Les mal-logés face au choc du Covid, "double peine et bombe à retardement", alerte la Fondation Abbé Pierre

Dans son 26e rapport sur "L’Etat du mal-logement en France", la Fondation Abbé Pierre tire la sonnette d’alarme.  "Double peine pour les mal-logés et bombe à retardement pour les ménages modestes", la crise sanitaire aggrave les conditions de logement et sème le chaos.

La Fondation Abbé Pierre a présenté ce jour mardi 2 février son 26e rapport annuel, "L’Etat du mal-logement en France". Un rapport qui montre l’impact de la crise sur les conditions de logement.

 Double peine pour ce qui concerne les personnes sans abri ou mal-logées ; bombe à retardement pour les ménages modestes et, par extension, pour tous les acteurs du secteur "de la rue au logement", de l’urgence et de l’hébergement, du logement social et de l’immobilier.

Un an après le début de la crise sanitaire, le constat est alarmant. Montée des loyers impayés, aggravation des conditions de vie, arrêt de l’attribution des logements, population des quartiers populaires fragilisés, les jeunes en souffrances et durement touchés… le rapport met en lumière "la situation d’urgence dans laquelle se sont retrouvés et se trouvent encore les plus démunis" explique Laurent Desmard, le président de la Fondation Avbé Pierre. Le rapport met en évidence une politique gouvernementale qui manque cruellement d’ambition et insiste sur "la nécessité absolue de mettre en place une politique de logement post-Covid  tout en luttant également contre la précarité énergétique, qui reste un enjeu majeur pour aborder le « monde d’après »".

Crise sanitaire et chaos social

"On a du répondre à l’urgence de la pauvreté, c’est la première fois depuis l’existence de la Fondation que l’on intervient en dehors du logement. Nous avons participé en lien avec le tissu associatif à l’aide d’urgence alimentaire. Il est urgent de revenir à plus de justice sociale", précise le président de la Fondation.

 Il y a eu un effort de fait de la part du gouvernement pendant la crise sanitaire, en matière d’hébergement d’urgence mais 

le compte n’y est pas : augmentation des loyers impayés, jeunes en situation de grande précarité, insuffisance de construction de logements sociaux.

Le président de la Fondation Abbé Pierre appelle à la mobilisation : "On est très loin du compte, il est impératif que la construction de logements sociaux soit intégré au plan de relance, il faut défendre la part des plus pauvres."

"Double peine pour les personnes mal-logées"

Les confinements successifs imposés en raison de la crise sanitaire ont eu des conséquences catastrophiques pour les personnes déjà mal-logées ou à la rue, soit 300 000 sans domicile fixe.

"La crise pénalise durement les plus fragiles" , précise Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

Les populations des quartiers populaires sont les grandes victimes. Des personnes fragilisées qui se sont retrouvées en situation de surpopulation dans des appartements de fortunes ou trop petits. Un facteur d’exposition au virus mis en évidence par l’Inserm :

Etre logé ne suffit pas, encore faut-il l’être correctement. Le surpeuplement constitue un facteur propice à la circulation du virus. Alors que le taux de contamination est de 2,1% pour les personnes seules dans leur logement, il est de 8,5% pour celles habitant un logement avec au moins quatre autres personnes.

Le logement a constitué "un enfermement" pour tous les mal-logés alors qu’il a été plutôt vécu comme une  "bulle" pour d’autres." 32 % des Français ont vu leur situation financière se dégrader", explique Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre.

L’impact du mal-logement sur les enfants et adolescents est plus qu’inquiétant. "Ils ont vécu le confinement comme un effet de prison qui a des conséquences graves sur leur état de santé". Certains enfants ont développé de nombreuses pathologies, anxiété, dépression éruption cutanées. Des enfants qui ont des difficultés de concentration et sont davantage exposés au décrochage scolaire

"Bombe à retardement pour les ménages modestes"

Avec la crise sanitaire, certains ménages déjà fragiles se sont davantage endettés, d’autres se sont retrouvés en situation d’impayé pour la première fois de leur vie. Des indépendants, des commerçants, des restaurateurs, des chefs d’entreprises, une nouvelle population touchée de plein fouet par cette crise sociale et économique qui fait " basculer brutalement" tous ces "nouveaux" publics dans la précarité.

"La crise a déstabilisé des publics jusqu’ici protégés et le phénomène est suffisamment massif pour s’en inquiéter", précise le rapport. Des situations de précarité avec à la clé des procédures d’expulsion qui malheureusement sont toujours en cours malgré la trêve hivernale.

"Si rien n’est fait, de plus en plus de personnes ne pourront pas payer leur loyer et risque l’expulsion", explique Lysa Taoussi de la Fondation Abbé Pierre.

La Fondation Abbé Pierre demande à nouveau la création d’un fonds d’aide national aux quittances de 200 millions d’euros.

L’effet bombe à retardement chez les jeunes

Avec la crise sanitaire, la jeune génération n’a pas été épargnée, bien au contraire. Les files d’attente pour bénéficier de l’aide alimentaire ne cessent de s’étendre et les associations tirent la sonnette d’alarme. 20% des 18-24 ans ont eu recours à l'aide alimentaire en France.

 "Des jeunes à l’avant-garde de la crise et dans la tourmente pour l’avenir, surtout chez les jeunes qui n’ont pas de formation et qui sont confontés à une source d’emploi qui se tarie", explique Manuel Domergue de la Fondation abbé Pierre. Souvent des jeunes qui sont à la marge avec des emplois précaires, en CDD et qui n’ont pas droit aux aides sociales. "Cette crise révèle toutes les carences de la protection sociale. Un trou béant de la protection sociale avant 25 ans, seul 734 jeunes en France ont droit au RSA en 2019".

Une génération  qui paye un lourd tribu, "l’avenir risque d’être encore plus dur, c’est une bombe à retardement".

 Politique de logement : un manque d'ambition

Les efforts de l’Etat en matière d’hébergement d’urgence sont significatifs expliquent les membres de la Fondation mais quelles sont les solutions de sortie ? "C’est une année noire" analyse Manuel Domergue. Les demandeurs en attente de logements sociaux ont bénéficié de 100 000 logements attributions HLM en moins en 2020. "Il y a eu en parallèle un ralentissement de la construction, moins 60 000 autorisations de construction de logement en 2020 avec une crainte pour 2021. Si rien n’est fait cette année cauchemardesque risque de se poursuivre".

Le nombre de logements HLM financés en 2020 se situera autour de 95000, à un niveau inférieur aux 105 000 à 125 000 financés chaque année depuis 2016. Un nombre de logements très loin des besoins, en augmentation avec la crise car de nombreux ménages doivent revoir leur budget logement à la baisse.

C’est toute la chaîne du logement qui s’enraye, on peut penser que la situation va progressivement se débloquer mais elle va laisser des traces. Des projets résidentiels ont dû être différés, parfois abandonnés, des trajectoires résidentielles infléchies.

Selon le rapport, à l’exception de la rénovation thermique des logements, le Plan de relance annoncé par le gouvernement semble avoir oublié le secteur. "Les choix politiques des derniers mois n’apportent pas de réponse à la hauteur des enjeux "conclue le rapport, les aides publiques du secteur du logement n’ont jamais été aussi basses soit 1,59% du PIB.

 

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