Depuis un an, Lisa Millet, une Tarnaise de 19 ans, organise une fois par semaine ou presque une maraude dans les rues de Toulouse. Elle propose des vêtements de saison, des produits d'hygiène et parfois, ses ciseaux de coiffeuse. Rencontre avec une jeune fille engagée.

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"Bonjour, est-ce que vous avez besoin de vêtements ? On en distribue..."

C'est par cette simple question que Lisa aborde tous les sans-abris qu'elle croise dans les rues de Toulouse. Généralement accompagnée d'un ou plusieurs amis, la jeune Rabastinoise trimballe d'énormes sacs de voyage. Dedans, des vêtements propres, de saison, de toutes les tailles. Et des trousses contenant des produits d'hygiène qu'elle a elle-même composées. 

Une tournée bien rodée

Aujourd'hui, Lisa et son ami Pierre ont prévu la tournée habituelle : départ de la gare Matabiau, direction le Capitole, en passant par la rue Bayard, la rue Alsace-Lorraine. Très vite, leur chemin croise celui d'une femme assise dans la rue avec ses deux enfants. Elle ne parle pas Français mais sourit beaucoup. Lisa ouvre les sacs et la laisse choisir des vêtements. Les enfants sont excités : ils expliquent à Lisa et Pierre qu'il y a trois autres enfants, plus petits, à la maison. On fouille pour trouver des habits pour bébés. Trois personnes interrompent l'échange : une femme qui félicite Lisa, une autre qui marmonne "Vous n'avez pas honte ?" à on ne sait qui, et enfin, le vigile d'un magasin qui demande à la femme sans-abri de partir. 
Dix mètres plus loin, une autre femme avec un jeune enfant accepte quelques vêtements et une trousse de toilette. L'enfant ouvre celle-ci et demande par gestes ce que sont les produits. Lisa sourit et explique : le savon, la crème pour le visage, celle pour les mains. L'enfant sourit.

C'est en partie pour ces sourires que Lisa Millet organise ces tournées depuis un an, à raison d'une fois par semaine, quand son travail le lui permet. Actuellement intérimaire, Lisa est coiffeuse de profession. Et c'est comme cela qu'elle a eu l'idée de faire des maraudes à Toulouse. Prenant l'exemple de Kevin Ortega, jeune coiffeur pour les SDF d'Aubagne (13). Elle s'est lancée en 2018 avec une collègue, Lorelei.
Ciseaux et tondeuse en main, elle a proposé ses services, puis s'est rendue compte des besoins et a étendu son offre.

"Il faut en laisser pour les autres"

Pour cela, Lisa a organisé des collectes en amont. Via sa page Facebook, elle a amassé les dons de vêtements de ses amis et connaissances, qu'elle a triés, rangés par saison. Et son travail est, c'est le moins qu'on puisse dire, bienvenu, dans les rues de Toulouse.

La jeune femme et son compagnon du jour vont voir un couple installé sous un porche devant une grande enseigne, non loin du Capitole. C'est tout sourire que les deux sans-abris les accueillent. Ils se servent eux aussi dans les sacs de vêtements et font part de leur gratitude. La conversation s'engage. Le jeune homme, 29 ans, vit depuis dix ans dans la rue. Il apprécie l'échange avec Lisa car depuis ce matin, ils jouent au chat et à la souris avec la police municipale. Il raconte le quotidien : les amendes pour les chiens non tenus en laisse, pour la bière bue dans la rue, pour le stationnement prolongé au même endroit. Avant de refermer les sacs : "Je ne prends pas tout, il faut en laisser pour les autres". A Lisa, il explique dans quels endroits elle peut trouver d'autres sans-abris. Mais hélas, il n'est pas difficile de les trouver. Ils sont si nombreux...
"J'ai toujours voulu travailler dans le social mais finalement, je préfère le faire en tant que bénévole", explique Lisa. "Ces personnes de la rue comptent pour moi et peut-être l'inverse aussi car j'en retrouve régulièrement, et ils me demandent comment je vais". 

Une écoute précieuse

La jeune fille ne pose pas de questions personnelles aux personnes qu'elle croise. Par contre, elle est tout ouïe quand ses interlocuteurs ont envie de se confier. Et cela arrive souvent. 

Comme cette femme qui joue du violon, à quelques mètres du marché de Noël. Son visage dit les mille vies qu'elle a dû avoir mais ses doigts sont d'or sur son instrument. Elle vient de Roumanie, où elle a appris le violon au conservatoire. Elle prend quelques vêtements chauds et demande à Lisa si elle pourrait avoir de la laine, pour se tricoter un pull pour l'hiver. La jeune fille prend note, elle reviendra avec des pelotes si elle peut. 

Lisa avoue qu'elle n'aime pas cette société basée sur l'argent, elle comprend à peine que tout le monde ne fasse pas du bénévolat. Pas question d'échanges d'argent lors des maraudes, elle le dit à une mère et son fils jeune adulte que l'on croise rue Bayard. Ils sont à Toulouse depuis trois jours, attendant d'avoir assez d'argent pour se payer un car pour Paris. La mère accepte avec joie quelques vêtements : "c'est super joli, ça", s'exclame-t-elle, "ça me remonte le moral !"

Lisa parle longuement avec elle, lui donne des conseils pour trouver un billet pas cher. Lisa au grand coeur. Qui ne comprend pas non plus pourquoi tant de gens vivent dehors. La femme demande pour quelle association Lisa et Pierre travaillent. Nous sommes indépendants, explique Lisa. "Soyez bénie, mademoiselle..."
 


 
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