TikTok se retrouve au cœur de la campagne pour les législatives. Un nouveau moyen parfois pour les plus jeunes de découvrir la politique. Le célèbre réseau social peut-il influencer le vote de ces électeurs débutants ? Romain Fargier, chercheur spécialiste des réseaux sociaux, a travaillé sur la question.
La campagne officielle pour les législatives a débuté ce lundi 17 juin 2024. Avec la montée des extrêmes, sportifs, influenceurs ou célébrités prennent position et l'échiquier politique se polarise. Sur les réseaux sociaux, et notamment Tik Tok, cette polarisation est d'autant plus accentuée. Est-ce les réseaux sociaux qui influent sur l'opinion des électeurs ou l'inverse ?
TikTok, les jeunes et la politique
Avec son milliard d'utilisateurs, TikTok est le 3ème réseau social le plus utilisé par les Français de 16 à 25 ans, après Instagram et Snapchat.
Avec ses 4,5 millions d'abonnés par exemple, Emmanuel Macron se met en scène dans de courtes vidéos tout en faisant passer son programme.
@emmanuelmacron Quel sport allez-vous choisir ?
♬ son original - Emmanuel Macron
D'après Romain Fargier, chercheur en sciences politiques, cette année, et avec le résultat des élections européennes, la gauche a activé le mode "contre-offensive" sur les réseaux sociaux.
"Le Nouveau Front Populaire reprend les mêmes formules avec humour et sarcasmes", constate-t-il, avant de préciser : "il vient occuper l'espace car l'extrême droite s'est longtemps targuée d'avoir gagné la campagne sur Internet".
Sur le réseau social à la note de musique, Jean-Luc Mélenchon comptabilise 2,4 millions abonnés.
@jlmelenchon Quel est le programme de Bardella ? Jeter les immigrés à la mer.
♬ son original - Jean-Luc Mélenchon
Occuper les réseaux sociaux
Alors que les politiques jugeaient les réseaux sociaux comme étant "dangereux et juvéniles, ils ont fini par s'apercevoir qu'ils pouvaient en tirer parti, pour leur capital sympathie", explique le chercheur en sciences politiques.
Jean-Luc Mélenchon a été le premier à s'en servir et le Rassemblement National le premier parti à investir le monde d'Internet.
Romain Fargier - chercheur en sciences politiques
En effet, depuis les élections législatives de 2017, les partis politiques accordent une place de plus en plus importante aux réseaux sociaux dans leur stratégie de communication.
Développer un capital sympathie
Aujourd'hui, chaque parti a une équipe dédiée à la communication numérique. Selon Romain Fargier, de cette manière, les politiques "touchent les jeunes qui sont très friands de la punchline et de l'éloquence présentes dans les contenus".
Durant cette campagne, on assiste à la transformation de la politique en spectacle divertissant.
Romain Fargier - chercheur en sciences politiques
En effet, "le propre de TikTok c'est de faire des formats amateurs qui signent une proximité, une promiscuité factice, ça paraît spontané et ça vise à rendre sympathique mais c'est travaillé sélectionné en amont", décrypte le chercheur.
Comme pour Jordan Bardella et ses 1,6 millions d'abonnés, être présent sur les réseaux sociaux permet de "mettre en avant certaines thématiques et de se constituer un capital sympathie ou une notoriété".
@jordanbardella Merci 🙏🏻🇫🇷
♬ son original - Jordan Bardella
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Polarisation de la politique
L'opposition extrême gauche/extrême droite qui marque l'échiquier politique français "matche avec l'esprit des réseaux sociaux qui est très polarisant", analyse Romain Fargier, chercheur au CEPEL de Montpellier, et spécialiste des réseaux sociaux.
C'est soit l'extrême gauche soit l'extrême droite. Les réseaux sociaux deviennent le calque de cette offre politique, c'est très polarisant : on nous somme de choisir un camp.
Romain Fargier - chercheur en sciences politiques
Une polarisation qui se ressent d'autant plus que très récemment certains influenceurs ont pris position sur les réseaux dans le cadre des élections législatives.
Dès lors, "ils se retrouvent porte-parole malgré eux, de chaque camp, Squeezie associé au Front Populaire et Tibo Inshape comme symbole de la droite".
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Nombre de vues et nombre de votes ?
Pour autant, peut-on dire que les réseaux sociaux influencent le vote des électeurs ? Romain Fargier, explique qu'il n'existe pas "de corrélation directe entre un succès sur les réseaux sociaux et un vote". Par exemple, Eric Zemmour ou François Asselineau sont très suivis sur les réseaux, mais les résultats n'ont pas été les mêmes dans les urnes.
On ne sait pas si un TikTok avec 3 millions de vues a des influences sur les intentions de vote d'un électeur ou sur des résultats électoraux.
Romain Fargier - Docteur en sciences politiques
En effet, "le vote est pluri-factoriel. Ce n'est pas parce qu’on va trouver quelqu'un de sympathique qu'on va voter pour lui, cependant, il existe bien une influence mais qui n'est pas quantifiable".
TikTok, les jeunes et la politique : des risques ?
Du fait de son algorithme, Romain Fargier parle de la stratégie de TikTok comme d'un "terrier de lapin", "c’est-à-dire que si vous regardez une ou deux fois du contenu du RN, vous allez continuer à en voir", ce qui peut présenter un vrai risque.
Mais le plus gros risque, c'est celui de la désinformation, "souvent les jeunes ne s'informent que par les réseaux sociaux et par des influenceurs et des amateurs, sans multiplier les sources d'information".