Juge Borrel : l'armée savait depuis 1995

Selon un témoin, l'armée française savait que le juge Borrel avait été assassiné dès 95. Gérard Longuet dément.

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Affaire Borrel : L'armée savait dès 1995

Un témoin affirme que l'armée savait que le juge Borrel avait été assassiné dès 1995.

L'armée française a été informée de l'assassinat du juge Bernard Borrel, via des écoutes de la police djiboutienne, peu après son décès, selon le témoignage d'un militaire français en poste à Djibouti à l'époque et révélé mercredi par la radio France Culture. le ministre de la défense, Gérard Longuet a démenti ce jeudi matin sur F2.

Magistrat détaché à Djibouti, Bernard Borrel a été retrouvé mort le 19 octobre 1995.  Son corps était en partie carbonisé, en contrebas d'un ravin, à 80 km de Djibouti. L'enquête française a privilégié dans un premier temps la thèse du suicide avant de retenir celle d'un assassinat après de nouvelles expertises.

Le témoignage provient d'un appelé en poste au sein d'une unité chargée des écoutes au sein de l'armée française à Djibouti à l'époque des faits. "Un jour, j'ai entendu dire au centre qu'un homme avait été immolé par le feu par des personnes du nord du territoire à l'aide de jerricanes d'essence. C'était un Français qui avait été brûlé non loin du Goubet. C'était dans la ville d'Arta", a-t-il déclaré à la juge Sophie Clément en juillet. Le corps de M. Borrel a été retrouvé près du Goubet.

"On n'était pas censé entendre les écoutes mais on vivait en permanence avec des militaires qui procédaient aux écoutes. C'était vers 11 heures-midi, je ne sais même pas si nous n'étions pas à table. L'information venait de sortir", a ajouté le témoin. "C'était une information provenant de la surveillance des communications internes de la police djiboutienne", a-t-il précisé.

Selon ce témoin, la Prévôté (détachement de la gendarmerie en charge de la police militaire) est alors "intervenue", a-t-il dit sans savoir de quelle façon. "Aujourd'hui je peux donc affirmer que M. Borrel ne s'est pas suicidé. Il a été tué et des militaires étaient au courant", a-t-il ajouté.

Après ce témoignage, la veuve du juge Borrel, Elisabeth Borrel, toulousaine,  demande à nouveau que tous les documents classés secret défense relatifs à la mort de son mari soient déclassifiés. "Le chef de l'Etat (Nicolas Sarkozy) m'avait assuré en 2007 que le secret-défense serait levé. Or rien n'a été fait. Il faut que tous les documents datés d'avril 1994 (date d'arrivée du juge à Djibouti, ndlr) à 1997 soient déclassifiés" a dit Mme Borrel.

Longuet : "L'armée ne savait pas"

Gérard Longuet, ministre de la Défense, interrogé dans Télématin sur F2, a assuré que "l'armée ne savait pas. Si l'armée savait, elle a l'obligation, c'est dans le code pénal, article 40, de transmettre au magistrat toute information sur une affaire juridique", a déclaré M. Longuet.

Va-t-il lever le secret défense, comme le demande la veuve du juge Borrel? "Naturellement, mais il y a une procédure", a répondu le ministre. "Toute demande de levée du secret défense passe par une commission composée de trois magistrats et deux parlementaires, un de la majorité et un de l'opposition", a-t-il expliqué. "Mes prédécesseurs ont toujours donné, et j'ai toujours donné, les documents demandés, dès lors qu'ils sont autorisés par la commission", a-t-il ajouté.

"La recherche de la vérité, c'est très bien, l'armée française, pour sa part, n'a rien à cacher", a affirmé M. Longuet. Quant au témoin, "s'il savait depuis 1995, il fallait le dire immédiatement au juge", a observé M. Longuet. "Le juge se retourne vers l'armée et nous demande des documents et tous les documents qui seront demandés par le magistrat seront délivrés au juge."

L'enquête se poursuit

Pour l'ancien militaire qui a révélé ce nouvel élément, "il y a forcément une trace" de l'écoute de la police djiboutienne "sauf si elle a été délibérément supprimée", a-t-il dit, précisant que les informations du jour étaient transmises par télex au ministère de la Défense. Cette information est révélée alors que le président Nicolas Sarkozy doit s'entretenir dans l'après-midi à Paris avec son homologue djiboutien Ismaël Omar Guelleh. L'enquête française menée à Paris par la juge Clément privilégie désormais la thèse d'un assassinat. Des témoignages, dont celui de l'ex-membre de la garde présidentielle Mohamed Saleh Alhoumekani, mettent directement en cause le président Guelleh et son entourage.

Parallèlement à l'enquête criminelle, deux enquêtes judiciaires ont été menée en France dont l'une pour pressions sur la justice. Dans l'une d'elle, deux proches du président Guelleh ont été soupçonnés d'avoir fait pression sur deux témoins dans l'enquête sur la mort du juge français, avant d'être relaxés par la justice française.

L'affaire Borrel a empoisonné pendant des années les relations entre Paris et son ex-colonie, où la France dispose de sa plus importante base militaire à l'étranger avec près de 3.000 hommes.

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