidé de rien.

Me Julien Audier-Soria

Avocat de la mère

Ce matin-là avait-elle le choix ? Elle ne sert qu’à véhiculer. Toute sa vie, elle n’a servi à rien. Il ne nie pas l'empêchement de commettre un crime : "Qui peut et n’empêche, pêche", mais demande aux jurés d'humaniser la peine et de l'acquitter pour la tentative d'assassinat.

"C’est la seule lumière de ce dossier, acquittez-la pour la tentative d’assassinat.

Me Julien Audier-Soria

Avocat de la mère

Un homme, pas un monstre

Me Cécile Nebot en défense de Jason Garde, l'un des deux frères, revient sur "la lâcheté et la passivité" de son client, "un homme, pas un monstre"  qu'il faut juger comme tel. 

C'est un arbre qui a poussé de travers, un arbre aux racines sévèrement amochées.

Mickaël d'Alimonte

Avocat de Jason Garde

Jason Garde a la tête dans le box des accusés durant toute la plaidoirie de ses avocats.

"Le rôle de Jason est de maintenir un lien artificiel avec son frère. Pour la première fois, on a une pseudo-union de la famille.

Improvisation

Lui aussi demande de l'acquitter pour la tentative d'assassinat ce qu'avait décidé le premier juge d'instruction. Selon lui, en déposant la jeune femme de la manière dont ils l'ont fait, ils ont agi en totale "improvisation", sans concertation.

"Je ne suis pas un marchand de peine", conclut l'avocat qui, s'appuyant sur l'absence de dangerosité selon les experts, de l'accusé, demande aux jurés de ne pas assortir leur peine d'une période de  sûreté. "Je vous demande de le ramener dans la communauté des hommes".

Le procès a repris en début d'après-midi avec les dernières plaidoiries de la défense.

Benjamin Jegou l’un des deux avocats du principal accusé, Jordan Garde, l’ex-petit ami de la victime s’adresse aux jurés en préambule de sa plaidoirie.

 On juge un homme

"Je suis certain que la cour n’en prendra pas ombrage mes premiers mots iront aux jurés. De sensibilités diverses unis par une mission la plus dure : juger un homme. « Un homme » on osait à peine prononcer ce mot ce matin en parlant d’un individu

L’ignominie d’un acte ne saurait priver son auteur de la plus élémentaire des humanités. Pour juger il faut savoir reconnaître l’humain jusque dans l’inhumain.

Me Benjamin Jegou

Avocat de Jordan Garde

"Dans cette enceinte les monstres n’existent pas ils sont dans nos cauchemars, dans l’inconscient collectif. Vous allez juger celui qui s’est égaré au-delà des limites de notre société. Juger pour réparer le dommage.

Quelle vérité ?

Personne ici ne peut prétendre détenir la vérité sur ce dossier.  Jordan Garde a-t-il voulu ôter la vie à Betty ? 

J’ai vu l’horreur de ce dossier, les photographies mais je doute.

Me Benjamin Jegou

L’avocat tente de démonter l’accusation de la tentative d’assassinat. Selon lui il n’y a pas d’intention de vouloir donner la mort.

 "La question centrale, celle que vous devrez vous oser savoir si les actes commis ne peuvent trouver aucune autre explication. Il va vous falloir des certitudes et moi-même je n’en ai pas", poursuit l’avocat.

Peur panique

Le soir des faits, ils sont en proie à « une panique certaine" selon l'avocat qui  ne pense pas que l’on ait été dans la concertation mais dans la peur, la panique « que Betty meure ».

On cherche à trouver une logique à une situation qui n’en a aucune.Jordan Garde n’a pas basculé ce soir-là dans la logique réfléchie de l’assassin. Comment un jeune garçon inconnu de la justice a-t-il pu en arriver là ?

Faille béante de l'enfance

"Ces actes vont trouver leur source dans une faille béante de l’enfance. Jordan Garde c’est un gamin brisé dans un corps de jeune adulte. Dès son entrée dans la vie, il est face à la peur, à la violence" ajoute l'avocat. Lorsque leur mère s’en va, c’est un nouvel abandon. Il n’a rien eu à quoi s’accrocher. La rencontre va se passer au moment de cet ultime abandon. Voilà qui est Jordan Garde Exosquelette pas complètement vide. Il demande une peine juste pour commencer à se construire. La peine n’a de sens que si elle permet de se réparer conclut l'avocat avant de laisser la parole à Grégoire Mercier pour l'ultime plaidoirie de la défense.

Solitude

"La cour d’assises n’est pas qu’un déballage de souffrance. Elle parfois transcendée par l’œuvre de justice, commence l'avocat. Pour lui les accusés,  "ne sont pas des exosquelettes dénués de tout sentiment.  Il rappelle la  souffrance de l’accusé durant toute son enfance, ballotté entre familles d’accueil et foyer. Il rappelle aussi sa solitude extrême, « sa devise pas d’amis, pas d’ennuis ». Il fait partie des indigents. Ceux qui n’ont personne. Que personne ne vient voir en prison, contrairement à son frère.

Ne pas l'exclure de la société

"La peine requise par l’avocat général est une peine d’exclusion. Suivre l’avocat général c’est oublier que Jordan Garde a travaillé depuis trois ans. Il a appris à gérer ses émotions avec un suivi psychologique.

Oui il sera exclu un temps de la société pendant un temps mais j’espère que vous ne prononcerez pas d’exclusion et rendrez justice.

Grégoire Mercier

Avocat de Jordan Garde

Les derniers mots des accusés

 En fin de plaidoierie, et avant que les jurés se retirent la parole a une dernière fois été donnée aux accusés. "Je suis vraiment désole de ce qui s ‘est passé", a commencé Jason Garde

"Je veux parler de la victime, j’espère qu’elle va se remettre, j’espère qu’elle ira mieux au fil du temps"a déclaré son ex petit ami Jordan Garde. J’essaie de travailler sur moi", a t-il ajouté.

"Je demande pardon à Betty. Je peux pas changer les choses. Je demande vous demande d’être indulgents avec moi", a conclu leur mère, Séverine Chatain.

Les jurés sont partis délibérer à 15 h15. Le verdict est attendu dans l'après midi.

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