Quinze prévenus d'une communauté Facebook localisant des radars en Aveyron ont dénoncé ce mardi, avant l'ouverture d'un procès inédit, "une hypocrisie" de la justice face à des associations de prévention routière qui exigent un respect de la loi.
"Voilà les terroristes du Net", a ironisé l'avocat Rémy Josseaume, expert en droit automobile, en désignant 11 des 15 prévenus qu'il défend devant le tribunal correctionnel de Rodez. "C'est une hypocrisie qui consiste à poursuivre ces gens-là alors que de nombreux produits d'aide à la conduite qui donnent également la position des radars sont, eux, légaux", a clamé l'avocat très médiatique en haut des marches du palais de justice.
Quinze prévenus répondent devant le tribunal correctionnel de "soustraction à la constatation des infractions routières". Huit d'entre eux sont également poursuivis pour "outrages" après avoir qualifié les gendarmes sur la page Facebook de noms d'oiseaux peu amènes.
Le procès, dont l'ouverture initialement prévue à 10h30 a été reportée à 14h00, a "nécessairement une dimension d'exemplarité mais une justice qui cherche l'exemple est une mauvaise justice", a asséné l'avocat.
Entre 600.000 et 800.000 membres en France
Créée en 2012, la page Facebook incriminée réunit des messages sur des "poulets au rond-point...", des "attention test alcoolémie" mais aussi des avertissements sur des bouchons ou des accidents. Le groupe "qui te dit où est la police en Aveyron", comme il se fait appeler, compte plus de 10.000 membres. "Tu vois une camionnette bleue, un radar, des motards... viens le signaler", écrit-il à l'attention des internautes. Ce type de pages réunit "entre 600.000 et 800.000 membres sur Facebook", assure Me Josseaume.Mais le procureur de la République de Rodez, Yves Delpérié, a "décidé de réprimer ces gens qui cherchent à échapper à la loi", expliquait-il récemment.
Pour Me Josseaume cependant, aucune loi n'est violée. L'article R 413-15 interdit les "détecteurs de radars" et prévoit une amende de 1.500 euros et un retrait de six points sur le permis. Mais, selon l'avocat, le groupe sur Facebook ne peut pas être assimilé à un "détecteur de radars".
L'avocat rappelle que le Conseil d'Etat avait autorisé en 2013 les "solutions d'aide à la conduite" qui reposent sur une communauté de membres pour signaler la présence de "zones de danger", un euphémisme synonyme de la possible présence d'un radar. La société française Coyote, qui produit des boîtiers GPS, avoue elle-même sur son site qu'une zone de danger signale "une "zone d'accident connue comprenant ou non un radar fixe".
Faire un exemple
Ce procès, "c'est une grosse hypocrisie car il existe des tas d'entreprises privées qui utilisent les mêmes systèmes permettant de savoir où sont les radars", a dit le cofondateur du groupe, Mathieu Chané. "Ils (les magistrats, ndlr) veulent faire de nous un petit exemple, créer un précédent", a-t-il ajouté.Sur les marches du palais, une trentaine de personnes sont venues soutenir "une autre politique de sécurité routière", selon l'une d'elles, Ariane Andurand, responsable locale de la Fédération française des motards en colère (FFMC). Les prévenus "ne sont pas des délinquants". "Ils s'expriment pour une majorité silencieuse qui défend les usagers de la route", ajoute-t-elle.
Les associations pour la sécurité routière voient, elles, un dangereux instrument dans le groupe Facebook. "La vitesse tue et le fait qu'on essaie de déjouer les systèmes de contrôle, c'est se mettre en danger et mettre en danger la vie d'autrui", estime Bernard Stasiowski, directeur de l'Association prévention routière dans l'Aveyron. "Il faut arrêter ces réseaux sociaux et que tout le monde respecte la vitesse", ajoute-t-il, soulignant le formidable bond du nombre de tués qu'à connu le département en 2013: +126% (34 contre 15 en 2012), alors que l'ensemble de la France avait connu à la même époque une baisse de plus de 10%.