Sous la double menace du coronavirus et d'un épisode cévenol, la 18ème édition du festival photographique organisé sur le plateau de l'Aubrac a fait le plein de visiteurs.
Evénement culturel majeur... aux confins de la Lozère et de l'Aveyron
Ciel noir et lumière crue filtrant - entre les nuages - sur des pâturages bordés de pierre grise, l'Aubrac embrumé ressemble à un décor de film fantastique. Le pays de la bête du Gévaudan est le plateau idéal pour recréer le Connemara ou la Patagonie en lumière naturelle et faire surgir des personnages de pure fiction.En quittant l'Autoroute A 75 pour s'aventurer sur des départementales désertes à peine bordées de hameaux tous les dix à quinze kilomètres, l'amateur de photo - vaguement inquiet - se met à douter de son GPS. Y a-t'il vraiment un festival de photographie au bout du chemin ? Et surtout... y aura-t-il d'autres visiteurs dans ce bout du monde ?
Il se rassure à l'approche de la rivière Bès et d'un spectaculaire ouvrage de pierre qui domine les tourbières. Le pont de Bunkinkan et son environnement n'ont guère changés depuis le XVIème siècle mais le petit panneau blanc floqué du logo orange "Phot'Aubrac 2020 - Exposition Hans Silvester", certes un peu anachronique, prouve que cette voie est la bonne.
A Nasbinals (Lozère), le contraste est saisissant : des voitures sont garées sur chaque parcelle disponible et des capes de pluies multicolores déambulent par centaines entre les vingt-huit lieux d'exposition. Les intelligentzia urbaines ne pourront jamais en convenir mais c'est pourtant bien un événement culturel de premier plan qui s'organise ici d'étables en églises et d'anciennes forges en bories.
La "Terre-Mère" dévoilée sur le plateau
Bien sûr les photos transcendent ces édifices ruraux et singuliers pour en faire de véritables galeries durant quatre jours. Mais plus encore, la manifestation transforme les habitants du plateau : fermiers-galeristes ou simples visiteurs, tous deviennent photophiles avertis au fil des éditions.Les baobabs de Pascal Maître, l'art brut des épouvantails d'Hans Sylvester, ses éleveurs éthiopiens amoureux de leur bétail, les méduses d'Eduardo Da Forno, les chouettes de Denis Girard... Parcourant une cinquantaine d'expositions, le visiteur "perd le nord" sur le plateau d'Aubrac et s'évade dans toutes les dimensions, toutes les beautés insoupçonnées de la planète, "Terre-Mère" photographiée de ses plus larges paysages à ses organismes les plus microscopiques, réinventée quelquefois. Le but est de proposer une "oeuvre d'art" : une nature prodigieuse découverte au bout du monde comme... à quelques mètres de chez soi !
Je ne sais pas si c'est l'Aubrac ou l'accueil des habitants mais je trouve les photos encore plus belles ici !
Incroyable succès public
Difficile de dire combien d'amateurs de photos ont rejoint le plateau durant ces quatre jours. Il n'y a pas de billeteries à Phot'Aubrac, toutes les expositions sont gratuites et en accès libre. Mais quelques signes ne trompent pas : les files d'attente devant les salles d'exposition, les 30 000 brochures emportées, les lieux de restauration pris d'assaut et la foule dans les rues de Nasbinals... 512 habitants en temps normal !Sans soutien massif des institutions, sans partenaires prestigieux, juste avec la foi des bénévoles et l'attachement des photographes, Phot'Aubrac 2020 est un immense succès.