Ils étaient tenus au secret professionnel, jusqu'à une loi du 30 juillet 2020. Depuis, le nouveau procureur de Cahors permet aux professionnels de la santé de dénoncer directement à la justice des faits de violences conjugales. Après les médecins et les infirmiers, le dispositif s'étend aux kinésithérapeutes.
Parmi les patients des kinésithérapeutes il peut y avoir des femmes battues. C'est le constat du procureur du Lot, Alexandre Rossi, qui a pris ses fonctions en janvier 2022. "Les masseurs-kinésithérapeutes sont amenés à travailler sur des temps longs. Ils sont parfois confrontés à des femmes qui présentent des hématomes ou des fractures. Ils peuvent désormais envoyer un signalement pour diligenter une enquête judiciaire" rapporte-t-il.
Sur Twitter, Alexandre Rossi annonce que les 280 kinés du Lot peuvent désormais dénoncer directement à la justice des faits de violences conjugales.
Comment ça marche ?
A son arrivée en janvier, ce procureur avait déjà mis en place cette même procédure pour les médecins, puis en mars pour les infirmiers. Le dispositif est effectif pour les kinés depuis ce mois de juin 2022.
Concrètement, ces professionnels de la santé du Lot ont maintenant accès à un canal direct avec le procureur : souvent par mail, parfois par téléphone. Ils peuvent ainsi dénoncer une situation inquiétante, et toujours, téléphoner au 17 pour une urgence.
Une documentation a été remise aux professionnels de santé pour savoir comment détecter les violences conjugales et comment les signaler.
Alexandre Rossi, procureur de la République du Lot
Ensuite, un comité de suivi sera mis en place pour suivre l'évolution de ce dispositif.
Prévenir la victime
Le procureur tient à rappeler qu'il n'y a aucune obligation. "Le praticien agit en conscience, il n'est pas non plus un valet de la police, il dénonce simplement et a une protection juridique. Il n'encourt donc aucune poursuite".
Et pour cause, la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 rédigée suite aux préconisations du Grenelle contre les violences conjugales, autorise désormais le médecin ou tout autre professionnel de santé à porter à la connaissance du procureur de la République les violences conjugales dont sont victimes leurs patient(e)s, à certaines conditions strictes.
Par exemple, "il doit y avoir un accord de la victime ou, s'il ne l'obtient pas, il doit la prévenir qu'il va signaler les faits" détaille le procureur du Lot. Il faut que le professionnel de la santé transmette des faits relatifs à des violences exercées au sein d'un couple, "lorsqu'il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n'est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l'emprise exercée par l'auteur des violences", précise la loi.
Cause nationale
Alexandre Rossi explique décliner "une grande cause nationale de détection et de répression des violences conjugales" au niveau départemental. Et d'ajouter : "depuis un an beaucoup de Parquets font des conventions avec les professionnels de santé comme les médecins, les infirmiers, les pharmaciens ou encore kinés".
On m'a donné plus de moyens et d'outils, je les utilise !
Alexandre Rossi, procureur du Lot
"Avant le Grenelle nous avions déjà pris des mesures au Parquet (...) Ca fait quinze ans que je suis magistrat, et même si l'opinion publique n'a pas l'impression, nous, les Parquets, portons une attention particulière aux violences conjugales" développe Alexandre Rossi.
Il ajoute : "l'ancien procureur du Lot était déjà très investi en la matière. De mon côté, je suis dans la continuité."
Les dentistes bientôt concernés
Pour le procureur de Cahors, il est difficile de chiffrer avec justesse les violences conjugales dans le Lot : "c'est un chiffre noir dont on est pas forcément au courant. Ce dispositif fait naître des situations qui ne pourraient pas être dénoncées autrement."
Pour lutter contre les violences conjugales, Alexandre Rossi a également augmenté le nombre de "téléphones grave danger". Ces derniers sont passés de huit à seize dans le département. "Nous avons aussi des bracelets anti rapprochement et nous travaillons en synergie avec des services de la préfecture et le monde associatif" complète le procureur.
Les chirurgiens dentistes du Lot ont déjà été contactés pour qu'ils dénoncent, eux aussi, des faits de violences conjugales. "Une femme qui se fait casser les dents, elle va dire la première fois qu'elle est tombée, la deuxième fois aussi, la troisième fois on ne va plus la croire", commente Alexandre Rossi.
D'ici la rentrée, le procureur envisage également une collaboration avec les pharmaciens et peut-être les gynécologues et les hôpitaux.