Les avocats de la défense protestent par leur absence contre "l'injure" d'un juge.
Des rangs vides, des robes noires roulées en boule sur les tables en guise de protestation : les avocats de la défense ont pratiqué la politique de la chaise vide mardi à l'ouverture de l'audience du procès de l'explosion de l'usine AZF.
Ils s'estiment injuriés par un des trois magistrats de la cour d'appel de Toulouse dont ils ont demandé la récusation dès lundi.
Tristesse
"C'est avec tristesse que j'ouvre cette audience étant données les circonstances dans lesquelles j'ai dû la clore la semaine dernière. Triste spectacle pour tout le monde", a notamment déclaré le président Bernard Brunet.
Le directeur de l'usine Serge Biechlin et la société Grande Paroisse (groupe Total), poursuivis pour homicides involontaires, ont demandé à être dispensés d'audience. Et ne sont pas apparus de toute la journée.
Seuls se sont présentés l'ex-PDG de Total, Thierry Desmarest, et un représentant de la société-mère qui devaient répondre précisément mardi à des citations directes de certaines parties civiles exigeant qu'ils soient eux aussi jugés.
"Camembert"
La défense a demandé la récusation du conseiller assesseur Michel Huyette à la suite d'un incident en fin d'audience jeudi. Cette récusation est en cours d'examen par le premier président de la cour d'appel et le procès se poursuit sans changement en attendant sa décision, a déclaré le président Bernard Brunet.
"Le conseiller assesseur Michel Huyette nous a fait un geste avec la main signifiant "La ferme !", les enfants disent "Camembert", c'est une insulte absolument incroyable", a expliqué dès vendredi maître Jacques Monferran, un des avocats de la défense.
La défense venait de protester contre le report du réquisitoire de l'avocat général au 8 mars, date à laquelle Daniel Soulez Larivière (chef de file de la défense) ne peut être présent car il doit être à l'ouverture du procès en appel du Concorde.
La cour et les parties civiles se sont déclarées ouvertes mardi à de nouvelles
modifications.
"Défendre la défense"
Fait rarissime, le bâtonnier de Toulouse, Pascal Saint-Geniest est intervenu en début d'audience. Il s'est dit choqué par le geste (présumé) du conseiller Michel Huyette et a rappellé les droits de la défense, prônant la liberté de parole et la considération mutuelle. Maître Thierry Carrère, ancien bâtonnier, lui a répondu, au nom de plusieurs avocats de parties civiles. "Même le bâtonnier peut parfois se tromper. Je pense pour ma part que ce n'était ni le lieu, ni le moment, ni la bonne façon d'intervenir dans cette difficulté. Il y a suffisamment de douleur et de misère dans cette salle pour que notre susceptibilité professionnelle n'y soit pas étalée". L'avocat a regretté que le bâtonnier ne se soit pas adressé aux avocats des parties civiles. "J'aurais pu lui dire ce que nous vivons depuis quatre mois. Il aurait alors peut-être fait un choix différent. Moins flamboyant, plus discret. Maintenant, il faut que ce procès se poursuive. Et que la justice soit rendue. Cela fait dix ans que l'on attend ça..."
Pour les victimes, c'est une stratégie
Plusieurs associations de défense des victimes ont dénoncé la "stratégie" des avocats de Total "qui en sont réduits à chercher l'incident qui invaliderait le procès".
La défense a plusieurs fois mis en cause l'impartialité de la cour depuis le début du procès d'appel le 3 novembre.