Cours perturbés, vie sociale entre parenthèses et précarité ont plombé le moral de nombreux étudiants, apprentis ou jeunes diplômés pendant la pandémie de la Covid 19. Quel avenir pour eux à l’issue de la crise sanitaire ? L'équipe d'Enquêtes de région dresse un état des lieux en Occitanie.
Avoir 20 ans en 2021, ça ne fait pas rêver... Imaginez : suivre les cours à distance coincé derrière votre ordinateur, ne plus voir ses amis et se tenir loin de sa famille. Finie la vie insouciante, bonjour le moral en berne !
Dans les universités, le constat est accablant. L'équipe d'Enquêtes de région part à la rencontre des étudiants en plein doute sur leur avenir dans des facultés fantômes de Montpellier et Toulouse.
Cours à distance déshumanisés
En Occitanie, 250 000 étudiants ont vu leur cursus stoppé net en mars 2020. Après une reprise en pointillé en septembre et octobre, ils ont été priés de se confiner à nouveau lors de la seconde vague du coronavirus. Beaucoup se retrouvent seuls derrière leurs écrans pendant toute une journée de cours qui s'enchaînent, enfermés dans leur cité universitaire ou chez leurs parents.
Quel est l'intérêt de se lever pour suivre des cours à distance pendant toute une journée sans parler à personne, ça n'a pas de sens.
Selon les résultats d'une étude IFOP sur la solitude pendant la crise sanitaire en France, les étudiants condamnés à suivre leurs cours à distance depuis presque un an, apparaissent comme étant un public particulièrement sujet à la solitude : 28% des personnes interrogées indiquent se sentir toujours ou souvent seuls.
Inégalités renforcées
A cause des différences de situations financières et familiales, les inégalités se creusent comme l'explique Estelle, étudiante en science politique à Montpellier : " C'est une situation compliquée. Le confinement et la fermeture des facs renforcent les inégalités entre les étudiants."
J'ai suivi des cours en visioconférence dans le couloir, collée à la fenêtre pour capter la 4 G.
Pareil pour les examens qui se sont déroulés à distance. Certains ont été défavorisés en raison de réseaux internet insuffisants ou instables sans parler du stress causés par ces dysfonctionnements.
Précarité
La vie a tourné pour certains au cauchemar : décrochage scolaire, troubles psychologiques et précarité. Quentin, étudiant à Montpellier n'est pas allé en cours depuis un an à part 2 semaines en octobre. Enfermé dans son petit studio, il tente de poursuivre ses études tant bien que mal à distance. Il raconte : "Je tourne en rond. Je travaille et mange sur mon lit. Je peux juste regarder par la fenêtre".
Etudiant non boursier, ses parents paient ses loyers. Mais avec la crise sanitaire, il a perdu son job de serveur en bas de chez lui. Il vit avec 170 euros par mois et témoigne de la précarité qui s'ajoute à la souffrance psychologique : "Des étudiants qui étaient déjà en difficulté plongent encore plus dans la précarité. Cela s'ajoute à leur solitude. Je comprends que certains pensent à en finir..."
Pouvoir retourner à la faculté
Les étudiants se sentent abandonnés par le gouvernement qui ne proposent pas de solutions concrètes. Alors, des élèves de science politique à Montpellier, ont lancé sur les réseaux sociaux le hashtag #EtudiantsFantomes pour exprimer leur détresse et leurs inquiétudes. Très vite, leurs tweets on été partagés un peu partout en France. Ils crient leur ras le bol d'absence de vie sociale et réclament un retour en cours par demi-groupe.
Nous ne sommes pas la jeunesse feignante qu’ils décrivent partout, mais la jeunesse qui se bat pour être entendue, qui se bat pour son futur.
— etudiants fantomes (@etudiantsfantom) January 14, 2021
Nous sommes déterminés pour faire avancer les choses, nous ne lâcherons pas.
Nous sommes les étudiants fantômes.#etudiantsfantomes
Le silence du gouvernement
Alexandre Dézé, maître de conférence en science politique à la faculté de droit de Montpellier tire également la sonnette d'alarme : "Les étudiants ont déjà fait beaucoup d'efforts d'adaptation et sont frustés. Le silence abyssal du gouvernement est incompréhensible pour eux alors que l'on enregistre déjà des suicides d'étudiants... Pourtant, il existe des solutions mais on ne nous laisse pas les mettre en place."
#etudiantsfantomes https://t.co/s8JZUUeUW9
— etudiants fantomes (@etudiantsfantom) January 19, 2021
Hugues Kenfack, Président de la faculté de Toulouse 1 Capitole explique à Frédéric Fraisse sa manière de voir les choses : " L'université, elle est humaine. L'enseignement ne peut pas être déshumanisé. Je demande que l'on fasse confiance aux Présidents des universités. En fonction de nos effectifs respectifs, de la taille des amphis, nous devrions pouvoir adapter les contraintes sanitaires avec les objectifs pédagogiques".
Bac + 5 option chômage ?
Chaque année, 40 000 étudiants diplômés en Occitanie se lancent dans la vie active. Une étape cruciale mais rendue très compliquée par la crise sanitaire. Face à un marché de l’emploi en berne, les diplômés de 2020 se battent et résistent mais peinent à trouver un emploi. Parfois il faut revenir habiter chez ses parents, brader ses compétences ou même déjà penser à se réorienter.
Gauthier par exemple, avec son master d'ingénieur en aéronautique en poche, pensait passer directement de l'école SUPAERO à l'entreprise AIRBUS. Mais avec la crise sanitaire, le marché de l'aéronautique s'est effondré et deux tiers des entreprises ont gelé leurs recrutements.
Il explique comment il s'adapte en ouvrant ses recherches d'emploi : " Il y a énormément de postes dans l'Armée de l'air et dans la Marine nationale. Il y aussi des postes de pilote d'essai dans le privé ou d'ingénieur en maintenance, un domaine dans lequel je me suis spécialisé."
Dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration, il a fallu s'adapter également pour la formation des jeunes. Les stages sont un moment crucial mais avec des restaurants fermés, comment fait-on ? Nathalie Florentin, proviseure du Lycée Hôtellerie et Tourisme d’Occitanie explique à Anne-Sophie Mandrou quelles sont les solutions apportées : "Nous avons placé nos élèves dans des établissements connexes à la restauration qui pouvaient rester ouverts tels que les fromagers, les cavistes ou les traiteurs".
Enquêtes de région est préparée et présentée par Anne-Sophie Mandrou et Frédéric Fraisse.
Réalisation : Franck Blanché.
Invités sur le plateau de l'émission
Hugues KENFACK, Président de l’Université Toulouse 1 Capitole
Nassim MEDDAD, Vice-Président des Etudiants de l’Université Paul Sabatier
Nathalie FLORENTIN, Proviseure du Lycée Hôtellerie et Tourisme d’Occitanie
Noémie CAYSSIOLS, élève en 2de année de BTS
Ibtissème HAMMADOU, élève en 1ère année professionnelle cuisine et service
Voir ou revoir l'émission
Diffusée mercredi 11 février à 23h sur France 3 Languedoc-Roussillon et France 3 Midi-Pyrénées et à revoir sur la page web d'Enquêtes de région ou en cliquant dans le plyer ci-dessous :