En France, près de 450.000 logements sont considérés comme étant « indignes ». Nous sommes allés dans deux villes touchées par la vétusté : à Alès dans le Gard et à Perpignan dans les Pyrénées-Orientales. Face à ce phénomène, quelle option choisir ? Rénover ou détruire ?
A Alès et Perpignan, les situations sont très différentes. Dans le Gard, les habitants assistent à la démolition du quartier Près-Saint-Jean et espèrent que cela redynamisera leur ville, touchée par un fort taux de chômage. A Perpignan, les habitants du quartier Saint Jacques se battent pour éviter la destruction de leurs logements. Ils sont soutenus par plusieurs associations de sauvegarde du patrimoine.
Dans tous les cas, la dimension sociale est incontournable et est au coeur des enjeux des élus. Détuire ou rénover ? La question divise.
Saint Jacques au coeur de la tourmente
A Perpignan, nous nous sommes rendus dans un quartier bien connu : Saint Jacques. Ce lieu est né au 13ème siècle. Coloré et composé de petites ruelles, il est aujourd'hui au cœur d’une polémique. En effet, la mairie de Perpignan a lancé un projet de réhabilitation dans ce quartier historique. Une décision rejetée par la communauté gitane, principale occupante de Saint Jacques.
Détruire 24 îlots d'ici 2024
Saint Jacques a été choisi pour faire partie du Plan National de Rénovation Urbaine. La mairie de Perpignan a donc pour objectif, de détruire 24 îlots soit 483 logements d'ici 2024, tous jugés insalubres. Pour mener à bien ces projets, la ville attend 100 millions d’euros d’aides publiques.
Mais ce pari est loin d'être gagné pour la mairie.
Olivier Amiel est adjoint au maire. Il gère la rénovation du quartier. Il l’affirme : les bâtiments vétustes doivent être détruits d'autant plus que 40% d'entre eux sont vacants.
Nous l'avons rencontré face à une scène de désolation, au cœur du quartier Saint Jacques, place du Puig. Au milieu de toutes les habitations, un îlot est à moitié détruit, et le chantier est figé.
Une démolition stoppée depuis des années
En 2006, une partie de l'îlot du Puig s’effondrait à cause de travaux mal conduits, faisant un mort et plusieurs blessés. La municipalité décidait alors de tout raser.
Mais le chantier n’aura duré qu’une seule journée face à l’opposition des habitants du quartier. Le préfet a décidé de stopper les travaux, "suite à des manifestations violentes et des pressions de la part d'associations", confie Olivier Amiel. Depuis, la mairie attend une nouvelle autorisation avec impatience.
On est dans un quartier où vous avez la moitié du parc qui est potentiellement indigne, c'est-à-dire soit du péril soit de l'insalubrité. Il y a des conditions de vie qui sont difficiles pour les habitants et donc notre priorité c'est de proposer de l'habitat digne, sûr et sécurisé pour les habitants du quartier.
Sauver le patrimoine et protéger les habitants
Face aux projets de démolition, l’opposition est donc tenace. Les habitants de Saint Jacques sont contre, pour la plupart. Nous avons parlé avec certains d'entre eux : certains pensent que ces projets de démolition ont pour but de leur faire quitter le quartier.
Cette communauté gitane (dont 60% des ménages est en-dessous du seuil de pauvreté) est soutenue et accompagnée par plusieurs associations, dont l’Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Artistique et Historique Roussillonnais (ASPAHR). Jean-Bernard Mathon préside cette association. Pour lui, détruire ces logements revient à tuer le patrimoine.
C'est un massacre patrimonial auquel on assiste. Du point de vue du maire, ce qui présente un intérêt patrimonial ce sont les grands édifices. Alors que ce qui présente un intérêt patrimonial à Perpignan qui est une ville médiévale, pour le centre ancien, c'est l'ensemble.
A Alès, les barres d’immeubles tombent
Dans le Gard, à Alès, le bruit des pelles mécaniques rythme le quartier des Près-Saint-Jean. Nous assistons à la démolition de longues barres d’immeubles. Ces bâtiments ont aujourd’hui 60 ans. Ils laissent place à des blocs de béton et de la poussière. Quelques habitants assistent à cette scène, nostalgiques. Parmi eux, Brahim Aber. Il a grandi ici, à l’époque où le quartier réunissait plus de 5.000 habitants.
Quand je vois ces barres qui tombent au fur et à mesure, ça me fait un grand pincement au cœur et c'est une partie de moi qui s'en va avec même si les souvenirs restent gravés dans ma tête.
Un nouveau souffle pour Alès ?
Les élus d'Alès tentent de donner un nouveau souffle aux quartiers et centre-ville. Parmi les projets concrets : le Plan action Coeur de Ville. Christophe Rivenq nous parle de la situation concernant le logement.
Des démolitions nécessaires
Alès compte plus de 40.000 habitants. Chaque année, la population augmente. Pour Christophe Rivenq, le directeur du cabinet du maire, ces démolitions sont nécessaires. La raison : aucun de ces immeubles n’est réhabilitable. Et chaque logement détruit est reconstruit.
Ces barres de 200 mètres de long ne correspondent plus du tout aux besoins et attentes, avec tous les problèmes économiques et sociaux. Nous avons une très faible demande des gens d'y habiter. Et dans les dossiers de nos demandes de logement en cours, beaucoup de personnes refusaient ces logements.
Reportage d'Olivia Boisson, Cédric Métairon et Elisabeth Silveiro.