L’imam de la mosquée de La Paillade a lancé un appel au calme lors de la grande prière du vendredi à Montpellier, deux jours après la mort d’un adolescent. Des représentants de la communauté gitane, visée par des appels aux représailles, ont demandé à être reçus en préfecture.
"Ne laissez pas la situation pourrir. Des paroles et des gestes excessifs ne font qu’envenimer les conflits. Donc j’appelle [...] mes enfants, les jeunes, s’il-vous-plait, je vous en supplie, revenez à la maison. Calmez-vous !" Un peu moins de 48h après la mort d’un adolescent de 14 ans à Montpellier, percuté par une voiture en marge des célébrations de la victoire de la France sur le Maroc en demi-finale de la Coupe du monde football, le cheick Farah, imam de la mosquée de La Paillade, a tenté de faire retomber les tensions.
Craintes de représailles
Lors de cette prière du vendredi, 2 000 fidèles étaient réunis à la Mosquée Averroès dans le recueillement pour rendre hommage à Aymen, fauché il y a deux jours dans le quartier de La Paillade à l’issue du match France-Maroc. Ensemble, les représentants de la communauté musulmane et la famille d’Aymen ont appelé à ramener le calme dans le quartier du nord-ouest de Montpellier.
Car depuis 36h, la tension est palpable. Dans la nuit de mercredi à jeudi, des échauffourées ont eu lieu. Plusieurs poubelles et une voiture ont été incendiées et un appartement a été saccagé. En parallèle, les incitations à venger l’adolescent de 14 ans circulent sur sur les réseaux sociaux. Des messages que condamnent fermement la famille de l’adolescent et l’imam du quartier.
"On ne veut pas de violence, on veut juste faire notre deuil"
Micro en main, Saïd, le frère d’Aymen a, lui aussi, lancé un appel clair au calme pour que la famille puisse faire son deuil. "S’il-vous-plait, arrêtez, ça ne sert à rien. Nous, on veut faire notre deuil, on n’a pas encore récupéré le corps [d’Aymen]. Une fois qu’on l’a enterré, on laisse la justice agir. Ça ne mène à rien la violence, c’est un cercle vicieux. Demain, ils vont aller, ils vont tuer. Ils vont rentrer et d’autre vont tuer… Quoi, ils vont faire un carnage ? Ça ne sert strictement à rien. Nous, on ne veut pas de violence, on veut que tout se passe dans le calme. On veut juste faire notre deuil."
Egalement présent à la mosquée ce vendredi 16 décembre, l'oncle d'Aymen, Mohammed Rabhi, a tenu lui aussi à lancer le même message au nom de la famille endeuillée : "Ce n’est pas nous qui faisons la loi, c’est la police et la justice. On leur fait confiance." "Ça fait plus de 52 ans qu’on est ici à Montpellier, à La Paillade. On a grandi ici, on n’a jamais eu de problème. On a fait du commerce, on a fait du sport. On jamais eu du problème."
Sentiment d'insécurité
En parallèle, vers 14h30, des représentants de la communauté gitane, visée par des appels à représailles, ont demandé à être reçus par la préfecture. Le porte-parole, Fernand Maraval, a regretté "un sentiment d'insécurité dans le quartier", alors que des appels à vengeance circulent sur les réseaux sociaux.
La famille du défunt "n'est pas dans une réflexion de guerre mais je pense qu'ils sont dépassés par les événements. Ça prend des proportions qu'on ne comprend pas aujourd'hui." Plusieurs personnes d'une même famille confient avoir quitté leurs domiciles quelques heures après la mort d'Aymen, alors qu'un de leurs proches a été passé à tabac ce soir-là et grièvement blessé. Ils ne sont pas rentrés chez eux depuis, les enfants ne sont pas retournés à l'école. L'angoisse est grande.
Il y a eu un drame. La justice répondra à ce drame. Que justice soit faite.
Fernand Maraval, président national de l'Union française des associations tsiganes
"Les provocations à la haine sont irresponsables"
Au sujet du chauffard soupçonné d'avoir percuté le jeune Aymen, Fernand Maraval ajoute : "Il s'expliquera auprès de la justice. Nous, on ne cache personne. J'ai toujours été le premier à ramener un petit dans la communauté quand il a fait une connerie. Aujourd'hui, certaines personnes surfent sur ce drame, on ne respecte même pas les familles. Ils ont perdu un petit. Qu'ils puissent faire leur veillée dans la dignité et le respect. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas."
Après un échange avec le porte-parole et des membres de la communauté, la préfecture de l'Hérault a publié un communiqué. "Nous avons aujourd’hui besoin de calme et d’apaisement, dit le préfet. De nombreuses contre-vérités et fausses informations circulent sur les réseaux sociaux, contribuant à exciter les esprits. La procédure judiciaire suit son cours. Le chauffard, qui a été identifié, est activement recherché par les forces de l’ordre. La justice fait son œuvre."
"Les provocations à la haine, d’où qu’elles viennent, comme les appels à la vengeance privée, sont non seulement irresponsables, mais aussi inacceptables. Aucun acte de violence, quel qu’en soit la motivation, ne peut être toléré."
Deux unités de forces mobiles (160 CRS et gendarmes) et de nombreuses brigades anti-criminalité (BAC) sont sur le point d’être déployées à Montpellier afin d’assurer la sécurité des personnes et de prévenir les éventuels troubles à l’ordre public.