Quelle joie de repartir. Ceux qu’on aime ici bas ne sont plus qu’un lointain souvenir. Quelle muraille protectrice cette montagne, contre l’amour sous toutes ses formes.
On redevient le solitaire qu’est l’homme.
Le cœur ne bat plus pour l’amour, il bat pour survivre…pour donner des forces au corps, il se bat pour ne pas s’essouffler. Il élimine tout effort inutile, il élimine l’amour. Histoire de s’économiser. En montagne, tu oublies les tiens, tes enfants, ton père, ton mari, ta fratrie. Il faut tellement combattre pour avancer.
Quel besoin d’aller endurer de telles épreuves? Le peu d’effort de la vie ordinaire. Notre profession qui n’a plus rien d’aventurier. On a besoin d’aller se mesurer ailleurs.
Et quel autre moyen que d’en baver pour contempler tous ces sommets ?
Les montagnes rouges d’Espagne, les murailles de chair et de pierre, les cirques, les lumières qui te brûlent, t’accompagnent, te quittent, te flambent, le ruisseau qui serpente et tapisse le long val désert que je mets tant de peine à quitter. Morte de fatigue, chaque pas me coûte sur cette fin de journée. Mais pourquoi être revenue ? pas pour endurer à ce point tout de même ?. Pas pour le repos le soir venu ? Si un peu quand même. Le silence est tellement bon, ici haut, Qu’il ns fait nous lever de la plaine et marcher pour l’atteindre.
Ce sont les bruits incessants de la plaine qui nous font fuir vers les sommets. Le silence, la beauté, l’espace…Le prix se paye sur la bête.
Et puis peut être que l’épreuve et la montagne sont payantes à long terme. Une fois rentrés, une fois éblouis, on en revient des espaces pleins les yeux. Les gens qui ont vu les sommets rentrent différents me disait un copain guide. Plus lumineux. Les montagnards sont lumineux. Illuminés même.
Aujourd’hui tentative de décryptage de ce qu’est la sublimation. Démêler le vrai du faux. Le vrai bonheur, c’est celui qu’on vit ou son souvenir ? Sur le précédant raid, ce fut son souvenir le plus grand bonheur. Mais il avait bien fallu marquer la chair d’abord. La marquer en marchant, en suant, en en ayant plein les pattes. Quel est le plus vrai ? Le souvenir ou l’instant présent ? Stop, je reste sur la vraie vie. Pas sur des supputations de plaine.
La longue nuit s’installe.
Bonnet jusqu’aux oreilles, chaussures trempées au pied, je m’enfonce au fond du duvet pour réchauffer tout ça. Et dormir. Pour espérer être au sec au petit matin.
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