"Chênes pelés, déshabillés comme en hiver", dans le bassin nord du Lot, les chenilles du Bombyx ont endommagé près de 10 000 hectares de forêts. Une invasion inédite, un spectacle désolant pour les trufficulteurs, inquiets et désemparés.
Le secteur est très boisé et depuis deux mois les chenilles de Bombyx s’en sont données à cœur joie. Il ne reste plus beaucoup de feuilles sur les érables, tilleuls et chênes du nord lotois. De Promilhanes à Espezel, elles ont fait d’énormes dégâts. Les bois des communes de Limogne, Vaylats ou encore Varaire et Saint-Cirq-Lapopie sont particulièrement touchés. Plus étonnant pour le président du syndicat des trufficulteurs de Limognes, Yves Lacan,"même les chênes verts ont été endommagés et c’est une première. Au total, plus de 10 000 hectares ont été grignotés par les chenilles du Bombyx. Le phénomène ne va pas impacter cette année la production de truffes mais les professionnels du secteur sont désemparés. Inquiets des conséquences à plus long terme de cette attaque massive sur les arbres.
"Attaque sévère de la chenille du Bombyx"
La chenille du Bombyx est un insecte naturellement présent dans toutes les forêts. En temps normal ces cheniles dévoreuses prolifèrent, c’est la faune auxiliaire, les prédateurs qui se chargent d’elles afin de rééquilibrer l’écosystème.Depuis quelques années notamment en raison des hivers très doux, "le papillon Bombyx disparate" qui se reproduit en été s’est anormalement multiplié ces dernières années sur le territoire français.
Dans le Lot en 2019, les chenilles avaient déjà sévi mais cette année c’est du jamais vu, elles ont dévoré 10 000 hectares de chênes, tilleuls et érables du bassin nord du Lot. La plantation truffière n’y a pas échappée, même les chênes verts ont été touchés :
C’est une attaque sévère, il y a 12 ans on avait eu ce type de phénomène mais pas aussi important que cette année. La succession d’hivers doux favorise l’éclosion des œufs, on peut s’attendre au même phénomène l’an prochain. La nature est cependant bien faite, les arbres remettent des feuilles, un vert printanier encourageant : les arbres truffiers sont affaiblis mais ils vont survivre, cependant il ne faudrait pas une attaque de ce type tous les ans. Heureusement on a eu une pluie abondante qui a certainement affaibli la prolifération.
Les trufficulteurs inquiets
Pour les trufficulteurs, le spectacle est désolant. Alain Ambialet, co-président des trufficulteurs d’Occitanie décrit un paysage hivernal :
Les arbres sont pelés comme en hiver, on peut voir l’écorce, et ça sur des kilomètres, c’est impressionnant. Les trufficulteurs ont essayé de traiter avec des insecticides bio mais ça n’a pas marché. Sur les petits arbres cela peut fonctionner mais sur des arbres de 10 mètres de haut et sur plusieurs hectares c’est impossible, il y a des régions où ils ont pulvérisé par hélicoptère.
Alain Ambialet envisage de travailler avec l’Inra pour étudier le phénomène et mettre en place des solutions en amont. Cette année la production ne sera pas touchée mais à long terme la répétition de cette invasion pourrait avoir des conséquences dramatiques sur la production :
On ne connait pas les effets sur le système racinaire lorsque les arbres n'ont plus de feuilles en été, on n’a pas de recul, on a des raisons de s’inquiéter.
Le trufficulteur espère que la problématique va alerter les pouvoirs publics et la chambre d’agriculture :
Dans 20 ans si on ne fait rien, j’ai peur de voir des déserts se former. Nous n’avons pas les réponses mais il faut prendre le problème à bras le corps. Personne ne bouge pour le moment, il faut mettre le débat sur la table, connaître le mal, aller à la source, on ne peut pas laisser faire.
Dommages collatéraux
Impossible de dire aujourd’hui si la qualité de la truffe sera altérée en 2021 mais beaucoup de questions restent encore sans réponse autour du phénomène de prolifération de ces chenilles dévoreuses. Les trufficulteurs prennent très au sérieux cette invasion, préoccupés par les conséquences à long terme. Une invasion qui pourrait aussi toucher les vignobles, vergers et autre cultures des départements voisins du Tarn et Tarn-et-Garonne.La crise du coronavirus vient amplifier les incertitudes de la profession. Les trufficulteurs ne savent pas encore si la truffe pourra se vendre sur les marchés, ils craignent en parallèle une baisse de la consommation des restaurateurs et traiteurs, leur principale clientèle.Il faut débloquer des fonds pour anticiper, mettre en place des moyens avec une enveloppe budgétaire.