Ils vont pouvoir reprendre leur fonction. Les soignants non vaccinés suspendus pendant la crise sanitaire ont pu réintégrer leur service dès ce lundi. Une décision attendue pour la plupart, alors que d'autres ont décidé de ne pas reprendre du service.
ll y a deux semaines, Emilie a reçu un courrier des ressources humaines de la clinique où elle a travaillé pendant 10 ans. Elle va pouvoir regagner son poste d’infirmière après avoir été suspendue de ses fonctions pendant plus d'un an. Sans salaire, elle a fait une dépression et cumulé les postes précaires.
Alors cette réintégration, c'est à la fois de la joie et de l'appréhension.
Je vais être contente de remettre ma blouse en fait, et de revoir mes patients, de reparler avec eux, et de les soigner.
Emilie, infirmière
"Je vais être contente de remettre ma blouse en fait, et de revoir mes patients, de reparler avec eux, de les soigner car en fait c'est pour ça que je fais ce métier. Que je n'avais pas du tout envie de quitter. Donc, oui, lorsque je me projette, je suis contente. C'est plus tout le contexte qui me fait peur, la direction de la clinique, le personnel", explique Emilie.
Une joie de retrouver son métier, mais aussi la fin de la précarité pour cette mère célibataire."Cela m'arrange aussi financièrement, car là j'arrive au bout de beaucoup de difficultés. J'ai eu des aides financières solidaires qui m ont fait souffler, mais mes économies y sont passées. Elles n'étaient pas prévues pour pallier une suspension, mais heureusement j'ai pu garder mon appartement", précise Emilie.
Et malgré le soulagement de pouvoir reprendre ses fonctions et de retrouver un métier qu'elle aime, Emilie avoue rester traumatisée par sa suspension, et la ressent encore comme une injustice. "Pour moi, cette suspension a été vraiment une injustice. Elle a mis à mal des soignants qui ont été là pendant toute la première vague. Je n'ai jamais eu de chomage partiel, j'ai toujours été présente pendant toute la pandémie, tout en gérant ma fille pendant le confinement. Et j'ai été remerciée avec une lettre de suspension, c'est encore quelque chose de difficile", confie l'infirmière.
" Quelque chose est cassé "
Béathan, aide-soignant âgé de 35 ans, se dit lui aussi soulagé par la parution de ce décret qui leur redonne le droit de travailler dans les structures médicales.
"J'attendais cette décision avec impatience, essentiellement pour une question de justice. Nous sommes le dernier pays européen à le faire. Maintenant, nous avons le choix", explique-t-il.
Et le choix de Béathan est clair pour le moment. Il a décidé pour l'heure de ne pas reprendre du service à l'hôpital.
"J'ai dû complètement changer de vie et partir vivre à la campagne car nous n'avions plus les moyens de rester à Montpellier avec deux enfants. J'ai travaillé pendant six mois dans une entreprise de nettoyage et ensuite j'ai fait une formation d'assistant maternel et j'aime ce nouveau métier et cette nouvelle vie", confie-t-il.
Béathan envisage de peut-être de retourner travailler en milieu hospitalier dans quelques mois ou quelques années, mais "quelque chose est cassé".
"J'ai été aide-soignant pendant 15 ans et l'hôpital se privatise de plus en plus Nous n'avons plus le temps de travailler correctement auprès des patients ni les moyens d'apporter des soins avec bienveillance. Ce qui pourrait me remotiver, c'est que j'aime mon métier, mais au vu de la manière dont nous avons été traités, nous voulons aujourd'hui l'assurance de pouvoir travailler dans de bonnes conditions pour tous. Je suis plus en phase avec ma nouvelle vie aujourd'hui", conclut-il.
En France, 3 000 soignants pourraient regagner leur poste ou un poste équivalent. Selon un sondage Ifop, 79% des Français se déclarent favorables à la réintégration des soignants non-vaccinés.
Ecrit avec Lou-Ann Le Roux