Après cette étape au chaud, nous sommes fin prêtes pour une journée de montée.
1000 mètres de dénivelés en perspective.
En deux jours, nous, les béotiennes, on a testé la peur des avalanches, on a testé notre force de passage, ou nos passages en force, à ski, dans les descentes…On a testé le gel des doigts, des orteils et la nuit à moins 20 degrés…On s’est faites engueuler pour nos peaux de phoque qui trainaient dans la neige, et sur notre lenteur à reconstituer nos sacs…On a glacé pour des heures nos skis en tombant à l’eau ; on a détesté et aimé notre nouvelle petite famille : nous sommes fin prêtes à apprécier le jour qui vient et ses nouvelles aventures.
Depuis on trace. Ils m’ont tous semée peu à peu. J’avance lentement, en brûlant mes forces, en dépensant toute mon énergie.
1000 mètres de dénivelés pour de beaux paysages, pour le soleil qui se lève, pour le réconfort du corps quand il cesse de peiner comme une bête ; quand il s’arrête pour souffler, et regarder. Ou qu’il regarde pour pouvoir souffler. Si c’est juste pour souffrir, ça vaut pas. Mais souffrir pour la beauté, pour le plaisir de goûter au repos, pour le plaisir de cesser de souffrir, pour atteindre l’inaccessible… Et atteindre cette petite cabane de trappeur qui fera notre bonheur ce soir.
On retrouve ses fondamentaux : manger pour se reconstituer des forces, quand on vraiment faim ; dormir pour se ressourcer et pouvoir repartir ; marcher pour remettre la pensée en marche, et au final, cesser de penser pour être heureux… Les yeux rivés aux sommets et les oreilles entre vent et silences.
Je tire sur mon corps, puise dans mes ressources, à la limite de la nausée tellement l’effort est intense. Ils ne s’arrêtent donc jamais ?
Si ! L’étape est moins longue que prévue… Ouf ! Mais il fait toujours aussi froid. On casse la surface du lac pour faire provision d’eau, on casse le bois mort pour que le poêle ronronne.
Heureux de ce cirque de Pyrénées offertes, rien qu’à nous. Juste pour nous qui sommes montés jusque là à pied, à ski, à peau de phoque
Ce soir je dors dans du beau… et demain je me lèverai dans la splendeur de la montagne. Sûre d’ouvrir les yeux à l’aube dans un vrai décor. Gagné par soi même. Comme il faut en chier pour s’offrir la beauté, l’espace et la liberté.