Molex : l'histoire

Il y a trois ans, les 283 salariés de Molex à Villemur-sur-Tarn apprenaient la fermeture imminente de leur usine.

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Molex annonce la fermeture de son site 23/10/2008

Le 23 octobre 2008, le groupe américain Molex annonce la fermeture prochaine de son usine de Villemur-sur-Tarn, en Haute-Garonne. Une fermeture totale et définitive que rien ne laissait présager. 283 salariés sont sur la sellette...

Le 23 octobre 2008, la SARL Molex Automotive, filiale française du groupe américain Molex, annonce la fermeture, en juin 2009, de son usine de Villemur-sur-Tarn, en Haute-Garonne. Un coup de massue pour les 283 salariés... et le début d'une longue et éprouvante lutte dans l'usine et dans les tribunaux.

Qui est Molex ?

Molex est un constructeur de composants électroniques qui produit des systèmes d’interconnexion électrique et de fibre optique, des commutateurs, des circuits intégrés et de l’outillage.  L'entreprise  fournit diverses industries parmi lesquelles l’automobile.


Créée en 1938 aux Etats-Unis, Molex emploie 32 000 personnes dans le monde entier. Son chiffre d’affaires est de 2,86 milliards de dollars. Elle s’est implantée en France en 2004 avec un bureau d’études dans les Yvelines et une usine à Villemur-sur-Tarn qui appartenait avant cela aux deux sociétés Cinch Connecteur et Labinal. En 2008, année du début du conflit, Molex employait 283 personnes en Haute-Garonne et comptait comme principal client, PSA.

L’usine de Villemur-sur-Tarn


Dans les années 20 : Pierre Compte crée la SGE (société générale d’équipements), dont le siège est en région parisienne et compte une usine à Vire, dans le Calvados.
Dans les années 40 : Pierre Compte cherche un site en zone libre et se voit diriger vers une scierie désaffectée de Villemur-sur-Tarn.
Après-guerre : l’usine se développe.
1958 : la SGE est rachetée par PML, Précision Mécanique Labinal.
Dans les années 60 : l’usine compte près de 1500 salariés.
1969 : l’entreprise ouvre un site de production à Labastide-Saint-Pierre, dans le Tarn-et-Garonne.
1977 : la SGE devient Cablauto-SGE.
1991 : l’usine devient Labinal-Villemur.
1992 : l’activité connectique automobile pour Peugeot devient Connecteurs Cinch.
1998 : Cinch devient Labinal.
2000 : la Snecma rachète les activités automobiles de Labinal. L’usine de Labastide-Saint-Pierre passe chez Valeo, pour les activités aéronautiques. Les deux usines sont donc dissociées.
2004 : la Snecma cède l’activité de Cinch à Molex, malgré un avis défavorable du CE.
2008 : Molex annonce la fermeture du site de Villemur.

David contre Goliath

L’annonce

Le 23 octobre 2008, la SARL Molex Automotive, filiale française du groupe américain Molex, annonce la fermeture, en juin 2009, de son usine de Villemur-sur-Tarn, en Haute-Garonne. Un coup de massue pour les 283 salariés...

Rachetée quatre ans plus tôt par Molex, n°2 mondial de la connectique automobile, l’usine de Villemur existe depuis 70 années pendant lesquelles elle a changé au moins cinq fois de nom et de patron. Le dernier rachat avait été mal accepté par les salariés, le comité d’entreprise s’était d’ailleurs prononcé contre, estimant qu’aucun investissement n’était prévu pour maintenir l’emploi. A cette époque-là déjà, certains salariés ont le sentiment que Molex ne cherche qu’à s’emparer du savoir-faire et des brevets de l’usine de Villemur, et de compter – enfin – Peugeot parmi ses clients.

L’annonce d’octobre 2008 n’est donc pas totalement une surprise. Sa brutalité, en revanche, en est une… Une fermeture totale et définitive alors que l’entreprise est bénéficiaire et que ses salariés ont été officiellement félicités pour leurs bons résultats quelques mois plus tôt : décidément, personne ne peut y croire.

Une fermeture préméditée

Pourtant, il va rapidement s’avérer que la fermeture, justifiée par Molex comme nécessaire pour le maintien de la compétitivité du groupe, est programmée depuis longtemps. Sans que les représentants du personnel n’en aient été avertis. Un délit d’entrave aux prérogatives du Comité d’Entreprise qui conduit les salariés à porter plainte contre la direction de Molex : la première d’une très longue série de batailles judiciaires.

