Le loup, un animal altruiste et écologiste ? C’est le portrait à rebrousse-poil qu’en dresse Pierre Jouventin, chercheur à Montpellier. La présence du prédateur est avérée en Occitanie mais selon lui, les attaques de brebis peuvent être évitées. Il nous explique comment dans Enquêtes de région.
Qui a peur du Grand Méchant Loup ? Certainement pas Pierre Jouventin. Ce directeur de recherche en éthologie a passé toute sa vie à étudier le comportement des mammifères et des oiseaux. Et « canis lupus » n’a plus vraiment de secret pour lui. Jusqu’à avoir vécu avec une louve pendant plus de 4 ans dans un appartement à Montpellier.
Dans son dernier livre « Le loup, ce mal aimé qui nous ressemble », il démonte plusieurs idées reçues que l’on peut avoir sur l’ancêtre du chien, en s’appuyant sur les dernières découvertes de la science.
Le loup, cet inconnu
Au-delà des contes et légendes ou des observations empiriques, le loup n’est réellement étudié scientifiquement que depuis les années 50.
L’ignorance et le fantasme sur le loup restent immenses.
Les récentes études montrent un animal fidèle en couple et qui vit dans une famille soudée. Les petits sont élevés par la meute. Le loup est altruiste, coopère pour chasser et peut reconnaitre ses pairs rapidement et à grande distance, juste par le hurlement ou la démarche. C’est aussi un chasseur écologiste, qui dans son milieu naturel, régule les populations. Le prédateur possède une énorme capacité d’adaptation. Il peut parcourir 70 km en une seule nuit.
Bientôt des meutes en Occitanie ?
C’est un animal particulièrement intelligent et adaptable. Et si pour le moment, la région Occitanie compte une dizaine de loups officiellement recensés, des mâles isolés, la suite logique est de voir s’installer des meutes. Pas de doute pour le scientifique. Les loups qui prennent actuellement possession de nouveaux territoires chercheront ensuite une compagne avant de créer une meute. Reste à savoir à quel horizon.
Peut-on se protéger du loup ?
Pierre Jouventin est catégorique : « Bien sûr, on peut s’en protéger ! Dans tous les autres pays, on considère que la cohabitation est possible mais cela signifie avoir des bergers, des clôtures et des chiens de protection ».
Le loup n’est pas un enfant de choeur, mais la cohabitation est possible.
Mais à ses yeux, la gestion du loup en France est loin d’être la bonne. Il pointe les indemnisations trop systématiques, qui créent parfois des effets d’aubaines. « Certains éleveurs ne surveillent pas assez les moutons et en plus se font rembourser. En Allemagne, quand le troupeau est attaqué, ils viennent vérifier que le troupeau est bien gardé. En France, non ! »
Pour le chercheur montpelliérain, il faut mettre la priorité des financements sur les équipements de protection et arrêter les indemnisations.
Une gestion aux effets pervers ?
Quant aux tirs sur les loups, (en France, la protection des troupeaux permet des tirs dérogatoires dans certaines situations), ils auraient un effet délétère selon une récente étude américaine. Tirer sur une meute accélèrerait la dissémination des individus. Les solitaires seraient poussés à essaimer. De plus, seuls les dominants savent chasser les animaux sauvages. Sans leur présence, les jeunes loups vont au plus facile : les moutons !
Pour cet expert passionné, il faut retrouver la culture du loup, celle qui semble faire défaut aujourd’hui aux éleveurs confrontés au prédateur. Apprendre à le connaitre. Et à vivre avec. Mais Pierre Jouventin s’interroge : « saurons-nous trouver un compromis en le surveillant étroitement sans l’éliminer » ? Et dépasser nos peurs ? Car en Occitanie, la reconquête lancée par le loup semble inexorable.
Enquêtes de région
Ours, loups, comment cohabiter avec ces prédateurs en Occitanie ? L'émission Enquêtes de région Occitanie est diffusée mercredi 13 octobre 2021 sur les antennes de France 3 Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Elle est présentée par Anne-Sophie Mandrou et Nicolas Albrand entourés des invités :
Christine TEQUI : Présidente Conseil Départemental de l’Ariège
Fabien QUETIER : Gestion, conservation et restauration de la biodiversité – Biotope
Pierre JOUVENTIN : Docteur d’Etat en écoéthologie (université de Montpellier) et Directeur de Recherche au CNRS (retraité)
Ruppert VIMAL : Chargé de recherche CNRS – Univ J. Jaurès, spécialiste Relations Homme/Animal.