Chasseurs jugés après la mort de Morgan Keane : prison ferme requise, décision le 12 janvier 2023

Le procès du chasseur et du directeur de battue, 2 ans après la mort de Morgan Keane, s'est déroulé ce 17 novembre 2022 au tribunal correctionnel de Cahors (Lot). La décision a été mise en délibéré au 12 janvier 2023.

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C'est aujourd'hui, jeudi 17 novembre 2022, qu'un chasseur et un directeur de battue étaient convoqués devant le tribunal correctionnel de Cahors, dans le Lot,  deux ans après la mort de Morgan Keane. Le procureur de la République a requis de la prison ferme tandis que l'avocate du directeur de battue a plaidé la relaxe. 

Le président revient sur "la complexité du déroulement des faits"

La salle est pleine à craquer au moment de l'ouverture de l'audience. Le président du tribunal rappelle que les deux prévenus peuvent garder le silence. Deux avocats annoncent que onze personnes et deux associations se sont constituées parties civiles dans ce dossier.

Les débats s'ouvrent avec un mot du président par rapport au contexte : il prévient "du caractère complexe du déroulement des faits". Il insiste sur "le monde présent dans la salle", qui ne doit "pas empêcher le débat judiciaire de se dérouler correctement et calmement". Il assure également que "des choses contradictoires vont être dites, qui pourraient déplaire à certains".

Rappel des faits

Le 2 décembre 2020, Morgan Keane, âgé de 25 ans, est touché par une balle au thorax qui le tue à quelques dizaines de mètres de son domicile de Lagarrigue, lieu-dit de Calvignac (Lot). L'auteur du coup de feu, un chasseur aveyronnais âgé de 35 ans aujourd'hui, se présente spontanément à la gendarmerie, avant d'être mis en examen pour homicide involontaire. 

Cet accident mortel provoque une vive émotion. Des centaines de personnes se rassemblent à Cahors lors d'une marche blanche pour réclamer justice pour Morgan Keane. Les pratiques de la chasse sont contestées.

Le procureur requiert 24 et 18 mois de prison

Le procureur de la République a également développé son argumentaire. Il rappelle que "ce n'est pas le procès de la chasse", mais bien "celui de deux chasseurs qui n'ont pas respecté les règles". Pour lui, cet homicide "était écrit", tout en pointant "l'absence de remords du directeur de battue" qui a grandement participé à cet homicide selon lui. "Il n'a rien fait tout court, c'est un spectateur et non un directeur de battue" critique-t-il.

Il requiert une peine de 24 mois de prison dont 6 mois ferme pour l'auteur du tir, et 18 mois de prison dont 6 ferme pour le directeur de la battue, ainsi qu'un retrait du permis de chasse pour les deux hommes. "La société ne comprendrait pas qu'ils puissent chasser de nouveau" ajoute-t-il. Son autre réquisition est une interdiction de porter une arme (soumise à autorisation) pendant cinq ans. 

"La chasse, un moyen de décompresser" pour le prévenu

Le coup de feu a été effectué à 80 mètres de la victime, alors qu'un tir de l'arme utilisée a une portée d'un kilomètre minimum. "Le tribunal a choisi de relater les faits en partant de l'accident, dans le sens chronologique inversé" annonce le président.

Le prévenu s'avance à la barre. Blouson noir, gestuelle hésitante, il déclare avoir "chassé trois ou quatre fois avant l'incident" après l'obtention de son permis. Il justifie son activité par "un moyen de décompresser, se changer les idées", peu de temps après la mort de sa fille, victime d'un accident de la route mortel.

"Je n'ai pas bien identifié la cible, je le regrette"

"Je vois une masse sombre, pas très haute. Dans ma tête, je me dis que c'est le sanglier que j'ai loupé il y a quelques minutes" raconte le prévenu, qui a un casier judiciaire vide. "J'ai attendu quelques secondes qu'elle soit immobile." "Vous l'avez imaginé, ou vu ?" interroge le président. "Je n'ai pas bien identifié la cible. C'est mon erreur, je la regrette" répond-il, après quelques secondes de silence.