Parallèlement, les salariés, eux, vont se battre sur le front du maintien de l’emploi. Pas question d’engager des discussions sur le plan social et les indemnités de licenciement : il faut sauver l’usine. Et leur combat dans ce sens va durer près d’un an. Une lutte pacifique, digne, dont le symbole reste ce réveillon du 25 décembre 2008 devant l’usine, avec la photo des salariés sur le sapin…

A partir de là, les rebondissements seront multiples. En avril 2009, les salariés apprennent que les outils et les moules de l’usine de Villemur ont été dupliqués, dans le but de contourner le site en cas de grève. Immédiatement, ils décident de retenir deux des dirigeants dans leurs bureaux, afin d’obtenir des explications des USA. Les deux cadres sont « libérés » sur injonction du tribunal de Grande Instance de Toulouse.

Cet épisode provoque l’intervention de l’Etat dans ce dossier déjà très fortement médiatisé depuis maintenant six mois. L’Etat demande un report de quatre mois de la fermeture et s’engage financièrement dans le reclassement.

Le bras-de-fer

Alors que la viabilité économique du site est confirmée par le cabinet d’expertise indépendant Syndex, les salariés entament une grève illimitée le 7 juillet 2009. Un été interminable pour les Molex qui voient tour à tour apparaître puis disparaître un possible repreneur. Qui voient surtout fermer leur usine pour « raisons de sécurité ».

A la fin du mois d’août, tout s’accélère. Molex fixe les conditions du plan social : le CE doit rendre un avis sur le PSE au 15 septembre au plus tard, sans quoi Molex se retire et seul Molex France finance le plan, à hauteur de 8 millions d’euros (contre les 30 millions promis par le groupe Molex). Les salariés, qui ont reçu plusieurs courriers de la direction expliquant l’enjeu, sont invités à s’exprimer. Dans la nuit du 15 septembre, alors que le ministre de l’Industrie Christian Estrosi vient de présenter le repreneur partiel, 214 salariés votent à bulletin secret : la majorité demande aux élus du CE de donner un avis. C’est l’entrée dans le plan social…

A partir de là, tout va très vite. Les stocks de l’usine sont déménagés, les premières lettres de licenciement arrivent début octobre 2009.

La bataille juridique fait rage

Le combat des Molex se déplace sur le front judiciaire.

Le 6 mai 2010, le tribunal correctionnel de Toulouse condamne deux des dirigeants de l’usine, William Brosnan et Philippe Faure à six mois de prison avec sursis et à 10 000 euros de dommages et intérêt pour délit d’entrave.

Six mois plus tard, 189 salariés saisissent le conseil des Prud’hommes de Toulouse pour contester le motif économique de leur licenciement. En réaction, Molex menace de ne pas continuer à honorer le plan social, en l’occurrence le paiement des indemnités de reclassement des 19 représentants du personnel. Une attitude condamnée par l’Etat qui a pourtant accepté quelques mois plus tôt, par la voix de son ministre du travail, le licenciement desdits représentants du personnel, contre l’avis du l’Inspection du travail.

Ce combat judiciaire n’est aujourd’hui pas terminé. La plainte de Molex pour la séquestration de ses deux cadres court toujours. Quant au Conseil des Prud’hommes, il devait examiner le 20 octobre 2011 la requête de 195 salariés pour licenciement abusif mais la direction de Molex a demandé un report d'audience, auquel les salariés ne se sont pas opposés. Une nouvelle audience pourrait avoir lieu au cours du premier trimestre 2012.

A l’heure actuelle, 46 anciens salariés ont retrouvé du travail chez VMI, le repreneur partiel de Molex. Une cinquantaine a obtenu un CDI (contrat à durée indéterminée), grâce à ses propres recherches. Une centaine est en formation ou en contrat à durée déterminée. Les autres, cinquante personnes environ, sont toujours à la recherche d’emploi.

 

Chronologie d'une mort annoncée

Depuis octobre 2008, les salariés se battent avec l'énergie du désespoir contre les dirigeants de Molex.

Des 283 salariés de l'usine Molex à Villemur, seuls 49 travaillent toujours sur le site repris par VMI. La plainte des salariés au Prud'hommes pour contester le caractère économique de leur licenciement sera examiné en 2012.

