L’Assemblée nationale a adopté dans la nuit de mardi 14 mai à mercredi 15 mai, la réforme constitutionnelle concernant la Nouvelle-Calédonie. Au cœur de ce texte, l’élargissement du corps électoral qui suscite de nombreuses tensions entre les indépendantistes et les loyalistes. A Montpellier, la communauté calédonienne est très inquiète.
Ils sont à plus de 17 000 kilomètres de leur archipel et retiennent leur souffle au gré des nouvelles. Les Calédoniens de Montpellier scrutent minute par minute les réseaux sociaux avec en fond les chaînes d’information. Depuis lundi 13 mai, la ville de Nouméa et le Grand Nouméa sont le théâtre de nombreux affrontements. Le gouvernement a décrété l'état d'urgence pour douze jours depuis ce mercredi 20 heures.
"Je suis très inquiète, confie émue, au bout du fil Lydia, originaire de Lifou. On communique beaucoup entre nous, on reçoit des messages du pays, on se relaie les infos entre Calédoniens en métropole. On essaye de se réunir pour savoir comment apporter du soutien, une aide à distance."
Âgée de quarante-deux-ans, elle habite Montpellier depuis cinq ans et est en formation encore pendant trois ans. "J’ai l’impression que l'on rouvre une plaie qui avait été fermée lors de la signature des accords de Nouméa en 1998."
Une inquiétude partagée par Joseph, éducateur spécialisé, habitant de Montpellier depuis dix ans. "Je n’arrive pas à joindre certains membres de ma famille. On communique via les réseaux sociaux principalement. Je me sens totalement impuissant. J’essaye de faire véhiculer les informations que je reçois."
Élargir le corps électoral calédonien
A l’origine des tensions : la réforme du corps électoral du scrutin provincial de l’archipel dans le cadre de la révision constitutionnelle. Le gouvernement souhaite autoriser les personnes arrivées sur le territoire depuis 1998 à voter aux élections provinciales.
Aujourd’hui, pour pouvoir voter à cette élection, il faut avoir résidé en Nouvelle-Calédonie entre 1988 et 1998 ou avoir un parent qui remplit ces conditions, des modalités qui écartent un électeur sur cinq. Cela permet aux Kanaks, minoritaires de peser dans les décisions politiques, comme le rappel Outre-mer la 1ère. Un projet déjà adopté au Sénat en avril dernier.
Le gouvernement s'entête à faire passer un projet alors qu'il y a des accords mis en place.
LydiaCalédonienne
Toute la nuit [entre le 14 et le 15 mai, ndlr], ils ont regardé en direct les débats à l’Assemblée nationale. "J’étais en apnée", explique Lydia. Elle marque un temps d’arrêt. "Ce qui a été dit réduit à néant notre avenir. Chez nous la parole c'est sacré. Les députés de la majorité n’ont pas pris la question par la bonne fenêtre et cela va attiser la violence. Cette révolte est liée à notre identité et aux traumatismes de la colonisation. Si vraiment la loi passe, le peuple Kanak n'existera plus", alerte-t-elle.
Les parlementaires de la majorité, des Républicains et du Rassemblement national ont voté à 351 voix pour. A gauche 153 ont voté contre.
"Le gouvernement fait la sourde oreille"
Joseph, lui a "l’impression de ne pas être entendu. Il y a un tel embrasement sur place que l’on ne contrôle plus rien."
Un constat partagé par Lydia. "J’ai très peur que la situation dégénère encore avec l'envoi de renforts armés. Pour éviter cela, on appelle à ce que les grands-frères viennent raisonner les plus jeunes. Cette génération n’y croit plus, elle est à la dérive. A cela s’ajoute l’attitude du gouvernement qui fait la sourde oreille."
Avec les autres calédoniens résidant à Montpellier, ils vont essayer d’organiser une cellule de soutien en fin de semaine comme cela s’organise dans différentes villes de l’Hexagone.
Nous les grands on essaye de rester forts, pour les étudiants en pleine période d’examens. La situation à des milliers de kilomètres est terrible pour eux.
LydiaCalédonienne
Quatre morts et des centaines de blessés
Ce mercredi 17 mai, le premier bilan était de quatre morts et de plusieurs centaines de blessés selon l’Elysée."Le matériel est dégradé mais les vies sont perdues côté Kanak et forces de l’ordre". La calédonienne retient son souffle.
Le premier ministre doit proposer dans les prochaines heures une date pour recevoir les différents acteurs du territoire. Après qu’Emmanuel Macron leur ait demandé de reprendre le dialogue, faute de quoi avant la fin juin, il réunira le Congrès.
Lydia et Joseph s'inquiètent d’une telle issue et rappellent : "qu’au delà de la colonisation, la Nouvelle-Calédonie est l’île aux mille couleurs. On a le monde sur notre archipel."