David Lafarge est directeur général des librairies Sauramps, à Montpellier et Alès, depuis avril 2024. Il se veut résolument optimiste sur l'avenir de ses magasins et prépare les 80 ans de l'enseigne en 2026, malgré de nombreux obstacles propres à chacune des librairies.
C'est une enseigne historique qui a une place très particulière dans le cœur de nombreux Montpelliérains. Les librairies indépendantes Sauramps, à Montpellier et à Alès, font face comme de très nombreuses librairies en France à de nombreux défis économiques, et tentent de survivre dans un milieu ultra-concurrentiel.
Et si cette enseigne qui s'apprête à fêter ses 80 ans semble avoir tenu le coup, notamment grâce au vaisseau amiral de la place de la Comédie, les interrogations sont nombreuses sur plusieurs dossiers. Bilan des fêtes de fin d'année, situation d'Odysseum, renouveau des magasins... Le nouveau directeur général en poste depuis le mois d'avril 2024, David Lafarge, a répondu à nos questions.
Noël : "On a vendu plus de livres, mais moins cher"
Les librairies Sauramps ont vécu un enchaînement de crises ces dernières années : des mouvements sociaux lors du rachat compliqué de 2017, la crise sanitaire, et évidemment la lutte contre les géants comme Amazon. Pourtant, neuf mois après avoir repris la librairie montpelliéraine en avril 2024, le nouveau directeur David Lafarge veut rester optimiste sur l'avenir de la librairie : "Je pense que c’est une librairie qui a toujours de beaux jours devant elle", estime-t-il.
La preuve selon lui : "on a eu une très bonne fréquentation des magasins durant les fêtes, avec des gens qui continuent d’avoir envie d’acheter des livres pour Noël". De quoi conclure une année 2024 "à l'équilibre par rapport à 2023", après des baisses répétées depuis le pic de fréquentation en 2020 et 2021, Covid oblige.
Pourtant, tous les signes ne sont pas forcément très bons : "Il y a une vraie tension sur le pouvoir d'achat", explique celui qui a longtemps travaillé pour la librairie historique de Bordeaux, Mollat. Résultat, "On a constaté que le panier moyen avait tendance à diminuer. On a vendu plus de livres, mais pour moins cher". Pas d'inquiétude à avoir selon le directeur : "on a la chance d’être une grosse librairie qui nous donne un peu plus de marge de manœuvre".
La librairie d'Alès en difficulté face à la concurrence, mais "pas en danger"
Une marge de manœuvre qui permet notamment de venir en aide à la librairie Sauramps en Cévennes d'Alès, qui fait face à plusieurs difficultés. Il y a d'abord une vraie "difficulté du bassin économique de la ville, notamment sur l'emploi", souligne David Lafarge. Mais surtout, la concurrence est très rude pour une commune de moins de 50.000 habitants.
Une bataille qui s'est encore complexifiée en fin d'année, avec l'ouverture d'une nouvelle librairie indépendante en centre-ville avec un positionnement similaire à Sauramps, Alès Librairie. À laquelle il faut rajouter la présence de la Fnac, et d'une boutique spécialisée en BD.
Le directeur de Sauramps se veut pourtant rassurant sur l'avenir de ce magasin ouvert en 2002. "Alès a le soutien du groupe dans son ensemble. On la soutiendra toujours, c’est l’avantage d’un groupe".
Odysseum : les négociations avec le centre commercial patinent
Dans la série des difficultés, vient ensuite le cas d'Odysseum. Depuis l'abandon il y a bientôt deux ans de son très grand local historique à l'entrée du centre commercial, que la librairie occupait depuis l'ouverture d'Odysseum en 2009, rien ne semble bouger. Sauramps est pourtant censé récupérer les anciens locaux de Zara, en allant vers Ikea, comme le promettent des affiches depuis plusieurs semaines.