23 octobre 2008 : annonce de la fermeture du site et de 283 licenciements. (Voir la vidéo)

30 octobre 2008 : visite de Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT sur le site
06 novembre 2008 : Opération "Villemur, ville morte" à l’occasion du CE qui lance la procédure de fermeture. (Voir la vidéo)
10 novembre 2008 : une délégation de salariés est reçue à Paris par Luc Châtel, alors secrétaire d’Etat chargé de l’Industrie.
23 novembre 2008 : les salariés annoncent leur intention de déposer plainte contre la direction de Molex pour délit d’entrave. (Voir la vidéo)
26 novembre 2008 : les salariés de Molex sont reçus par le Consul des Etats-Unis à Toulouse. (Voir la vidéo)
22 décembre 2008 : les salariés décident de camper devant leur usine durant les vacances de Noël, par crainte d’un « déménagement » des outils de travail.
25 décembre 2008 : réveillon devant l’usine. (Voir la vidéo)
14 janvier 2009 : Molex confirme la fermeture. Manifestation devant la Préfecture.

15 janvier 2009 : le tribunal de grande instance de Paris examine la plainte des dirigeants de Molex, lesquels veulent obtenir rapidement le rapport du cabinet indépendant d’expertises, Syndex.
11 février 2009 : Molex fait appel de la décision du TGI qui a donné raison aux salariés au sujet de l’expertise de Syndex.
18 février 2009 : Martin Malvy rencontre Anna Rodriguez, vice-présidente de Molex Monde.
23 février 2009 : table ronde entre direction, salariés, et l'Etat en Préfecture de Région.
20 avril 2009 : les salariés apprennent que les moules de l’usine ont été dupliqués aux Etats-Unis. Ils décident de retenir Marcus Kerriou, co-gérant de l’usine, et Coline Colboc, directrice des ressources humaines, dans leurs bureaux, en attendant de pouvoir dialoguer avec la maison-mère, aux USA. (Voir la vidéo)
21 avril 2009 : les deux cadres sont « libérés » sur injonction du TGI de Toulouse. (Voir la vidéo)
29 avril 2009 : l’Etat demande un report de 4 mois de la fermeture, le temps d’affiner un projet de reprise.
4 mai 2009 : l’Etat s’engage à hauteur de 2,5 millions d’Euros pour faciliter le reclassement des 283 salariés.
7 mai 2009 : les représentants syndicaux déposent plainte devant le TGI pour rétention d’information.
16 mai 2009 : le cabinet d’expertise Syndex confirme la viabilité du site.
19 mai 2009 : le juge des référés du TGI de Toulouse ordonne la suspension du plan social, « tant que le CE n’aura pas été régulièrement informé et consulté ».
18 juin 2009 : la direction fait appel de cette décision.
7 juillet 2009 : début d’une grève illimitée chez Molex. Les salariés contestent le caractère économique de la fermeture. (Voir la vidéo)
03 août 2009 : Christian Estrosi, Ministre de l’Industrie, laisse entendre, sur Europe 1, que des repreneurs sont sur les rangs.
5 août 2009 : abandon des discussions avec un éventuel repreneur. Un dirigeant du groupe est bousculé par des salariés en colère.

