La Suède a recensé jeudi 15 août un premier cas importé du nouveau variant de la maladie Mpox, anciennement "variole du singe". L'épidémie pourrait alors, comme en 2022, circuler en Europe et en France. Gabriel Attal a placé le système de santé en "état de vigilance maximale". Deux médecins infectiologues du CHU de Montpellier ont répondu à nos interrogations sur cette maladie.
Alain Makinson est infectiologue au CHU de Montpellier et président du Corevih (comité de coordination de la lutte contre les infections sexuellement transmissible et le VIH en Occitanie). Charlotte Boulée est également infectiologue au CHU de Montpellier. Les deux médecins ont répondu à nos interrogations sur l'épidémie de mpox, qui menace de circuler en Europe.
1 Le mpox circulait déjà en 2022, pourquoi en reparle-t-on soudainement ?
C.B : Effectivement, la France a connu une première épidémie de variole du singe il y a deux ans. Celle-ci circulait surtout chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes. À Montpellier, nous avions recensé une cinquantaine de cas à l'hôpital. (En France, un peu moins de 5 000 cas recensés, NDLR). La majorité n'était pas des cas graves. Mais un nouveau variant a été détecté en Europe cette fois.
2 Qu'est ce qui change chez ce nouveau variant ?
C.B : Selon ce qu'on observe en Afrique, il est plus létal et se transmet plus facilement. Pour être précis, la forme observée il y a deux ans était un mpox "Clade 2" venu d'Afrique de l'Ouest. Cette fois nous avons affaire à un mpox "Clade 1" venu d'Afrique Centrale.
A.M : Effectivement, cette forme vient plutôt des pays comme le Congo, le Rwanda, le Burundi... Son taux de mortalité s'élève à 3 ou 4 %. Mais ce chiffre est à relativiser car il est possible que les pays d'Afrique ne recensent que les cas graves. Et si on considère le fait que la population soit plus fragile, nous pouvons estimer que ce chiffre sera moins élevé si le virus arrive en France.
3Quels sont ses symptômes ? Comment se transmet-il ?
A.M : Au niveau des symptômes, rien n'a changé. Le nouveau mpox provoque également des éruptions cutanées, des pustules bien visibles sur la peau. Et il s'accompagne de fièvre - c'est par exemple à cela qu'on le différencie de la varicelle chez l'enfant - ou encore de maux de gorge et parfois de douleurs localisées sur les parties génitales notamment. Comme lors de la première forme observée en 2022, les enfants, les femmes enceintes et les immunodéprimés restent les populations les plus exposées aux formes graves.
C.B : Il se transmet par contact rapproché. Les rapports sexuels sont par exemple les moments le plus à risque. Sinon, la maladie se transmet également par le toucher d'une personne infectée.
A. M : Et la nouveauté qui inquiète l'OMS (Organisation mondiale de la Santé) est qu'il se transmet aussi un petit peu par la respiration. Cela serait à l'origine de l'augmentation très importante du nombre de cas en République Démocratique du Congo ces derniers mois.
4 Existe-il des vaccins pour s'en protéger ?
C.B : Oui. Un vaccin est proposé depuis la première vague en 2022, il est disponible gratuitement dans les CeGIDD au sein des hôpitaux. (Centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic des infections par le virus de l'immunodéficience humaine et des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles), mais est surtout dispensé aux personnes à risques.
A.M : Il n'y a aucune raison de penser que le vaccin ne marcherait pas sur la nouvelle souche. Même si le nouveau mpox est plus dangereux que le premier, sa composition en protéines est la même. Nous attendons des données plus précises, mais les personnes déjà vaccinées en 2022 ne devraient pas être à risque. Par ailleurs, les personnes vaccinées contre la variole avant 1980, pourraient simplement faire l'objet d'une dose de rappel avec le vaccin actuel, si une campagne est mise en place par les autorités.
5 Et un traitement ?
C.B : En 2022, pour les personnes qui souffraient de grosses douleurs liées à la maladie, nous administrions de la morphine. Un autre médicament est utilisable pour la variole du singe, uniquement disponible à l'hôpital, le "tecovirimat". Mais il coûte très cher et sa commande est très réglementée. À ce titre, une stratégie de vaccination des plus à risques, accompagnée d'un isolement des malades paraît être la meilleure solution pour juguler l'épidémie.
6 Faut-il s'inquiéter ?
A.M : Beaucoup de choses nous poussent à croire qu'on est très loin de ce qu'on a vécu pendant le Covid. Le mpox se transmet plus difficilement. Et surtout, les symptômes se manifestent plus rapidement et sont bien plus visibles. Il n'y a pas cette "fenêtre" de temps où une personne pouvait contaminer plusieurs personnes sans s'en rendre compte avec le Covid. La mise à l'isolement des malades sera beaucoup plus rapide et simple cette fois.
C.B : Et pour compléter, il faut aussi dire que les hôpitaux sont prêts, puisqu'ils ont eu à gérer le mpox en 2022 déjà. Toutes les équipes s'en rappellent et sont donc formées à la fois aux bons gestes et aux bons diagnostics.