Un master en sciences de l'éducation à l'université Paul Valéry de Montpellier propose de former au "Leadership vibratoire dans une approche de pédagogie quantique, afin d’œuvrer en pleine conscience" une description jugée par ses détracteurs "fantaisiste", sinon complètement "ésotérique". Aujourd'hui, un syndicat étudiant demande sa suppression immédiate. L’Université assume mais a annoncé vérifier son contenu.
Un cursus proposé par l’université Paul Valéry agite les réseaux sociaux et les médias depuis une semaine. Le master 2, Parcours Responsable d'évaluation, de formation et d'encadrement (M2REFE), destiné à de futurs formateurs et encadrants est délivré par l’université. Ce diplôme certifié par l’Etat et sa présentation promet aux étudiants d’aller "vers une bienveillance du care et quantique du leadership capacitant et vibratoire".
Une description énigmatique mais selon la directrice de l’université, Anaïs Fraisse, ce master serait lié à une demande sociétale : "Trouver des méthodes pour diriger des équipes de manières moins agressives ou encore apprendre à chercher des solutions pour résoudre les conflits."
Une formation "pas ésotérique ni fantaisiste"
L'enseignante responsable du cursus, Bénédicte Gendron, docteure en neuropsychologie, développe : "L’objectif pédagogique du M2REFE est de former des futurs encadrants travaillant sur eux intérieurement, pour œuvrer en posture équilibrée auprès d’autrui. [...] C’est un travail à développer son capital émotionnel pour encadrer, manager, accompagner en acteur responsable." "La formation n'est pas ésotérique ni fantaisiste", ajoute l'ancienne vice-présidente de l'Université Montpellier 3.
Le contenu du programme suscite des interrogations. La formation propose une retraite socratique au Centre Lerab Ling, un temple Boudhiste situé près de Lodève. Le lieu est controversé suite à des accusations de viols et d’emprise mentale contre son ancien directeur Sogyal Rinpoche en 2017. "Nous ne sommes pas liés aux activités du centre Lerab Ling, et à ce [qui est] évoqu[é] sur ce centre", rappelle Bénédicte Gendron.
L'université défend la liberté académique
Le porte-parole du Syndicat de Combat Universitaire de Montpellier (SCUM), Tom Guichard, demande la suppression de cette formation.
On est dans un cadre universitaire à la faculté qui s’appuie sur des sciences humaines. La problématique de cet enseignement, tel qu’il est présenté dans la plaquette, se rapproche plus de la théologie religieuse.
Tom GuichardPorte-parole du Syndicat de Combat Universitaire de Montpellier (SCUM)
La présidence de l’université assure que le contenu de la formation a été évalué par l’Etat depuis sa création en 2011. Il serait question de liberté académique : "Cette formation proposée par une collègue répondait à une demande sociétale. Comme tous nos masters proposés dans le même cadre en sciences humaines, il est validé dans les mêmes conditions. Il est habilité et contrôlé par l’Etat. De son côté, l’université vérifie qu'il n’y ait pas de dérive et que l’on est dans un enseignement académique. Nous n’avons eu aucune alerte auparavant."
Suppression de "l'immersion dans "le centre Lerab Ling"
Quelques heures après l'interview de France 3, la page explicative du master est modifiée. La plaquette initiale propose "une approche pédagogique quantique". Comme le montre cette capture d'écran réalisée le 22 avril dans la matinée.
Une mention supprimée quelques heures plus tard. La responsable de la formation assume ce changement : "J'ai demandé à ce que le terme quantique, utilisé métaphoriquement, soit enlevé au regard des tensions qu'il a généré", explique Bénédicte Gendron.
Le module "Formation à l’Acceptation et l’Engagement" se déroulait initialement "dans le cadre d’une immersion et exposition à la culture orientale (soit en Thaïlande ou si pour des raisons sanitaires et limitation de la mobilité internationale, probablement au centre Lerab Ling, Occitanie, France)."
Cette mention a également disparu quelques heures après l'interview de l'équipe de France 3, comme le montre la capture d'écran du lundi 22 avril à 16 heures.
Un changement sur la plaquette de présentation, qui ne signifie pas pour autant un changement dans le contenu en lui-même de la formation. La responsable du cursus l'assure, si le contenu doit changer, "cela se fera en concertation avec [l']université, [...] comme cela a été fait et toujours fait".
"Le programme de formation du Master est scientifique et validé par l'université et le ministère, insiste Bénédicte Gendron. Seul le texte d'annonce, c'est-à-dire le flyer, ne l'est pas et sera preneuse (sic) de conseils en communication scientifique par [l']université pour ce dernier."
Un déontologue saisi
La présidente de l’université confie : "Après, c’est à nous de vérifier qu’il n’y a pas une dérive sur les méthodes employées. Également, que l’on ne bascule pas vers des méthodes qui ne sont pas considérées comme académiques. En revanche, il y a aussi la liberté de travail de chaque enseignant pour explorer un champ de possibilités et de réponses directes."
Elle assure n’avoir jamais été alertée par des étudiants mécontents. Le nombre d’inscrits est stable chaque année. L’université a tout de même saisi un déontologue pour évaluer le contenu de la formation et s’assurer qu’il entre bien dans un cadre académique.
Ecrit avec Emilien David.