Trois ophtalmologues du CHU de Montpellier sont les co-signataires d'une tribune nationale parue dimanche 10 mars dans le JDD. Ils réclament un moratoire sur l'usage par les forces de l'ordre des Lanceurs de Balles de Défense (LBD) ou flashballs, notamment lors des manifestations de Gilets jaunes.
Dans une tribune parue dimanche 10 mars 2019 dans le JDD (Journal du Dimanche), 35 ophtalmologues français, dont 3 montpelliérains, appellent le gouvernement à promulguer un moratoire sur l'usage des flashballs, aussi nommés Lanceurs de Balles de Défense (LBD) lors des manifestations, notamment celles des Gilets jaunes.
"Epidémie" de blessures gravissimes
Ces praticiens évoquent une "épidémie de blessures oculaires gravissimes jamais rencontrée" et souhaitent éviter de nouvelles mutilations. Afin de faire entendre leur message, ces médecins comparent les conséquences de l'impact d'une balle de LBD avec celle lancée par un golfeur. Des blessures qu'ils ont souvent à connaître lors de leurs consultation :
Ces balles [de golf, NDLR] mesurent 40 millimètres de diamètre et lorsqu'elles arrivent sur le visage avec une grande force de propulsion et s'encastrent dans l'orbite, toute l'énergie cinétique est transmise au globe oculaire. Les balles de LBD mesurent également 40 millimètres de diamètre, leur énergie cinétique est considérable puisqu'elle est encore de 220 joules à 40 mètres, donc bien supérieure à celle d'une balle de golf.
Qui sont les médecins montpelliérains signataires ?
Les 3 médecins montpelliérains signataires de cet appel exercent à l'hôpital Gui de Chauliac de Montpellier. Il s'agit du docteur Isabelle Meunier, coordinatrice du Centre National de Référence des maladies sensorielles génétiques du pôle Neurosciences Tête et Cou du CHU de Montpellier, du professeur Max Villain, responsable de l'équipe d'ophtalmologie générale du CHU de Montpellier et du professeur Vincent Daïen, coordonateur du service d'ophtalmologie du CHU de Montpellier.
Le professeur Max Villain précise :
Ce sont des lésions qui ont été le plus souvent au-dessus de tout recours chirurgical. On a dû enlever l'œil pour une majorité de blessés, qui auront donc une prothèse, outre la perte anatomique et fonctionnelle. On n'avait jamais vu ça auparavant !
Mutilations
Selon eux, les blessures oculaires survenues ces dernières semaines ne sont pas dues au hasard ou à l'inexpérience :
Le grand nombre de balles tirées avec une force cinétique conservée à longue distance et l'imprécision inhérente à cette arme devaient nécessairement entraîner un grand nombre de mutilations.
7 blessés héraultais et gardois
Dans les départements de l'ex-Languedoc-Roussillon, 6 personnes disent avoir été blessées par des tirs de Lanceurs de Balles de Défense ces derniers mois lors de manifestations de Gilets jaunes ou par ricochet, en marge de celles-ci, comme ce militaire en permission atteint à la tête alors qu'il sortait d'un restaurant, le 26 janvier 2019. Le 6 décembre 2018, lors des mobilisations lycéennes, un élève de 16 ans du lycée Jean Moulin à Béziers a perdu son œil gauche après avoir été grièvement blessé à la face.
Plaintes et enquête
En janvier 2019, nous avions publié le témoignage d'Axel, un Montpelliérain de 25 ans, hospitalisé en neurochirurgie, victime de multiples fractures au-dessus du front, d'une fracture de l'orbite et d'un œdème à l'œil. Il a porté plainte et le procureur de la République, Christophe Barret, a ouvert une enquête pour déterminer l'origine de ses blessures. Plusieurs autres Gilets jaunes d'Occitanie ont aussi déposé plainte suite à des tirs supposés de LBD.
Plus de 13.000 tirs de LBD en France, l'ONU réagit
Selon les déclarations du secrétaire d'Etat à l'Intérieur Laurent Nunez devant le Sénat, plus de 13.000 tirs de LBD ont été recensés depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, en novembre, et 83 enquêtes concernant des tirs de cette arme controversée sont en cours. Le 6 mars 2019, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU a réclamé une "enquête approfondie" sur les violences policières qui émaillent la crise des Gilets jaunes.
Voici le reportage de Thierry Will et Valérie Banabera :