Jeudi 17 novembre 2022, le procès du chasseur responsable de la mort de Morgan Keane, et du directeur de la battue, se déroule au tribunal correctionnel de Cahors (Lot). Retour sur les faits, qui datent de deux ans, et analyse des enjeux de cette audience.
Près de deux ans après la mort par balle de Morgan Keane après un tir de chasse, le procès du chasseur impliqué, et du directeur de la battue s'ouvre jeudi 17 novembre à Cahors (Lot). Le tribunal correctionnel va devoir trancher sur la responsabilité de ces deux prévenus (suivez notre direct ici).
Le 2 décembre 2020, Morgan Keane, âgé de 25 ans, coupe du bois à quelques dizaines de mètres de chez lui, au lieu-dit Lagarrigue sur la commune de Calvignac (Lot). Un chasseur aveyronnais de 33 ans tire, croyant voir un sanglier. Sa balle atteint Morgan Keane au thorax, et le tue. L'auteur du coup de feu se présente spontanément à la gendarmerie, avant d'être mis en examen pour homicide involontaire.
"Interdire le tireur à chasser"
Cet accident mortel suscite une vive émotion. Des centaines de personnes se rassemblent quelques semaines plus tard à Cahors lors d'une marche blanche pour rendre hommage à Morgan Keane. La colère monte contre les chasseurs.
Un sentiment toujours aussi palpable aujourd'hui. Zoé, l'une des amies de Morgan Keane, fait partie de ceux qui ont créé le collectif "Un jour, un chasseur", "pour recueillir et relayer des témoignages de comportements abusifs liés à la chasse" d'après le compte Twitter du groupe. Le regard figé, elle attend beaucoup de ce procès : "on souhaite que les responsables soient interdits de chasse et de port d'arme à vie" déroule-t-elle, le propos sûr.
"Son frère attend des excuses"
"La sanction doit être exemplaire, au contraire d'autres peines dans ce genre de procès". Elle espère que la peine ne concernera pas simplement le responsable du tir, et que le système de la chasse soit remis en cause. "On est obligé de le remettre en question, notamment au niveau de la sécurité" conclue-t-elle.
Maître Benoît Coussy, avocat de Rowan Keane, le frère de Morgan, rappelle que son client "est toujours sous le choc" et qu'il attend "des excuses pendant le procès". L'avocat espère que toutes les circonstances aggravantes seront retenues contre les deux prévenus. "C'est un homicide, dans un cadre où les règles n'ont pas été respectées. Ça tire sans savoir sur quoi ça tire" argumente l'avocat, qui posera la question du caractère volontaire du geste lors de l'audience.
Pour les chasseurs, ce procès ne doit pas être celui de la chasse
Dans le camp des chasseurs, on calme le jeu face à l'emballement que ce procès peut créer. "Nous avons une pensée pour la famille de Morgan Keane" admet Michel Bouscary, président de la fédération de chasse du Lot. Mais il prévient : ce procès "ne doit pas se transformer en procès national de la chasse".
Dans ce dossier, la fédération de chasse se porte partie civile. "Nous avons subi un préjudice moral, et nous voulons comprendre comment on en est arrivé à avoir ce type d'accident" justifie Michel Bouscary, qui espère que cela permettra à sa fédération d'être "plus performante pour la suite." Quant à la question de la responsabilité, il rappelle qu'elle appartient avant tout à celui qui a tiré, "un homme pourtant sensible à la sécurité lors de la formation".
Jusqu'à cinq ans d'emprisonnement
La peine pour homicide involontaire peut atteindre cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende. Mais dans ce genre de procès, "la peine est souvent très réduite" regrette Maître Coussy. "Et ce n'est donc pas dissuasif". L'avocat plaide pour "un moratoire de la chasse" avec des "règles plus contraignantes", et une reconnaissance "d'un crime de chasse". Peut-être en sera-t-il question jeudi, dans un procès qui s'annonce clivant.