Dans son premier roman, la toulousaine Maylis Adhémar explore le parcours initiatique d’une jeune catholique à la recherche de ses racines mais surtout d’elle-même. L’ouvrage « Bénie soit Sixtine » voit aussi se confronter deux Eglises. Eclairant par les temps qui courent.
Une forme de communautarisme, voire de séparatisme : voilà de quoi plonger le récit de « Bénie soit Sixtine » en pleine actualité. Il n’est pas question ici d’islamisme mais plutôt de catholicisme radical. Tout commence par une idylle dans la bonne société nantaise. Sixtine tombe amoureuse (ou le croit) de Pierre-Louis Sue de La Garde.« Un regard franc, comme ces hommes sur les images pieuses de l’autel familial, des visages de saints militaires. C’est cela. Pierre-Louis a le regard courageux de ces soldats de Dieu, virils mystiques aux pieds desquels Muriel, la mère de Sixtine, déverse tant de prière »
Le fiancé puis mari rêvé a des objectifs clairs pour sa tendre et douce : il veut cinq ou six enfants. « Sixtine peut arrêter là ses études, pas la peine de s’embêter à chercher un travail, elle aura fort à faire avec les héritiers Sue de La Garde. Ils arriveront bientôt et occuperont tout son temps ».
La Trinité, Sixtine y croit dur comme fer. Aussi dur que la matraque qu’emporte avec lui son cher époux pour aller casser du « gauchiste » ou pour assister à un concert des « Nouveaux Croisés » accompagné de la milice dont il fait partie.
« Les thèmes défilent : le mariage des homosexuels, l’invasion des migrants musulmans, les Blancs ayant oublié que la France est la fille aînée de l’Eglise, les politiques vendus, les journalistes soumis, les Juifs, les Arabes, les francs-maçons, le racisme anti-Blancs, la maladie de la repentance… Les voix sont belles, pleines de fiel et d’humour ».
Sixtine ne verra jamais la fin du concert que des « anti-fascistes » interrompent, comme elle ne verra pas se poursuivre son existence aux côtés de Pierre-Louis. La vie l’emportera sur d’autres chemins, celui de la fuite notamment, avec son bébé, Adam. Un prénom qui résonne comme une nouvelle première fois, un éternel recommencement.
Sixtine fuit sa belle-mère intégriste et sa mère qui l’est à peine moins. Elle cherche une autre église d’abord avec le monastère de Sainte-Scholastique à Dourgne dans le Tarn où, plus jeune avec une amie de la chorale, « personne ne leur disaient ce qu’elles devaient faire ».
Une conception de la foi bien éloignée de celle des Frères de la Croix dans laquelle elle a été élevée et où s’est définitivement retirée sa soeur, brisant le coeur de son père.
« Sa fille, sa petite fille si proche, son sourire éclatant, sa joie simple, tout cela allait disparaître au fond d’un couvent où les soeurs prient à genoux dès tôt le matin, s’écorchent ces mêmes genoux sur les chemins de Croix, jeûnent le vendredi, rasent leurs cheveux - oh, ces cheveux noirs, les boucles brunes de Zélie ! -, portent l’habit blanc lourd, si long, si semblable aux autres. Sa fille, sa fille Zélie s’était fait happer par un groupe extrême ».
Sixtine, elle, fuira tout ça avec son enfant à qui elle ne veut pas faire vivre son calvaire. Après le Tarn, cap sur l’Aveyron pour s’y cacher plus longtemps puis sur l’Ariège pour y découvrir un grand-père dont personne ne lui a jamais parlé.
Ainsi sa mère, qui a choisi toute seule d’intégrer le lycée catholique du Caousou à Toulouse, n’a pas grandi dans une famille de croyants. Il peut donc y avoir une autre façon de croire et d’aimer. Y compris dans sa foi, comme le lui expliquera un père de l’Abbaye d’En-Calcat.
"Bénie soit Sixtine" de Maylis Adhémar, Julliard.« Sa fille, sa petite fille si proche, son sourire éclatant, sa joie simple, tout cela allait disparaître au fond d’un couvent où les soeurs prient à genoux dès tôt le matin, s’écorchent ces mêmes genoux sur les chemins de Croix, jeûnent le vendredi, rasent leurs cheveux - oh, ces cheveux noirs, les boucles brunes de Zélie ! -, portent l’habit blanc lourd, si long, si semblable aux autres. Sa fille, sa fille Zélie s’était fait happer par un groupe extrême ».