Laurent Dejean est jugé en appel devant la cour d'assises du Tarn pour le meurtre de Patricia Bouchon. L'audience de ce mercredi a été forte en émotions avec le témoignage de la soeur de l'accusé et celui de son ancienne petite amie. La famille de la victime s'est adressée à Laurent Dejean.
Le procès en appel de Laurent Dejean se tient devant la cour d'assises du Tarn depuis le 28 juin. Cet homme aujourd'hui âgé de 42 ans est accusé du meutre de Patricia Bouchon à Bouloc en février 2011. Il a toujours nié les faits.
Ce mercredi, les jurés ont entendu le témoignage de son ancienne petite amie Natacha qui dit l'avoir quitté en raison de ses accès de violence. La soeur de Laurent Dejean est convaincue de son innocence.
"Natacha, n’aies pas peur de moi, fais ta vie"
L’ancienne petite amie de Laurent Dejean est venue témoigner ce mercredi devant la cour d’assises du Tarn. Elle l’a rencontré quand elle avait à peine 16 ans. Il est plus âgé, il a 23 ans.
"Au début ça se passait bien", explique la jeune femme, aujourd’hui âgée de 34 ans. Quand elle devient majeure, elle emménage avec lui dans l’appartement qu’il a installé dans une annexe chez sa mère. Mais petit à petit, il devient jaloux et possessif. "Il fumait beaucoup trop, je lui avais demandé d’arrêter".
-"Il a consommé des drogues dès le début" demande le président de la cour d’assises ?
-"Oui, il a toujours fumé du cannabis, il fumait toute la journée."
-"Et de la cocaïne ?"
-"Non pas devant moi".
-"Vous aviez dit aux gendarmes que vous commenciez à avoir peur de lui", lui rappelle Noël Picco.
-"Oui j’avais acheté un téléphone, il l’a cassé et un jour, il a tout cassé à la maison, cheminée, télé, cloison. Une autre fois, il a voulu jeter un casque de scooter sur moi, sa mère s’est interposée."
-"Quel était son comportement avec sa mère ?"
-"Il lui parlait mal, il l’insultait, la bousculait".
-"Pourquoi ?"
-"Peut-être qu’il n’acceptait pas ce qu’elle lui disait ; qu’il était un branleur, qu’il ne faisait rien".
-"Vous aviez peur de le quitter ?"
-"Oui, il savait où habitaient mon père et mes amis. J’avais peur pour moi et pour eux".
Natacha le quitte en 2007. Une rupture que Laurent Dejean a du mal à accepter. En 2009, il tente d’intimider le nouveau copain de Natacha. Julien est d’ailleurs venu le raconter à la barre. Des menaces de mort, une poursuite en voiture, pare-chocs contre pare-chocs. L’accusé reconnait qu’il a beaucoup pleuré quand Natacha l’a quitté, une tristesse qui a duré pendant trois, quatre ans. Quant aux menaces envers Julien, il nie. Il n’a jamais levé la main sur lui. Il voulait juste savoir pour lui et Natacha. Et maintenant tout ça est oublié. "Mon amour est fini, je suis guéri", dit-il à la cour. Il s’adresse à Natacha : "N’aies pas peur de moi, fais ta vie !"
Un gendarme qui faisait partie de la cellule d’enquête sur le meurtre de Patricia Bouchon reconnait devant la cour qu’avec des collègues ils se sont posés la question. Natacha semblait avoir été le seul amour de sa vie. "On s’est demandé s’il n’avait pas fait un transfert avec Natacha quand il a croisé Patricia Bouchon, même silhouette, blonde toutes les deux."
"Ce que je vous demande, c'est de vous faire soigner à vie"
Pour la famille Bouchon, il n’y a pas de doute. Laurent Dejean est bien le meurtrier de Patricia. Le président de la cour d'assises leur propose de s’exprimer.
"J’aimerais que vous sachiez ce que l’on a ressenti toutes ces années. Ma vie a été mise entre parenthèse, commence Carlyne la fille de la victime. "Avant l’incarcération de Monsieur Dejean je ne pouvais plus sortir de chez moi, j’avais peur ; j’étais en hyper vigilance tout le temps car je ne savais pas qui était le meurtrier de ma mère. Je me suis fait suivre psychologiquement et je me fais suivre encore pour évacuer. J’ai été confrontée à un monde tellement inhumain, j’ai encore du mal à comprendre que l’on ait pu faire ça à ma mère".
Elle se tourne vers Laurent Dejean et lui dit qu’elle n’a pas le moindre doute le concernant. "J’ai mon intime conviction ; ce que je vous demande, c’est de vous faire soigner à vie car un jour vous allez sortir et il ne faut pas que cela recommence."
Un peu plus tôt dans l’après-midi, la sœur de Laurent Dejean avait témoigné en visio-conférence. Elle avait décrit son frère comme quelqu’un de très affectueux, travailleur, sincère avec un point fort : une grande sensibilité et un point faible, il est très colérique. "Mais il n’a jamais levé la main ni sur moi, ni sur ma sœur, ni sur ma mère. C’est vrai, il a eu un chemin chaotique a-t-elle dit mais ce n’est pas parce qu’il fume et qu’il est colérique que ça fait de lui un criminel. Laurent est bien plus sensible que moi, s’il avait commis un tel acte il n’aurait jamais pu le garder pour lui, il se serait confié à l’une d’entre nous".
Elle évoque aussi le père décédé, quand Laurent Dejean n’avait que 17 ans. Un papa malade depuis longtemps avec des problèmes pulmonaires importants. Elle ne peut retenir ses larmes. Le président propose à Laurent Dejean de saluer sa sœur.
-"Calme toi", lui dit l’accusé.
-"Je t’aime mon Laurent, j’ai confiance en toi".
-"Tu peux".
-"J’espère que la justice sera avec toi et que l’on trouvera le vrai coupable".
Cette scène familiale par visioconférence semble susciter l'étonnement dans la salle, on entend un léger brouhaha.
"Je suis sûr Monsieur Dejean que vous êtes la dernière personne que ma sœur a vu" dit le frère de Patricia Bouchon quand vient son tour de s'exprimer. "Il y a le dossier et les choses que l’on perçoit. Au fond de vous-même vous le savez".
-"Non monsieur, vous vous trompez, répond Laurent Dejean, je suis incapable de faire quelque chose comme ça."
Christian Bouchon, le mari de la victime, prend la parole en dernier. "Patricia n’a pas été tuée par un homme mais par un moment de délire", dit-il encore éprouvé par une photo d’une touffe de cheveux de sa femme présentée la semaine précédente lors de l’audience. Un indice retrouvé sur la scène de crime le 15 février 2011. On y voyait en effet une quantité importante de cheveux. "Ce n’est pas sa mèche de cheveux, c’est sa queue de cheval ! Il ne faut pas être un homme, il faut être beaucoup plus fort que ça". Il s’arrête là trop ému pour pouvoir continuer.
L'avocate générale prononcera son réquisitoire ce jeudi. Le verdict est attendu vendredi. En 2019, en première instance devant la cour d'assises de la Haute-Garonne, Laurent Dejean a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle.