La furieuse envie de toréer, de démontrer aux autres et à soi-même qu'on sera un torero d'importance : voilà ce qui caractérise Juan Leal. Voilà ce qui séduit le grand public comme les aficionados, ceux en tout cas qui n'ont pas oublié que le chemin de bien des figures a commencé ainsi.
Istres, samedi 16 juin 2018.
Troisième spectacle (deuxième corrida) de la feria.
Morenito de Aranda ; une oreille et silence
Pepe Moral : silence (un avis) et sifflets (deux avis)
Juan Leal (remplaçant Manolo Vanegas) : deux oreilles et une oreille.
Temps chaud, arène quasiment pleine.
Le quatrième toro, Cubetisto, n° 13, 535 kilos, a été honoré d'une vuelta posthume.
Les banderilleros Marco Leal et Manolo de los Reyes (cuadrilla Juan Leal) ont salué après les banderilles - superbes - du sixième toro.
Jean-Pierre Odet, mayoral de la ganadería a salué en piste à la fin de la corrida et Juan Antonio Carbonell (cuadrilla de Pepe Moral) a gagné le prix du meilleur picador.
6 toros de Cura de Valverde, poil lustré, cornes redoutables et beaucoup d'allure à leur sortie du toril. Pour le comportement, la combativité, la bravoure, la durée, il y eut un peu de tout. Des toros toujours intéressants, bagareurs sous la pique, s'élançant d'aussi loin qu'on les plaçait, mais certainement pas aussi brillants que l'a cru une bonne partie du public et la présidence, ni aussi "intoréables" qu'on affecté de penser deux des trois toreros du jour.
Accordant ici une oreille après une faena quelconque au premier toro, là une vuelta al ruedo après un combat discutable du quatrième, la Présidence a contribué à fausser un peu la donne.
Morenito de Aranda doit encore se demander par quelle sorte de miracle il a coupé l'oreille du premier. Peut-être pense-t-il que les quelques gestes de classe qu'il a dessiné sur le passage du toro lui ont valu cet honneur. Probablement satisfait de ce résultat, il n'a pas renouvelé l'effort avec le quatrième.
Auréolé de son succès madrilène, le talentueux Pepe Moral a promené sa longue silhouette autour des toros sans jamais trouver (ni peut-être vraiment chercher) le sitio adéquat. Peut-être aurait-il préféré ne pas avoir à toréer cette corrida.
On trouvera mille et un défauts aux faenas de Juan Leal : muleta trop souvent accrochée, obstination à vouloir le plus tôt possible enquiller les exercices de porfía entre les cornes, imitation forcenée du modèle-Castella. Mais personne ne peut nier le courage glacé de ce jeune homme. Et il faudrait avoir le nez bouché par des tonnes de sable d'arène pour ne pas se rendre compte que Juan Leal "pue" le torero de classe.
Après Bilbao en août 2017 et Nîmes à Pentecôte, ce samedi d'Istres en est une nouvelle preuve : un torero important est en train de naître!