"Il n'y a pas un jour qui passe sans que je n'y pense, c'est gravé à vie. Je suis désolé pour la famille" ajoute-t-il, la voix tremblante. Lors de l'expertise psychiatrique, ce prévenu a été considéré "comme une personne étonnamment normale". 

"Le lieu n'est pas bon, les conditions météo sont défavorables, vous n'êtes pas expérimenté" reprend le président. "Je suis d'accord avec vous" acquiesce une nouvelle fois le prévenu. "Était-il judicieux de permettre des tirs à 16h30 ?" se demande un peu plus tard le président. "Oui" assure le directeur de la battue, sweat à capuche bleu et le débit rapide, malgré "qu'il était tard pour la saison et qu'il commençait à faire sombre" décrit le président.

"Le traumatisme est immense" lance l'avocat du frère de Morgan Keane

La parole est ensuite donnée aux parties civiles. Maître Coussy, avocat de Rowan Keane, le frère de la victime, décrit la famille Keane, "meurtrie par le décès des parents en trois ans d'intervalle", avec Rowan aujourd'hui devenu "orphelin", "qui ne se sent pas de venir à la barre". Il s'attarde sur un "traumatisme immense" pour le frère, et s'interroge : "que vaut la vie de Morgan si rien ne change ?".

"Est-ce-que l'on peut imaginer la douleur d'une balle qui perfore les deux poumons ?" poursuit-il, se retournant vers les deux prévenus après quelques secondes de silence. Il se montre également véhément à l'égard des chasseurs, "qui n'ont plus de limites et qui passent un peu partout", au contraire des frères Keane "qui gambadent dans la campagne". 

L'avocat s'intéresse également au geste : "on est à la limite du volontaire" selon lui. "C'est un tir volontaire mais on parle d'un homicide involontaire, sans savoir sur quoi le prévenu tirait". Mais il n'occulte pas que le tireur n'a pas visé la personne de Morgan Keane. "Qu'en est-il de la dimension morale du groupe des chasseurs présent ?" enchérit-il. « S’ils étaient intervenus, Morgan serait en vie ».

Pour le directeur de battue, "certains n'écoutent pas les consignes"

Les débats se portent également sur le déroulement de la journée, de la réunion des chasseurs présents aux consignes de sécurité données. "Tous les chasseurs ne connaissaient pas les zones de chasse autorisées. Les consignes ne sont pas redonnées systématiquement et précisément" résume le président, en se basant sur les interrogatoires d'autres chasseurs présents.

Le directeur de la battue rappelle quelques règles de sécurité de la chasse, et ajoute que "certains n'écoutent pas ces consignes". "Pourquoi les faire chasser ?" rétorque le président. Dans ses propos, le directeur de battue avoue entre autres, que "c'est délicat". L'homme est ensuite renvoyé à ses responsabilités en tant que directeur, par le président.

L'avocate du directeur de battue plaide la relaxe pour son client

L'avocat de Rowan Keane réclame "40.000 euros pour l'ensemble des préjudices subis" en faveur de son client. L'avocat des proches de Morgan Keane, lui, espère "4.000 euros pour chacune des parties civiles", toutes présentes au procès. La troisième avocate, représentant les associations de défense des animaux ASPAS et One Voice, plaide une peine "d'un euro symbolique" pour les préjudices subis. Quant au volet pénal, les avocats des proches de Morgan Keane "laissent le président apprécier les peines".

L'avocate du tireur a fait part des demandes de son client, "qui espère une peine juste, adaptée au contexte et à sa personnalité". Concernant les demandes des parties civiles, elle s'en remet au président afin "qu'il apprécie les peines adaptées". La défense du directeur de battue a, elle, affirmé que "des consignes ont bien été données" en s'appuyant sur certains témoignages. "Il n'y a pas de manquement aux responsabilités de mon client" d'après l'avocate. Elle plaide donc la relaxe.

Pour rappel, la condamnation pour homicide involontaire peut atteindre cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende. La décision a été mise en délibéré au 12 janvier 2023. 

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