Le Mercosur est aujourd'hui au cœur de la contestation agricole. Cet accord de libre-échange entre plusieurs pays d'Amérique du Sud et l'Union Européenne pourrait être signé d'ici la fin de l'année. Il va favoriser l'importation de produits agricoles en France, en particulier de la viande. Ce qui provoque la colère des agriculteurs, surtout en Lozère où l'élevage représente 90% de l'agriculture.
Certains matins, comme ici à Saint-Etienne-du-Valdonnez en Lozère, il fait un temps à ne pas mettre une vache dehors. Celles de Jean-François Maurin, elles, sont bien au chaud à l'intérieur. "On les a rentrées cette semaine, à cause la neige, c'est tout récent" !
L'éleveur est aux petits soins avec ses Aubracs, qu'il nourrit avec des céréales cultivées dans son exploitation. "Je sais ce que je fais, comme c'est moi qui les produits, je n'ai pas de surprise", commente l'éleveur.
Jean-François est sûr de sa pratique, mais il est inquiet aujourd'hui. Car bientôt, son cheptel élevé au bon grain, pourrait se retrouver en concurrence directe avec de la viande du Brésil.
Le pays est le deuxième producteur mondial de bœuf, et grâce à ses fermes géantes et ses bêtes dopées aux hormones, son prix est bien plus faible que ce que propose Jean-François. "En fait, les hormones de croissance, elles développent les muscles, donc les animaux sont beaucoup plus musclés donc les coûts alimentaires sont beaucoup moins importants. Ils sont gagnants là-dessus", constate Jean-François.
Une pratique efficace, mais illégale en France depuis 1988.
Deux poids deux mesures
Cette viande étrangère, pourrait se retrouver sur le marché français grâce au Mercosur, un accord de libre-échange entre l'Union Européenne et plusieurs pays d'Amérique du Sud qui pourrait être signé d'ici la fin de l'année. Il prévoit de supprimer les droits de douane sur des produits agricoles ou des voitures neuves.
Cent mille tonnes de bœuf brésilien devraient ainsi rentrer sur le territoire français. Une concurrence qui agace le Lozérien, car les normes ne sont pas les mêmes.
Contrairement aux Sud-américains, lui doit par exemple consigner toute la vie de ses bêtes dans un fichier pour une parfaite traçabilité. Une lourde tâche administrative.
"Nous sommes dans une totale incompréhension car on essaie de travailler le mieux possible. Mais l'Europe vous force à respecter un cahier des charges et dans le même temps, elle fait entrer en Europe de la viande qui ne respecte pas du tout les mêmes règles. C'est une aberration, ce n'est pas normal", s’insurge l'éleveur Lozérien.
De la qualité face aux bas prix
Jean-François Maurin craint surtout que cette viande étrangère fasse chuter les prix du marché français, et aggrave la crise agricole.
Mais en Lozère, toute la filière ne partage pas cette inquiétude. Cet abattoir de proximité a facilement ouvert ses portes à France 3 Occitanie pour prouver que dans le département, on produit de la viande haut de gamme, loin d'un modèle intensif et industriel.
"On essaie d'être le plus respectueux possible de l'animal. L'animal est destiné à être consommé. Il y a cette phase-là qui est inévitable et aucune machine ne peut remplacer l'homme. Autant être le plus respectueux possible pour optimiser la qualité des viandes", assure Olivier Racaud, directeur de l'abattoir du Gévaudan.
Ici, pas de méthode brutale ni de bruits oppressants. De l'élevage à l'abattage, le bœuf ou le porc de Lozère n'a donc rien à voir avec de la viande bon marché selon le directeur.
"On peut le voir à la couleur de la viande, elle est bien rouge. Ce n'est pas du porc industriel, c'est du porc fermier, en termes de goût, en termes de qualité de viande, en termes de conservation", précise le directeur.
Et avec ses différents labels de qualité comme le label rouge Aubrac, les produits du département ont toujours su séduire des consommateurs exigeants, malgré leurs prix élevés.
"C'est ce qui nous a toujours permis de tirer notre épingle du jeu. Cette année, l'abattoir progresse, on ne régresse pas malgré une conjoncture nationale très défavorable. Pour la suite, nous misons toujours sur cette notion de qualité pour poursuivre notre développement", conclut-il.
Une perspective encourageante pour tout un département, car l'enjeu est capital. En Lozère, l'élevage représente 90% de l'activité agricole.
Écrit avec David Emilien.