Mort de Nahel à Nanterre. Comparutions immédiates après les émeutes : "Des faits graves" d'un côté, "manque de preuves" de l'autre

Au Palais de justice de Toulouse (Haute-Garonne), des comparutions immédiates ont concerné ce lundi des individus arrêtés lors des émeutes, qui ont fait suite à la mort de Nahel à Nanterre. Dans une ambiance tendue, avocats et Procureure ont défendu leur vision des affaires jugées. Récit d'audiences.

L’ambiance est particulière lundi 3 juillet au Palais de justice de Toulouse, à la mi journée. La grève des greffiers se mélange à la manifestation pacifique de quelques jeunes. Ils sont une petite trentaine à discuter, en musique, pour protester contre ce qu’ils décrivent comme "une répression d’Etat". Leur présence est loin d'être un hasard : ils vont suivre les comparutions immédiates. 

"Des faits graves" pour les uns, "ne pas se contenter de soupçons" pour les autres

Sur la liste de ces audiences prévues, la moitié concerne des individus arrêtés pendant les émeutes qui ont fait suite à la mort du jeune Nahel à Nanterre. Par rapport aux actes de vandalisme et de dégradations qui ont marqué la France, les dossiers de l'après-midi sont d'une gravité moindre. 

Le premier à s'avancer à la barre en milieu d'après-midi a à peine 20 ans. Il a déjà été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour refus d'obtempérer et violence sur personne dépositaire de l'autorité publique, il y a près d'un an. 

Il a été arrêté le 29 juin et placé en détention à la prison de Seysses. "Traumatisé, choqué de ce qu'il a vu" lors de sa détention, il lui est reproché d'avoir lancé des cailloux sur les policiers sans les blesser, même s'il se trouvait dans un groupe qui tirait des mortiers à Bagatelle. Ce quartier est secoué depuis quelques jours par des émeutes nocturnes. "Ça court partout, ça caillasse autour de moi" confirme l'accusé au t-shirt blanc, interrogé par la présidente. 

La relaxe, "au bénéfice du doute"

Un policier affirme l'avoir vu et reconnu, projectiles en mains. Une version fermement contredite par l'accusé qui promet "n'avoir rien à se reprocher", et "être resté avec ses amis dans un parc". Aucune image vidéo ne permet de vérifier le déroulement de la scène. 

Incisive, la procureure de la République rappelle que "les violences urbaines ont déjà commencé" à ce moment-là. Elle cible la dangerosité des pierres lancées, "des faits graves qui méritent d'entrer en voie de condamnation", rappelant la ligne sur le casier judiciaire de l'accusé. 

En réponse, l'avocate de la défense, Maître Brandely, met en doute les informations indiquées sur la fiche d'interpellation, comme l'horaire et l'endroit. "Les dossiers vont être nombreux, il ne faut pas se contenter de soupçons mais bien de preuves" martèle-t-elle en référence au contexte violent qui a touché le pays. "Pourquoi mon client est là ? Il n'y a aucune certitude" poursuit-elle, certifiant qu'il est dans une démarche d'insertion. Elle plaide la relaxe, et sera suivie par le tribunal, "au bénéfice du doute".

La salle évacuée après des rires de certains spectateurs

Quelques minutes plus tard, un autre accusé de 22 ans, arrêté pendant les émeutes, se présente. Son casier judiciaire est lourd avec de multiples condamnations notamment pour agression sexuelle, vol en réunion et violences. Le 28 juin, quartier du Mirail, il aurait insulté des policiers, fait acte de rébellion et donné une fausse identité lors de son interrogatoire. Des individus attaquent les policiers à coups de tirs de mortier au même moment. 

"C'est moi qui ai été violenté. J'ai couru mais je ne les ai pas insultés. Je sais que je n'ai pas le droit de dire ça" répond l'accusé, qui fait l'objet d'une interdiction de résider sur le territoire français. Les débats se poursuivent dans une salle comble. "Si vous estimez avoir été victime de violences policières, vous pouvez déposer plainte" lui indique la procureure de la République. Des rires jaunes éclatent de l'auditoire : "tout le monde sort de la salle !" exige la présidente, qui avait déjà dû intervenir à quelques reprises. 

Dans ce dossier, la procureure assure qu'un outrage "ne doit pas passer sous silence". Pour elle, "l'usage de la force laisse des traces, oui" mais l'accusé est "quelqu'un qui sait ce qu'il fait". Elle critique le "sentiment de toute puissance" de ce dernier en reprenant ses propos tenus au commissariat : "un blédard ne va pas en prison".

Elle souligne qu'il est "totalement à côté de la Loi et de la raison", l'invite à essayer de se comporter normalement. Et requiert 10 mois de prison avec un maintien en détention, accompagné d'une interdiction de paraître à Toulouse.

La défense, elle, invite le tribunal "à ne pas tout mélanger" face au contexte d'émeutes. Elle pointe des problèmes dans la procédure, "comme des procès-verbaux non signés et des déclarations des policiers qui ne concordent pas".

"Pourquoi n'y a-t-il pas eu de confrontation entre mon client et les policiers ?" insiste-t-elle, rappelant les 48 heures de garde à vue écoulées. "La preuve n'a pas été rapportée par le parquet" boucle-t-elle, en soutenant la voie de relaxe.

Les comparutions immédiates des dizaines de personnes interpellées à Toulouse lors des émeutes devraient se poursuivre cette semaine. Dans un climat pour le moins atypique.

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