L'avocat de la famille du Lotois tué par un chasseur veut "une enquête impartiale, équitable et sans conflit d'intérêts"

Le 2 décembre dernier Morgan Kean, 25 ans, a été tué à Calvignac (Lot) par un chasseur. "Un accident" selon le procureur de la République de Cahors. Un caractère involontaire remis en cause par le frère de la victime et son avocat qui pointent du doigt une responsabilité collective. Interview.

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Le 2 décembre dernier à Calvignac (Lot), Rowan Kean était aux côtés de son frère Morgan, lorsque ce dernier a été mortellement atteint par le tir d'un chasseur participant à une battue au sanglier. Aujourd'hui, il veut des explications "pour faire son deuil" mais aussi "une réparation". Des attentes concernant l'information judiciaire ouverte après le décès de son frère mais aussi au sujet de la législation en matière "d'homicide involontaire" lors d'accidents de chasse. Des demandes expliquées à France 3 Occitanie par son avocat, Maître Benoit Coussy.

France 3 Occitanie : la thèse de l’"homicide involontaire" a été retenue concernant l'information judiciaire ouverte après la mort de Morgan Kean. Etes-ce vous satisfait de ce qualitatif ?

Maître Benoit Coussy : la thèse de l’accident ne satisfait pas le frère de Morgan. Pour la simple et bonne raison qu’un certain nombre d’éléments factuels viennent attester que le chasseur qui a tiré aurait pu être parfaitement informé par ses collègues de la présence des deux garçons, au cours des deux heures précédant le drame. Nous voulons donc une enquête impartiale, équitable qui ne soit troublée par aucun conflit d’intérêts. Les gendarmes et les policiers font très bien leur travail. Mais nous souhaiterions que l’enquête soit confiée à des personnes qui ne soient pas titulaires du permis de chasse pour qu’il n’y ait aucun doute sur l’impartialité des investigations. Nous ne doutons pas qu’elle sera impartiale. Nous prenons simplement des mesures supplémentaires en réclamant que les enquêteurs n’aient aucun lien avec le monde de la chasse.

France 3 Occitanie :  En quoi ce drame pourrait ne pas être un accident ?

Maître Benoit Coussy : nous pensons qu’il s’agit probablement d’un accident mais nous ne pouvons pas l’affirmer. Donc si ce n’est pas un accident, il faut que cette thèse soit exclue. Deux heures avant le drame, Morgan et son frère, Rowan, étaient clairement visibles des deux chasseurs qui se trouvaient sur la route à moins de 100 mètres d'eux. Le chasseur qui a tiré se trouvait un peu plus haut et ne voyait pas forcément les deux frères. Pour autant, il aurait pu être informé. De son côté, Rowan ne peut pas entendre parler pour l'instant d’accident. Un accident c’est un évènement qui survient de manière inopinée. Il n’y a pas de caractère fortuit dans la chasse. Si on décide de tirer, c’est un choix fort qui se fait de manière encadrée. Donc il n’y a pas d’accident possible avec la chasse. D’où cette surprise de la mort de ce gamin.

France 3 Occitanie : Pour vous il y aurait une chaine de responsabilité collective ?

Maître Benoit Coussy : évidemment, puisqu’une battue ne se fait pas, par définition, seule. Donc c’est la battue en premier lieu qui est responsable. Autant que le chasseur qui a tiré. L’organisation de la battue en elle-même est le premier niveau de responsabilité. Ensuite, il y a le comportement individuel du chasseur qui est encadré par la battue, qui est elle-même encadrée par la société de chasse. Il y a tout un tas de questions qui se posent sur la responsabilité de chacun à tous les niveaux. Un préfet peut-il autoriser à déroger à des règles, puisqu’il était interdit de chasser en période de Covid, sans prendre des mesures compensatoires ou accentuer les contrôles ? A l’évidence, il y a une négligence et une responsabilité de l’Etat. Quand on lit l'arrêté préfectoral, publié la veille de la mort de Morgan, on se rend compte qu'il est tourné de telle manière que les chasseurs de la Diane cajarcoise (association organisatrice de la battue) pouvaient considérer que toutes les "masses sombres" qui circulaient ce jour-là pouvaient faire l’objet, et je le dis avec un peu d’ironie, d'une "mesure ciblée".

France 3 Occitanie : Souhaitez-vous aujourd’hui que cette réglementation évolue ? Les règles de chasse sont-elles toujours adaptées ?

Maître Benoit Coussy : sur le plan réglementaire, il y a des déficits à deux niveaux. Un déficit d’application des règles déjà existantes qui fait que nous n’en serions pas arrivés là si elles avaient été respectées. Et il y a la question de la qualification juridique des infractions commises en matière de chasse. Des infractions existent déjà : si l'on chasse sur le terrain d’autrui, on est  poursuivi. Cela aboutit à une contravention et cela peut devenir délictuel, s’il y a une atteinte aux règles de sécurité de prudence. Mais ce n’est pas satisfaisant parce que la sanction est souvent disproportionnée par rapport à l’acte. Aujourd’hui, vous êtes très peu condamné par rapport à un "homicide involontaire" commis en période de chasse. On peut même penser que la chasse est une excuse à l’homicide. Il vient diminuer les effets.

Regardez ce chasseur qui a tué un vététiste, il y a deux ans en Savoie. Il vient juste d’être condamné cette semaine à un an de prison ferme. Je trouve cette condamnation minime par rapport au chagrin ressenti par la famille de la victime. Concernant la mort de Morgan, nous risquons d'obtenir de façon similaire probablement une condamnation pour "homicide involontaire" entre zéro et cinq ans de prison. Mais ce ne sera pas la peine maximale qui sera retenue car l’on va sans doute trouver des excuses à cet homicide en lien avec la chasse qui viendront diminuer la peine. La question à se poser est de savoir si l’on ne peut pas réfléchir à de nouvelles qualifications afin de responsabiliser les chasseurs. C'est en tout cas ce que nous souhaitons.

 

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