6 août 2009 : la direction de Molex décide de fermer l’usine de Villemur jusqu’à nouvel ordre, après les incidents de la veille. Les salariés saisissent l’Inspection du travail. (Voir la vidéo)
11 août 2009 : le juge des référés du TGI de Toulouse rejette la fermeture provisoire décidée par la direction « par mesure de sécurité ». Molex n’obtempère pas.
13 août 2009 : nomination d’un médiateur par le Ministère de l’Industrie. Il s’agit de Francis Latarche, ancien directeur de la Direction du Travail et de l’emploi.
31 août 2009 : la direction conditionne le paiement des salaires du mois d’août à la signature du plan social avant le 15 septembre.
3 septembre 2009 : les salariés assignent la direction aux Prud’hommes pour le paiement des salaires du mois d’août.
14 septembre 2009 : Christian Estrosi présente un repreneur, le fonds de pension HIG. L’Etat s’engagerait à hauteur de 6,7 millions d’Euros, le repreneur HIG Capital avec 1 millions d’Euros sous forme de prêt. 15 à 20 personnes seraient reprises. (Voir la vidéo)
15 septembre 2009 : une assemblée générale du personnel vote pour que les élus se prononcent sur le plan social, lequel est donc entériné. (Voir la vidéo)
22 septembre 2009 : début du déménagement du stock. (Voir la vidéo)
1er octobre 2009 : premières lettres de licenciement. (Voir la vidéo)
31 octobre 2009 : Denis Parise et Guy Pavan, élu Ce et délégué syndical, se rendent aux Etats-Unis, à l’invitation des syndicats américains.
15 décembre 2009 : l’Inspection du travail de Toulouse annule le licenciement économique des représentants du personnel, estimant que le motif économique n’est pas démontré.
28 décembre 2009 : reprise du travail pour 19 salariés au sein de VMI, Villemur Industries, dans les anciens locaux de Molex. (Voir la vidéo)
26 mars 2010 : le licenciement économique des représentants du personnel est accepté par le Ministère du Travail, malgré l’avis de l’Inspection du Travail.
6 mai 2010 : lors du procès pour délit d’entrave, le tribunal correctionnel de Toulouse condamne le co-gérant et le directeur de l’usine à six mois de prison avec sursis et 10 000 euros de dommages et intérêts. (Voir la vidéo)
20 août 2010 : une enquête de France-Inter révèle qu’un conseiller d’Eric Woerth, Eric de Sérigny, conseillait en même temps la direction de Molex.
24 septembre 2010 : 188 salariés saisissent les Prud’hommes pour contester le caractère économique de leur licenciement.
Octobre 2010 : Molex menace de ne pas honorer le plan social, si les salariés ne renoncent pas à leur recours aux Prud’hommes. Le ton monte nettement entre l’Etat et Molex. (Voir la vidéo)
26 octobre 2010 : Molex annonce des bénéfices-record, en hausse de 33 % sur un an.
4 novembre 2010 : la liquidation de Molex France est prononcée par le Tribunal de commerce de Paris. (Voir la vidéo)
7 novembre 2010 : messe de soutien aux salariés par le curé de Villemur. (Voir la vidéo)
15 novembre 2010 : Denis Parise et Guy Pavan sont convoqués au commissariat pour séquestration.
4 décembre 2010 : sortie du film de José Alcala, « Molex, des gens debout ». (Voir la vidéo)
9 décembre 2010 : Les Grandes Bouches dédient une de leurs chansons aux salariés de Molex.
13 janvier 2011 : Molex aurait payé un million d’Euros en trop au fisc français, lequel signe donc un chèque de ce montant au liquidateur judiciaire. (Voir la vidéo)
20 octobre 2011 : les Prud’hommes examinent la plainte des salariés qui contestent le caractère économique de leur licenciement. L'audience est reportée en 2012.

Le contexte français

2009 est décidément l'année de tous les combats ouvriers. Avec la crise financière démarrée un an plus tôt, les exemples de licenciements, de fermetures et de délocalisations sont légions en France. Pas un jour sans que ne soit annoncé un nouveau plan social...

Molex, Freescale, Continental, Ford, General Motors, Caterpillar ou encore New Fabris : ils ont tous attiré l'attention des médias, par leurs manières - différentes - de lutter contre les projets de leurs direction.

Continental à Clairoix (Oise)

C'est peut-être la lutte la plus marquante de l'année. En mars, les 1120 salariés de l'usine Continental de Clairoix apprennent la délocalisation de leur usine en Roumanie. Le Tribunal de Sarreguemines rejette l'annulation du plan social et après quatre mois de lutte, de blocage, de manifestations (dont celle qui donnera lieu au saccage de la Préfecture de l'Oise, pour lequel les salariés seront poursuivis), le personnel obtient 50 000 euros d'indemnités par salarié.

New Fabris à Chatellerault (Vienne)

A Châtellerault, cette entreprise sous-traitante de PSA et de Renault est mise en liquidation. Les 366 salariés menacent de faire sauter leur usine, si la prime individuelle de licenciement n'atteint pas 30 000 euros. Ils ne parviennent pas à sauver l'emploi mais obtiennent 12 000 euros en plus des indemnités légales. Les Molex viendront soutenir leur lutte.

Caterpillar à Grenoble et Echirolles (Isère)

Leur lutte durera dix semaines, avec occupation et séquestration à l'appui. Au final, 600 licenciements et des primes allant jusqu'à 70 000 euros.

Ford à Bordeaux-Blanquefort (Gironde)

C'est l'un des rares succès parmi cette longue liste de lutte salariale puisque qu'après un combat difficile, la reprise s'opère sans licenciement.

Molex à Villemur-sur-Tarn ( Haute-Garonne)

Après onze mois de conflits ponctués de nombreux rebondissements, notamment judiciaires, les salariés ont, à contre-coeur, accepté le PSE, avec des primes allant de 26 000 à 65 000 euros et neuf mois de reclassement payés à 100%.

Freescale à Toulouse (haute-Garonne)

Après cinq semaines de grève contre un plan social prévoyant 820 suppressions de postes, cette entreprise toulousaine a été vendue à un fonds de pension. Selon les syndicats, la moitié des emplois aurait disparu.

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