L'information inquiète les riverains de l'étang de l'Or, à l'est de Montpellier. Des résidus d'un pesticide cancérigène, le chlorothalonil, ont été identifiés à des doses anormalement élevées lors de deux relevés d'analyses sur l'eau potable. Si l'eau "reste consommable sans restriction", selon l'ARS Occitanie, la présence de ce produit chimique pose problème. Il s'agit d'un fongicide dangereux pour la santé interdit depuis 2020 en France.
L'eau du robinet est-elle potable ou dangereuse pour la santé des habitants de Mauguio ?
C'est la question que tous les riverains de l'étang de l'Or se posent après la découverte, lors d'analyses, de résidus d'un produit chimique dans l'eau. Il s'agit du chlorothalonil R471811. Un dérivé de la chlordécone, tristement célèbre aux Antilles, bien plus toxique que le glyphosate et interdit depuis 2020 en France.
Ce réseau dessert 50.000 habitants à l'année mais 270.000 l'été à cause des touristes dans les stations balnéaires. Il est aussi raccordé à celui de Montpellier qui utilise son eau ponctuellement.
Voir la qualité de l'eau potable en France.
"L'eau est cancérigène"
Pour l'instant, aucune restriction de consommation d'eau n'est en cours et cela devrait perdurer à moyen terme. Pourtant, certains usagers s'interrogent, à la lumière des derniers relevés des contrôles sanitaires réalisés le 27 octobre et le 7 décembre 2023. Des résidus de ce pesticide fongique cancérigène de type 1 ont été retrouvés dans le réseau.
C'est un produit chimique phytosanitaire très dangereux et il se trouve en quantité six fois supérieure à ce que l'on peut admettre dans l'eau qui est distribuée au robinet. Moi, je dis simplement, l'eau est cancérigène.
Daniel Bourguet, conseiller municipal d'opposition à Mauguio, membre de la commission eau à l'agglomération du Pays de l'Or.
"L'eau est consommable sans restriction"
L'eau de l'agglomération du Pays de l'Or provient à 80% du Bas Rhône et à 20% de la dizaine de stations de pompage qui se situent dans la plaine agricole de Mauguio. C'est dans l'un de ces captages situé au nord-est de l'agglomération, entre Mauguio, Lansargues et Candillargues, que le dépassement de la valeur conseillée de chlorothalonil a été enregistré. Une zone où cohabitent vergers, maraîchage et cultures de céréales.
Et si les responsables déplorent ce chiffre, ils veulent rassurer la population.
"Ce n'est pas inquiétant pour la consommation de l'eau au quotidien. Il y a deux seuils dans la réglementation, un en limite de qualité à 0,1 microgramme/litre, c'est un objectif et un autre, qui est la valeur sanitaire, et nous sommes plutôt dans la partie basse des deux limites" explique Sylvain Ribeyre, directeur général adjoint en charge du pôle eau et assainissement à l'agglomération du Pays de l'Or.
Attention au cumul des résidus polluants dans l'eau
Avec 0,6 microgramme par litre, le taux de ce pesticide est bien en dessous de 3 microgrammes, le fameux seuil dangereux fixé par le ministère de la Santé. Il est toutefois au-dessus de la norme de qualité de 0,1 microgramme. Mais pour ce spécialiste, le compte n'y est pas. Les limites fixées sont très insuffisantes.
Il faut mettre en place une politique de santé. Il faut arrêter avec ces taux de contamination qui sont considérés comme faibles mais qui en réalité en s'additionnant représentent une véritable bombe chimique l'individu.
Charles Sultan, endocrinologue pédiatrique et professeur émérite de la faculté de médecine de Montpellier.
Si l'origine agricole de cette pollution fait peu de doute, elle soulève une vraie question. Comment un résidu de chlorothalonil a-t-il pu polluer le réseau d'eau potable du Pays de l'Or, fin 2023, alors que ce pesticide est interdit en France depuis 2020 ?
Quatre hypothèses sont possibles.
- Une contamination rémanente des sols due à l'utilisation du produit durant des décennies.
- Une utilisation frauduleuse d'anciens stocks.
- Une utilisation frauduleuse de produit acheté en Espagne et importé illégalement en France.
- Un laboratoire a "dopé" un de ces produits à l'insu des agriculteurs.
En attendant, pour réduire le taux de résidus de chlorothalonil, il est procédé à une dilution des captages. "L’augmentation des taux de mélange depuis Vauguières pourrait constituer une solution transitoire mais sans aucune garantie car l’eau du canal n’est elle-même pas exempte de métabolites et est, par nature, sujette à de fortes variations de concentrations" explique la commission eau après les analyses de décembre dernier.