Comme un peu partout en France, les magistrats du tribunal judiciaire de Montpellier sont en colère contre le Ministre de la justice. Conflits d'intérêts, tentative de destabilisation, attaque infondée, selon eux Eric Dupont-Moretti "a perdu toute crédibilité".
Les magistrats du siège et du parquet du tribunal judiciaire de Montpellier se sont réunis en assemblée générale extraordinaire ce mardi. Ils dénoncent notamment la décision du Ministre de la Justice de saisir l'Inspection générale de la Justice d'une enquête administrative contre trois magistrats du Parquet National Financier et des propos qu’il a tenus sur le corporatisme des magistrats.
La missive est envoyée à la presse par "Madame la présidente du tribunal judiciaire de Montpellier et monsieur le procureur près ledit tribunal" pour bien signifier la solidarité de ces hauts magistrats.
La motion dénoncent donc "le conflit d’intérêts majeur dans lequel se situe le garde des Sceaux, qui a mis en cause le parquet national financier alors qu’il a déposé plainte il y a moins de six mois, précisément au sujet de la procédure à l’origine de cette enquête administrative."
La tentative de déstabilisation de l’institution judiciaire par le garde des Sceaux
Elle dénonce également "la divulgation par voie de presse des noms des magistrats du parquet national financier visés par cette enquête, qui doivent bénéficier, comme tout un chacun, de la présomption d’innocence" et "la tentative de déstabilisation de l’institution judiciaire par le garde des Sceaux, qui jette le discrédit sur le parquet national financier, à l’aube de la tenue d’un procès particulièrement sensible à l’encontre, notamment, d’un ancien Président de la République."
Cette enquête a été ordonnée le 18 septembre après la remise d'un rapport de l'Inspection générale de la justice sur le fonctionnement du PNF, mis en cause pour avoir épluché en 2014 les relevés téléphoniques détaillés ("fadettes") de ténors du barreau, dont Éric Dupond-Moretti lui-même. Il s'agissait pour le PNF de tenter d'identifier la "taupe" qui aurait pu informer Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog, ami de l'actuel garde des Sceaux, qu'ils étaient sur écoute dans une enquête pour des soupçons de corruption d'un magistrat.
Eric Dupond-Moretti, qui avait porté plainte avant de la retirer une fois nommé garde des Sceaux, a justifié lundi l'ouverture de l'enquête administrative par le "manque de rigueur professionnelle" et le "manque de loyauté" mis en lumière par l'Inspection générale de la justice.
Les magistrats appellent le Président de la République à garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire face à un ministre de la Justice qui a perdu toute crédibilité.
Les magistrats du tribunal judiciaire de Montpellier dénoncent également "les attaques infondées du garde des Sceaux sur l’École Nationale de la Magistrature et sur le prétendu corporatisme des magistrats, alors qu’il ne peut ignorer que désormais près de 50 % des magistrats sont recrutés à l’issue d’une reconversion professionnelle".
En conclusion, ils appellent le Président de la République à "garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire face à un ministre de la Justice qui a perdu toute crédibilité".
Des motions similaires ont été adoptées lundi dans plusieurs tribunaux, dont Paris, Metz et Nantes, faisant écho à des démarches similaires engagées ces derniers jours à Marseille, Mulhouse, Grenoble, Clermont-Ferrand ou Agen.