Montpellier : l'universitaire Olivier Torrès a créé un observatoire du "burnout" des agriculteurs

Surcharge de travail, manque de sommeil et sentiment de ne plus être maître de son destin ont conduit 35% des agriculteurs de Saône-et-Loire, à l'épuisement professionnel, en 2019. Cette étude de fond unique sur le "burnout agricole" a été pilotée par un chercheur de l'université de Montpellier 3.

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La Chambre d'agriculture de Saône-et-Loire a lancé en 2018 une enquête de trois ans, menée en plusieurs vagues par l'Observatoire Amarok, pour mesurer les situations de fragilité professionnelle des femmes et des hommes à la tête des 7.000 exploitations du département.

Les résultats 2019, tirés de 427 questionnaires retournés par des agriculteurs sur 4.000 envoyés par courriel, révèlent un risque d'épuisement toujours très élevé et aussi un déni du problème dans une profession où la santé est quasi tabou.
 

Des résultats alarmants pour les exploitants agricoles


Sur cet échantillon, 35,1% des agriculteurs apparaissent en risque de "burnout", selon les données de cet observatoire créé par le professeur Olivier Torrès de l'Université de Montpellier.
 

Ce score de 35% est stupéfiant. Il est bien supérieur aux autres catégories de chefs d'entreprise (17,5%).


Chaque département est un cas à part. Et les statistiques varient selon la proportion des différentes branches agricoles. Mais cette étude grandeur réel sur un département "assez représentatif" du monde rural français montre un mal-être au travail bien plus important chez les agriculteurs que pour la moyenne des entrepreneurs. Plus proche de celui des artisans et petits commerçants.
 

Un manque de maitrise du temps, des marchés et de son "destin"


Différents éléments contribuent à favoriser cette situation, selon l'enseignant chercheur de Montpellier que France 3 Occitanie a joint.

L'évolution des marchés agricoles n'est pas toujours bien vécue par les agriculteurs.
"Dès qu'un agriculteur est sur une forme de marché mondialisé, dont les prix ne sont pas négociés, il a le sentiment qu'il ne maîtrise plus son destin. Or, le sentiment de maîtriser son destin est bon pour la santé", assure le chercheur.
 

Les agriculteurs sont des hommes et des femmes qui travaillent beaucoup et la surcharge de travail est l'un des déterminants de l'épuisement professionnel", et sur l'échantillon analysé, "ils sont sur un niveau extrême.


Il n'y en a que 9% qui travaillent moins de 40 heures, 77% sont à 50 heures, et 21% dépassent 70 heures.

De plus, les agriculteurs rognent sur leur temps de sommeil et dorment moins pour travailler plus.

"Alors que le Français moyen dort 7h04 par nuit, les agriculteurs sont entre 6h20 et 6h30, cela fait 150 à 200 heures de sommeil en moins à la fin de l'année", souligne le chercheur. C'est énorme pour la santé. Ils prennent aussi moins de vacances que le reste des Français. Sans parler de l'isolement géographique et moral qui joue un rôle.

Dans cette étude, on note aussi des différences entre les agriculteurs. L'épuisement au travail est plus important chez les éleveurs que chez les viticulteurs ou les producteurs de céréales. Le travail physique n'est pas le même et le rendement et la viabilité de l'exploitation non plus.
 

Les agriculteurs sont des entrepreneurs malgré eux !


Les agriculteurs se voient plus comme des paysans que comme des entrepreneurs. Pourtant, de nos jours, un exploitant agricole est un chef d'entreprise.
En tant que travailleurs indépendants, les agriculteurs engagent leur patrimoine propre pour pouvoir travailler, et dans l'agriculture en cas de faillite "ils ont en plus le sentiment qu'ils liquident l'entreprise familiale, cela fait que quand ils liquident leur boîte, ils sont en danger suicidaire fort", souligne M. Torrès.
 

Il y a une comorbidité entre l'épuisement professionnel et le risque suicidaire", explique-t-il tout en soulignant que "ce n'est pas la même chose.


Un phénomène plus récent a accru encore le sentiment de malaise des agriculteurs. C'est l'agribashing.
Depuis des années, on accuse la profession d'avoir polluer l'environnement et désormais les associations animalistes et les mouvements de défense des animaux dénigrent leur travail en pointant un doigt accusateur sur des méthodes d'élevage barbares.

Les questionnaires sont anonymes, mais l'observatoire donne la possibilité aux répondants qui auraient un score trop important sur "l'échelle de l'épuisement de Pines", ou "l'échelle du désespoir" de contacter une psychologue, ou la cellule Agri-Ecoute lancée par la Mutualité sociale agricole. 
 
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