Les viticulteurs et agriculteurs d'Occitanie sont toujours en train d'évaluer les dégâts liés à la gelée noire qui a tout ravagé sur son passage cette semaine. L'hiver 2021 restera gravé dans les mémoires. Ce n'est pourtant pas la première fois que ce genre de catastrophe arrive. Rétrospective.
Dans la nuit de mercredi à jeudi 8 avril 2021, en quelques heures seulement, le gel a dévasté des centaines de milliers d’hectares de terres agricoles en Occitanie. Une année 2021 maudite qui restera dans la mémoire de tous les viticulteurs et arboriculteurs de la région, tout comme les années 1956, 1974, 1991 et 2017.
Retour sur quatre grands épisodes de gel, catastrophique pour la profession.
1956, terrible pour les oléiculteurs
Elle est encore dans toutes les mémoires, la gelée de 1956, dévastatrice principalement pour les oliviers. Cette année-là, le 2 févier 1956, une vague de froid s'était abattu sur la France. Du jour au lendemain, les agriculteurs avaient été pris au piège d'une température qui n'est jamais remontée au-dessus de -15 degrés pendant plusieurs semaines. Au bout de quatre jours, les oliviers du Gard avaient explosé à cause du froid. "Après ce fameux gel qui a été une catastrophe pour tout le sud de la France, les ingénieurs de la chambre d’agriculture ont décrété qu’en faisant repartir les arbres sur plusieurs pieds on aurait une chance pour le gel suivant de sauver au moins une branche," explique Philippe Zanello, pépiniériste spécialiste des oliviers.
C'est ce qui explique pourquoi encore aujourd’hui la plupart des oliviers de la région ont tous quatre branches : "Aujourd’hui ça fait des arbres très larges, très encombrants, où il n’est pas facile de récolter l’olive. Après on ne va pas reprocher aux ingénieurs d’avoir essayé de trouver quelque chose à cette époque-là", nous explique le pépiniériste.
1974, la neige au printemps
Puis en mars 1974, c’est un épisode neigeux qui s'était abattu sur le sud de la France. Avec les températures élevées des jours précédents, les bourgeons avaient commencé à fleurir, et n'étaient donc plus résistants face au gel. Viticulteurs et arboriculteurs ont payé les conséquences de cet épisode neigeux. La récolte suivante était au plus bas.
1991, des gelées de plus en plus catastrophiques
En avril 1991, la France connaît un épisode de gel important au printemps touchant les agriculteurs de la région. Dans la nuit du 20 au 21 avril 1991, les températures étaient descendues dans le négatif causant de nombreux dégâts.
Un viticulteur de Servian avait même déclaré : "Cette fois, même les coteaux ont été affectés. Je possède 49 hectares de vignes en exploitation et je crains qu’environ 17% de mon exploitation soit gelée à 100%. Nous connaissons bien ces gelées de printemps, mais elles n’ont jamais atteint cette ampleur."
En 1991, 80% des surfaces agricoles françaises avaient été touchées par la gelée printanière.
2017, la dernière grosse gelée noire
C’est ce type de gelée qui a touché la France ces derniers jours. Et on l’appelle comme ça parce qu’elle arrive au moment où le bourgeon est encore tendre et donc pas assez résistant pour faire face à des températures basses.
Le plus récent épisode de gelée noire qu’ait connu la région, avant celui de 2021, est celui d’avril 2017. Dans la nuit du 19 au 20 avril 2017, le vignoble et l’arboriculture avaient été durement touchés par un gel important. Des températures allant jusqu’à -5 degrés dans l’Aude. Dans les Pyrénées-Orientales, le thermomètre était descendu jusqu’à -3 degrés. De nombreux dégâts avaient été constatés : près de 20 000 hectares de vignes détruits dans l’Hérault et autant dans l’Aude. Certains domaines avaient perdu près de 80% de leurs parcelles.
La récolte 2017 avait été classée historiquement basse dans l'Hérault : 4 millions d'hectolitres. C’est 800.000 hectolitres de moins que les années précédentes.
Dans toute la France, la production de vin s’était établie à 37,2 millions d’hectolitres. Avant cela, la plus petite production de vin en France remontait à 1991 avec 41 millions d’hectolitres.
2021, l'une des pires catastrophes depuis des décennies pour l'agriculture française
Mais pour 2021 même si les conséquences économiques restent encore à chiffrer, les premières constatations dessinent un phénomène d’ampleur. Les dégâts devraient se faire sentir sur plusieurs années. Pour certains, l’épisode est aucunement comparable à ceux des années 1991, 1974 ou 2017 : "C'est un phénomène national. On peut essayer de remonter dans l'histoire, il y a eu des épisodes en 1991, 1997, 2003 mais là, d'après moi, on dépasse tous les indicateurs qui laissent entendre que c'est beaucoup plus sérieux que les gels antérieurs", a déclaré Jérôme Despey secrétaire général de la FNSEA et lui-même viticulteur dans l'Hérault.
D’autant qu’avec la crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus, de nombreux agriculteurs étaient déjà fragilisés. Jean-Marie Fabre, président des vignerons indépendants de France et aussi vigneron dans le Fitou, dans l’Aude parle de "tension et d’anxiété", chez les vignerons. "On vit avec les aléas climatiques c’est notre lot quotidien mais cet épisode vient ajouter du stress à cette année déjà très compliquée, anxiogène avec la crise sanitaire et ses conséquences sur le plan économique. Une charge mentale en plus pour les vignerons qui pour certains tentent de survivre".
Pourtant alertés des conditions météo, les vignerons avaient tenté de contrer le gel, en allumant des feux, des chaufferettes, des bougies. Mais peine perdue, le thermomètre est descendu trop bas. Aujourd'hui, ils espèrent des aides afin de passer ce cap difficile.