Il faut dire que les obstacles se sont accumulés ces derniers mois. D'abord, il y a eu l'annonce surprise de la fermeture définitive du magasin Géant Casino, situé juste en face des locaux dans lesquels la librairie doit s'installer. "L'effet de cette fermeture appelle à une certaine prudence, au vu du type de clientèle qui peut évoluer en conséquence. Donc ça appelle aussi à une réflexion sur l’offre", justifie David Lafarge. Depuis que l'hypermarché a baissé le rideau, le petit Sauramps éphémère situé devant l'arrêt de tram a perdu "environ 30%" de son chiffre d'affaires.
Trois directions se sont succédées en moins d'un an à Sauramps, ce qui n’aide pas à mener ce genre de changement.
David Lafarge, directeur général de Sauramps
Mais ce qui bloquerait le retour en grande pompe de Sauramps à Odysseum, c'est la question des travaux à effectuer dans les anciens locaux de Zara. Et donc les négociations "toujours en cours" avec le groupe Klépierre, propriétaire du centre, "pour savoir qui va payer", à l'heure où toute l'attention se porte sur l'arrivée prochaine de Primark.
Le dossier patine donc, et si une ouverture l'été dernier avait un temps été envisagée, "aujourd'hui il n'y a pas de date". Un statu quo qui mettrait en difficulté le groupe entier, à en croire Julien Domergue, le représentant CGT de la librairie, interrogé dans Ici Matin au printemps dernier. Selon lui, malgré les loyers très élevés du centre, "Sauramps ne peut pas vivre sans Odysseum", qui a représenté "plus d'un tiers" de l'activité du groupe.
Refaire de la librairie de La Comédie "un lieu culturel plus large"
L'autre navire amiral du groupe, c'est évidemment la librairie historique de la place de La Comédie, dans le Triangle. Une librairie que David Lafarge souhaite aujourd'hui totalement réorganiser, en "améliorant le parcours client" avance-t-il, tout en précisant avec un peu d'humour qu'on "ne pourra pas en faire une dalle toute plate".
Autre changement bien visible pour les clients, la partie jeunesse du magasin, Polymômes, pourtant refaite à neuf il y a quelques années, est désormais en grande partie vidée de ses rayons, qui ont été déplacés. L'objectif est désormais d'en faire un véritable "espace de rencontre pour accueillir les auteurs", ce qu'il "manquait cruellement".
C'est un endroit relativement bas sous plafond, qui n'était pas toujours facile à exploiter en tant que surface commerciale pour la jeunesse.
David Lafarge, directeur général de Sauramps
"Jusqu’en 2024, il n'y avait quasiment plus d’auteurs qui venaient chez nous, et maintenant on est entre cinq et vingt rencontres par mois", justifie le directeur. Pour autant, il assure que la diminution de l'espace de vente n'a pas affecté le nombre de références sur les étagères. "On a serré les livres, on a repensé la façon dont c’était rangé", atteste-t-il encore. Julien Domergue, de la CGT, avait pourtant assumé dans Ici Matin que les rayons étaient "moins fournis qu'avant".
Nous voulons réidentifier Sauramps pas uniquement comme un magasin qui vend des livres, mais plutôt comme un lieu culturel plus large. On a plein d’idées.
David Lafarge, directeur général de Sauramps
80 ans en 2026 et déjà un nouveau logo
Un autre changement très concret a fait son apparition en ce début d'année 2025 : un nouveau logo pour les librairies du groupe a fait son apparition sur le site internet de Sauramps. "C'est une version modernisée de l'ancien logo : l'actuel nous semblait un peu daté et on avait envie de le renouveler", expose le directeur. Exit donc le logo "dessiné au crayon", place à une "version modernisée" d'une des identités historiques de la librairie.
On y retrouve notamment la fameuse verrière du Triangle, symbole de la librairie de la Comédie. "Dans le cadre de nos 80 ans, en 2026, on s’est dit qu’on voulait se rattacher à notre histoire. L’idée, c’est donc de l’introduire progressivement d’ici fin 2025", rajoute David Lafarge. Dans l'espoir que ce prestigieux passé de la librairie montpelliéraine lui porte aussi bonheur pour son avenir.