Une dizaine d'ouvriers est décédée sur des chantiers en 2011. Triste record de France pour l'Hérault.
Après une dizaine de morts dans des accidents du travail sur des chantiers dans l'Hérault en 2011, la Fédération française du Bâtiment (FFB) vient d'établir un "livre noir" sur ce département, réclamant aussi des mesures aux pouvoirs publics. Il faut dire que l'Hérault est l'un des départements de France où l'activité du BTP est très forte.
"Il faut agir ! Nous avons des suspicions sur des chantiers traités trop bas (à prix cassés, ndlr)", affirme Patrick Ceccotti, président départemental de la puissante FFB, qui a mis en place son observatoire des chantiers suspects.
"Certains chantiers sont revenus au Moyen-Âge quant aux conditions d'hygiène et de sécurité. Des structures low-cost, qui emploient une main-d'oeuvre souvent originaire d'Europe de l'Est, négligent les conditions élémentaires de travail. On se refuse à les appeler "entreprises"", dit-il.
"Nous sommes les mauvais élèves d'une classe en progrès tant en taux d'accidents qu'en gravité", admet à propos de la région Bertrand Guizard, chef d'agence de l'Organisation professionnelle de prévention du BTP, qui tempère en constatant que depuis 1990 sur toute la France le taux d'accidentologie "a baissé de 50 %".
Non-port du casque ou des chaussures de sécurité, échafaudages de fortune, travail illégal le week-end: le bâtiment, qui emploie 58.000 salariés dans la région, voit les conditions de travail se dégrader, confirme la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).
"Il y a des risques identifiés sur certains chantiers, faisant courir des risques graves et imminents aux ouvriers", dénonce Anne-Marie Sabatier, responsable de l'unité territoriale de l'Hérault à la Direccte, qui a recensé une "dizaine de morts" dans le département.
"Ce bilan serait plus lourd si nous n'avions pas arrêté 119 travaux en 2011", précise Roger Moncharmont, directeur adjoint du pôle travail à l'unité territoriale, tandis que la FFB déplore représenter "30% des accidents graves pour 10% des salariés".
Pour ses 70 ans, vendredi à la Grande Motte, la FFB Languedoc-Roussillon a tenté de sensibiliser sur les questions de sécurité et de prévention. "Les entreprises n'adhèrent pas facilement", constate Anne Dreyfuss, en charge de ce dossier dans la Fédération.
"La prévention doit s'intégrer au management et ne pas être perçue comme une charge supplémentaire", estime-t-elle, soulignant qu'il faut convaincre de son importance en terme de temps et donc de rentabilité, avant de cibler les risques: routiers, musculo-squelettiques et chutes de hauteur.
Des guides de bonnes pratiques sont signés désormais entre la FFB de l'Hérault et des maîtres d'ouvrage: Montpellier Agglomération l'a fait le 12 avril, et la ville de Montpellier et le conseil général doivent rejoindre le mouvement.
Pour la FFB, qui demande à l'Etat plus de vérifications, la puissance publique est aussi socio-responsable quand elle choisit ses prestataires: "Elle doit prendre en compte la politique de formation menée, ou pas, par les entreprises, le fait qu'elles emploient, ou pas, une main-d'oeuvre locale", dit M. Ceccotti.
"Il y a un lien entre main-d'oeuvre locale et sécurité (...) Les organisations qui ne font que passer sont plus enclines à faire n'importe quoi", ajoute-t-il.
"Les marchés sont passés dans de telles conditions qu'il y a une prise de risque", relève M. Moncharmont. "Il faut revenir à des pratiques plus normales pour que les entreprises organisent la sécurité, qui a un coût. Cela passe par la responsabilité des maîtres d'ouvrage publics et privés".