D'un côté, des riverains qui veulent conserver l'impasse et son chêne remarquable. De l'autre, l'accès au projet immobilier de 32 logements validé par la mairie. A Castelnau-le-Lez, le ton monte après la condamnation des défenseurs de l'arbre à 10 000 € d'amende pour avoir bloqué le chantier.
Sur le parvis de la mairie de Castelnau-le-lez, ils sont une cinquantaine à exprimer leur amertume. La justice les a condamnés à payer près de 10 000 euros d'amende pour avoir tenté, lors d'une manifestation, d'empêcher les camions d'emprunter l'impasse du chêne pour accéder au lotissement en construction.
Depuis, le chantier a repris. Mais les riverains ne désespèrent pas d'obliger l'ouverture d'une autre voie d'accès. Et un récent rapport de l'ONF sur le vieux chêne pourrait les y aider.
Condamnés à payer une amende au promoteur
14 manifestants ont été condamnés par le tribunal, le 22 avril dernier, à verser une somme globale de près de 10.000 euros à l'entreprise immobilière qui avait porté plainte suite au blocage du chantier lors d'une manifestation en mars. Une condamnation "in solidum".
Pour eux, la décision de justice est représentative d'une réalité économique aux antipodes des préoccupations environnementales.
"Depuis 2015, on a mis en avant ces problématiques d'accès de voirie", explique Christophe Menichetti, le riverain propriétaire du chêne.
On essaie d'apporter des solutions alternatives, mais il faut croire que les riverains ont peu de poids face aux enjeux de promotion immobilière !
Le chêne classé "remarquable" menacé
C'est un combat de longue haleine pour ces Castelnauviens du chemin de la Salaison. Après avoir bataillé en vain contre le permis de construire, les riverains se sont abrités derrière un arbre : le chêne plus que centenaire qui jouxte ce qui n'était avant qu'une impasse. Aujourd'hui, de gros camions empruntent la voie après autorisation du schéma de circulation par la mairie de Castelnau-le-Lez.
Ironie du calendrier, ce chêne a été classé "arbre remarquable" en décembre dernier. Une distinction rare (5 arbres l'ont obtenu dans l'Hérault) décernée par l'association A.R.B.R.E.S. (Arbres Remarquables: Bilan, Recherche, Études et Sauvegarde) avec l'appui de l'Office national des forêts (ONF).
D'après l'avis technique émis fin mars par Alain Valette, expert forestier et judiciaire que les riverains ont sollicité, le chêne centenaire serait aujourd'hui en grand danger :
Toute opération de voirie accompagnée de passages d’engins et d’interventions, de compaction, de vibrations délétères et de produits toxiques pour les racines aura des conséquences majeures et définitives sur cet arbre remarquable.
Un combat qui devient politique
Les élus d'opposition d'Ensemble pour Castelnau, qui soutiennent les riverains et le chêne, se font l'écho de leur inquiétude en demandant, depuis 7 semaines, que le maire modifie l’arrêté de circulation de la commune.
Il faut que les véhicules soient interdits de circuler dans l’impasse de Salaison en sanctuarisant un périmètre identique à celui du système racinaire, unique manière d’éviter la mort de ce chêne.
"Je mettrai tout en oeuvre pour protéger l'arbre" répond le maire
De son côté, le maire de la ville, interpelé hier par les manifestants se défend des accusations d'indifférence au sort du vieux chêne.
"Il y a des préconisations du fait de l'étude de l'ONF" explique Frédéric Lafforgue, "mais on a aussi des solutions techniques apportées par la Métropole.".
Le maire assure également étudier d'autres tracés possibles pour l'accès au futur lotissement. "Aujourd'hui, on essaie aussi d'avoir des solutions juridiques pour passer sur d'autres terrains, mais ça ne se fait pas en claquant des doigts".
En tout cas, je mettrai tout en oeuvre pour protéger l'arbre et trouver des solutions.
Le grand capricorne au secours du chêne ?
Ce dialogue de sourds a tourné à l'avantage du promoteur immobilier, la justice interdisant aux manifestants de s'opposer aux travaux sous peine d'amende (la dernière décision du tribunal précise l'interdiction de bloquer le chantier sous peine d'une amende de 2.000 euros par infraction). Mais tout n'est peut-être pas encore joué. L'étude de l'ONF a permis de découvrir dans l'arbre une espèce protégée, le grand capricorne.
D'après la Convention de Berne, son habitat doit être préservé pour lutter contre l'extinction de l'espèce. Ironie du sort, l'insecte qui ronge le chêne pourrait bien devenir son meilleur allié !
Le reportage à Castelnau-le-Lez de Florent Hertmann et Yannick le Teurnier pour France 3 Languedoc-Roussillon.