L'Oasis propose un havre de verdure et de paix au pied des immeubles de la Mosson à Montpellier. La structure accueille les enfants du quartier. Après les nuits de violence et les dégâts provoqués par les émeutes qui ont suivi la mort de Nahel à Nanterre, habitants et animateurs ont été surpris par la jeunesse des participants. Mais pas question de céder au découragement. Ici, c'est le respect de l'autre qui prime.
Attacher les plants de tomates du coin potager, nourrir les poules et s'occuper des chèvres, voilà le programme du jour à l'Oasis. Un petit coin de paradis planté au beau milieu des barres d'immeubles. Ce lieu d'accueil dédié aux enfants du quartier a été créé par Kamel Bara en 2015, juste après les attentats de Charlie Hebdo. "Ce n'est ni un centre aéré ni un centre de loisirs. Les enfants viennent et partent quand ils veulent", détaille l'animateur. "Quand ils viennent ici, ils doivent adhérer au fonctionnement, c'est-à-dire bien se comporter entre eux. La valeur centrale ici, c'est le respect".
S'impliquer auprès des plus jeunes
Kamel Bara a grandi ici et, après les attentats de Charlie Hebdo et les réactions observées, il a senti l'urgence de s'impliquer auprès des plus jeunes. Dans le quartier de la Mosson, 40% des habitants ont moins de 25 ans et près d'un jeune sur deux est au chômage. Une partie de la jeunesse est en perte de repères. Pour le militant associatif, l'éducation à la citoyenneté est un levier essentiel pour être maître de son avenir. Et ce qu'il a vu lors des nuits d'émeutes qui ont suivi la mort du jeune Nahel à Nanterre, l'a surpris. Avec des participants très jeunes, à la différence des émeutes de 2005.
Quand je dis "jeune", c’est 12-13-14 ans. Je ne m’attendais pas à ce que ces tout jeunes ados soient aussi proches des événements, et même actifs : ils avaient des mortiers etc... Cela m’a surpris et même déçu, parce que je me suis dit, j’ai loupé quelque chose.
Kamel Bara, association Les 4 chemins
Surpris et impuissants, les habitants du quartier le sont aussi. Les casseurs ont pris pour cible des abribus, des magasins, ils ont incendié des voitures et des poubelles en bas de chez eux. Ils ont visé aussi des symboles de l'Etat, comme l'un des deux bureaux de poste, fermé pour de longues semaines.
Mauvaise image, nouveaux clichés
Même si les délinquants ne représentent qu'une infime partie des habitants du quartier, les actes de violences contribuent à dégrader l'image des cités. Et enferment encore davantage les plus jeunes dans les clichés qu'ils dénoncent. Un cercle vicieux que constate Véronique Le Gouaziou. Pour la sociologue, coauteure de l'ouvrage "Quand les banlieues brûlent" (éditions La Découverte) en 2006, "cette colère ramène à elle un ensemble de frustrations, de sentiment d'humiliation, de choses qui fonctionnent mal dans ces territoires dont la situation ne s’est pas améliorée ces dernières années c’est le moins qu’on puisse dire".
Ces quartiers incarnent presque plus des populations qui posent des problèmes que des populations qui ont des problèmes. Ils sont le miroir négatif de nos sociétés, ils font l’objet d’une série de représentations négatives et les émeutes n’arrangent rien de ce point de vue là.
Véronique Le Gouaziou, sociologue
Kamel Bara le reconnaît : "le discours républicain est très difficile à tenir dans les quartiers, parce que les jeunes n'y croient pas. Ils voudraient croire dans une société bienveillante et égalitaire, qui s'occupe de tout le monde. Mais leur réalité ne leur montre pas ça."
Croire au modèle républicain
Pour autant, pas question de baisser les bras. Au contraire. Pour l'animateur de l'Oasis, il est plus que jamais important de continuer à porter dans les quartiers populaires les valeurs de la République et du respect de tous.
Pour moi, la solution, elle est là : travailler pour réussir, aller à l’école pour obtenir des diplômes, faire des formations qualifiantes, respecter son voisinage, respecter les règles et les lois... ça passe vraiment par là.
Kamel Bara, animateur à l'Oasis
À la Mosson, la vie a repris son cours. Peu à peu, les traces des émeutes s'effacent dans les rues. Mais leur impact sur l'image du quartier risque d'être plus durable. Et il faudra bien plus qu'un coup de peinture pour en sortir.
Écrit avec Caroline Agulo.