A Saint-Jean-de-Fos, près de Montpellier, Pamela Bouthillier a fait de la danse sa meilleure alliée pour lutter contre et vivre avec la maladie génétique rare de ses deux filles, atteintes du syndrome d'Usher, qui leur fait progressivement perdre l'ouïe et la vue.
Au rez-de-chaussée de la maison de Pamela Bouthillier à Saint-Jean-Fos dans l'Hérault, il y a une salle de danse : parquet, miroir et barre, tout y est.
Une évidence pour cette jeune femme : elle a toujours aimé danser. Après une formation au Conservatoire de danse de Paris, elle devient danseuse, professeur et chorégraphe. Elle part à Shangaï et vit sa passion.
La naissance de sa fille Nayomi est une déflagration dans sa vie : son bébé ne respire pas, doit être réanimé et souffre d'hémiplégie.
Pamela amène Nayomi à l'hôpital Necker à Paris. "J'avais l'impression d'être inutile, que seuls les médecins savaient ce qui était bon pour elle", se souvient avec émotion Pamela.Je ne connaissais que "le corps parfait" des danseurs, c'est leur outil de travail, et là, on me dit que ma fille a une lésion au cerveau, qu'elle risque d'avoir des séquelles, de ne pas marcher ou parler.
"Et puis j'ai commencé à danser avec mon bébé, c'était un langage que je pouvais parler avec elle, qui nous faisait du bien à toutes les deux."
Difficile d'imaginer la situation quand on voit Nayomi, 9 ans aujourd'hui, évoluer avec grâce et enthousiasme dans la salle de danse.
"J'aime bien quand je danse, je suis bien dans mon corps, je me sens libre", explique en souriant la petite brune aux cheveux courts.
La danse agit comme rééducation et thérapie, elle devient le langage privilégié de la famille.
Pamela crée une école de danse pour personnes valides et non valides et réalise un documentaire "Mejuna" dans lequel danse et handicap ne font qu'un.
Liberty naît trois ans après sa sœur, sans problème.
Le syndrôme d'Usher, une maladie génétique rare
En grandissant, Nayomi entend mal. Un début de surdité mis sur le compte de son manque d'oxygène à la naissance. Mais au cours d'une partie de cache-cache, Pamela se rend compte que Liberty non plus n'entend pas bien.Après des examens plus poussés, la nouvelle tombe : les deux fillettes portent le gène du syndrome d'Usher, une maladie rare, qui entraîne une surdité puis une cécité progressive.
Il n'existe aucun traitement à ce jour. Les fonds récoltés par le Téléthon ont cependant permis de faire avancer la recherche vers les thérapies géniques.
Pamela ne baisse pas les bras et s'appuie sur la danse pour traverser les épreuves. Et pas question de cesser de sourire à la vie.
Ce sont mes filles qui ont le syndrome d'Usher, qui portent des appareils auditifs, et elles ne se plaignent jamais de la maladie, alors pourquoi moi je devrais vivre comme une victime?
Pas question non plus de considérer le handicap comme une faiblesse.
Mes filles sont handicapables. En situation de handicap, c'est long, c'est de la broderie, handicapé, c'est une fin en soi, il y a un côté tragique que je refuse. Qaund je dis handicapable, je vois le champ de capacités de mes filles.
Pamela Bouthillier a créé un spectacle autour de son histoire avec ses filles. Elle danse ses émotions, en alternant avec des diaporamas réalisés par le photographe Guillaume Deperrois, sur une musique composée par le violoncelliste Laurent Besson, présent sur scène avec elle.
"Voyage en terre chair" sera joué salle Rabelais à Montpellier samedi 7 décembre à 19h, dans le cadre du Téléthon 2020, puis dans une tournée, qui sera aussi une campagne de sensibilisation sur la "condition humaine du handicap".
A Saint-Jean-de-Fos dans l'Hérault, où Nayomi et Liberty sont scolarisées, Pamela Bouthillier a commencé une nouvelle vie, noué des amitiés fortes.
La tout juste quadragénaire espère ouvrir très bientôt un centre culturel pour accueillir notamment son école de danse, ouverte à tous, "handicapables" comme valides.
Elle reste fidèle à sa philosophie : "à partir d'une souffrance, on peut être plus heureux qu'avant".