Abdelkader Azzimami et Abderrahim El-Jabri espèrent voir annuler leur condamnation à 20 ans de prison.
Quelque 900 kilomètres les séparent aujourd'hui mais les destins d'Abdelkader Azzimami
et Abderrahim El-Jabri restent liés par l'espoir de voir annuler leur condamnation à 20 ans de prison pour un meurtre qu'ils ont toujours nié.
La Commission de révision des condamnations pénales dira lundi si, comme l'a demandé
le parquet général, elle accepte de saisir la Cour de révision, seule à même d'annuler la peine prononcée en 2003 contre les deux hommes et confirmée un an plus tard
en appel.
L'enquête sur le meurtre, en 1997 à Lunel (Hérault), d'un jeune homme de 22 ans lardé de 108 coups de couteau, a rebondi en 2011 avec l'arrestation et la mise en examen d'un manutentionnaire de 30 ans et d'un directeur de centre de loisirs de 33 ans, confondus par l'ADN, qui ont disculpé les deux condamnés.
Soulagement ? Assis dans son salon en short et chemise, M. Azzimami s'excuse de son apathie. "Je ne suis pas bien dans ma tête, pas bien physiquement. Le contrecoup de la prison", explique ce grand gaillard de 47 ans au crâne lisse.
Après onze ans et sept mois derrière les barreaux de sept établissements différents, sa demande de liberté conditionnelle a été acceptée en 2009.
Mais c'est en homme "détruit" qu'il a retrouvé à Lunel ses quatre enfants et sa famille qui l'ont toujours soutenu, suivi au gré de ses déménagements pénitentiaires, allant jusqu'à engager des enquêteurs privés pour mener leurs propres investigations.
Abdelkader Azzimami veut entendre le mot acquittement prononcé par la justice pour se libérer vraiment et tenter de revivre.
Pour Abderrahim El-Jabri, son camarade des heures difficiles, un acquittement n'aurait pas qu'une valeur symbolique. Il lui ouvrirait, espère-t-il, les portes d'une vie enfin normale.
Car sorti de prison en 2011, cet homme de 46 ans estime n'avoir aujourd'hui que "le droit de travailler et de fermer (sa) gueule".
Sa liberté conditionnelle est très encadrée: elle lui interdit tout séjour dans le département de l'Hérault, où il a vécu depuis l'âge de 20 ans, et lui impose de présenter un contrat de travail.
Problème: de nationalité marocaine, il est en attente du renouvellement de son titre de séjour, une situation, affirme-t-il, qui effraie les employeurs.
Son dernier contrat de travail s'est achevé il y a deux mois. Il habite avec sa mère à Ostricourt (Nord), son père est mort durant ses années de prison.
De ce père regretté, de sa mère venue à chaque procès et qui aimerait de son vivant le voir acquitter, de la souffrance des années de détention, Abderrahim El-Jabri a parlé aux magistrats de la Commission de révision lors de l'audience qui s'est tenue en juin.
Une parenthèse d'écoute et d'espoir vite refermée. Aujourd'hui Abderrahim El-Jabri en a "marre" au point de se demander s'il ne va pas "retourner en prison en attendant un procès en révision".
"Je ne peux pas me marier, pas travailler, par retourner dans l'Hérault, je n'ai plus envie de respecter mes obligations", confie-t-il d'un ton las.
A l'autre bout de la France, Abdelkader Azzimami dit tenir grâce à ses proches. Il se sent encore oppressé par la prison. "Le bruit, les cris sont toujours là", assure cet homme qui a tenté à trois reprises de mettre fin à ses jours.
Son frère s'est mis à son compte pour lui fournir un emploi, condition sine qua non de sa conditionnelle. Mais un eczéma "pathologique" lui ronge les mains depuis sa sortie de prison et l'empêche de travailler. "Je ne peux plus rien faire".