"Manque de reconnaissance, dégradation progressive, baisse des vocations" : constat amer des acteurs de l'école publique face au manque de moyens

Des milliers de professeurs ont manifesté, jeudi, et dénoncer leurs conditions de travail. Entre dévalorisation, perspectives floues et salaires trop faibles, un enseignant, une directrice de faculté et des futurs professeurs font part d'un certain mal-être même s'ils croient toujours aux valeurs de leur engagement.

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Ils étaient nombreux dans les rues de l'Hérault et du Gard pour dénoncer leurs conditions de travail jeudi 1er février 2024. Les enseignants lancent une nouvelle alerte face à un métier qui se détériore d'année en année selon eux. Et les raisons de la colère sont nombreuses. 

Baisse de 15 à 25% de pouvoir d'achat en 20 ans 

Au collège Arthur Rimbaud de Montpellier (Hérault), Julien Landais est professeur de mathématiques et militant au SNES-FSU. Depuis le début de sa carrière il y a 20 ans, il est spectateur d'une dégradation des moyens et du salaire des enseignants.

"Je gagne moins de 3 000 € par mois après 20 ans de carrière. C'est la même chose pour la très grande majorité des enseignants de l'école publique" admet-il. "À l'époque, quand vous démarriez, le salaire était 2,2 fois le SMIC. Si c'était la même chose aujourd'hui, ça devrait être 3000 €. Aujourd'hui, vous gagnez moins de 2 000 euros au démarrage" pose-t-il. En 20 ans, les enseignants ont perdu entre 15 et 25% de pouvoir d'achat.

Ce professeur pousse donc pour "une vraie revalorisation salariale" au-delà des promesses du gouvernement qui n'ont pas été respectées selon lui. Ce critère financier est prépondérant dans le manque d'attractivité du métier qui se répercute sur le nombre de candidats aux concours : depuis le début des années 2000, il y a trois moins de candidats.

"Il en manquait 4 000 en 2022, 3 000 en 2023. Pour 2024, le ministère a dû prolonger d'un mois les inscriptions à cause du manque de candidats" prolonge Julien Landais, regrettant l'obligation "de faire appel à des contractuels, qui n'ont pas la formation requise."

"Les enseignants étaient reconnus, ce n'est plus le cas"

Sur les bancs de la faculté d'éducation de l'Université de Montpellier, l'une des classes regroupe seulement neuf élèves. "Il y a une crise dans l'enseignement, peu de personnes veulent faire cette formation", reconnaît Eliot Claparede, élève de Master 1 du parcours Professeur de lycée professionnel en lettres, histoire-géographie et langues. 

Pour ces futurs enseignants, l'autre point de point de blocage est la mutation, obligatoire après la formation. "C'est ça qui fait qu'il y a de moins en moins de vocations" estime Matéo Lao, élève du même parcours. "On sait que l'on va devoir monter dans le nord. C'est ça qui fait peur et qui fait que beaucoup ne veulent pas venir dans le secondaire."

Agnès Perrin-Doucey, la directrice de la faculté d'éducation, justifie, elle, ce manque d'attrait par un manque de reconnaissance progressif. "À l'époque, il y avait un consensus national plus important pour les enseignants. Ils étaient reconnus pour leur savoir, leur dévouement. Ce n'est plus le cas aujourd'hui" juge-t-elle.

"Cela reste un très beau métier"

Les professeurs subissent "une grande dégradation progressive des conditions d'exercice", poursuit-elle. Leur rôle n'est "pas complètement reconnu car ils doivent toujours faire un effort supplémentaire, même en recevant plus".

Ce constat inquiétant ne douche pas complètement les espoirs des futurs maîtres et maîtresses interrogés. "C'est la formation qui m'intéresse dans ce métier", répète Eliot Claparede. "On verra bien" lâche simplement son camarade Matéo Lao. 

Julien Landais veut, lui, "exercer ce métier le plus longtemps possible", animé par "la transmission". Il invite la génération à perpétuer cet état d'esprit. "J'aimerais que les jeunes croient dans ce métier. Cela reste un très beau métier. Je les invite à venir prendre du plaisir à enseigner, et à le défendre pour qu'il retrouve toute son attractivité."

Écrit avec Caroline Agullo.

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