Le 28 juin s'ouvre devant la cour d'assises du Tarn, le procès en appel de Laurent Dejean, le meurtrier présumé de Patricia Bouchon tuée à Bouloc en 2011. Une nouvelle épreuve pour sa famille et notamment sa fille Carlyne qui évoque ici sa mère, l'affaire et ses attentes dans ce second procès.
Le 14 février 2011, Patricia Bouchon, une habitante de Bouloc en Haute-Garonne âgée de 49 ans, secrétaire médicale et mère de famille, disparaît alors qu'elle fait son jogging peu avant cinq heures du matin. La découverte de traces de sang et des effets lui appartenant orientent les enquêteurs vers la piste criminelle.
Après plus d'un mois de recherches durant lesquelles le visage de Patricia Bouchon est placardé dans toute la région, le corps sans vie de cette dernière est retrouvé par un chasseur à Villematier, à dix kilomètres de Bouloc. Il est dissimulé dans une conduite d'eau, en contrebas d'un petit pont. L'autopsie révèlera que Patricia Bouchon a été tuée de manière très violente.
L'enquête sera longue, parsemée d'embûches, de fausses dénonciations. Mais en 2015, Laurent Dejean, un plaquiste de 34 ans considéré comme psychotique, est mis en examen pour homicide volontaire, "sur la base d'indices graves et concordants".
L'homme a toujours nié les faits et continue de le faire mais en mars 2019, la cour d'assises de la Haute-Garonne le condamne à 20 ans de réclusion criminelle. Laurent Dejean fait imédiatement appel de ce jugement.
C'est donc son procès en appel qui a lieu du 28 juin au 9 juillet prochain, devant la cour d'assises du Tarn, à Albi. Une nouvelle épreuve pour la famille de la victime, et notamment sa fille Carlyne, aujourd'hui âgée de 37 ans. Mais aussi un moment dont elle attend beaucoup.
Elle a répondu à nos questions, il y a quelques jours.
France 3 Occitanie - Dans quel état d'esprit êtes-vous à quelques jours de l'ouverture de ce procès en appel de Laurent Dejean ?
Carlyne Bouchon : "Je suis pressée que ça arrive, qu'on mette enfin un terme à dix années difficiles, il serait temps qu'on voit le bout du tunnel. Je ne peux pas m'empêcher d'avoir des appréhensions, il ne faut pas oublier que lors du premier procès, l'avocat général avait requis l'acquittement. Ceci dit, lors du premier procès, Laurent Dejean a écopé de vingt ans de réclusion donc j'espère que ça va continuer dans cette lignée, on a plutôt confiance en la justice...".
Vous n'avez pas de doute sur sa culpabilité ?
Carlyne Bouchon : "Non, non, je n'ai aucun doute par rapport à sa culpabilité. Pour moi, tous les éléments sont là. C'est vrai qu'il n'y a pas de preuve formelle mais les indices graves et concordants qui ont mené à lui sont évidents pour moi".
Un procès, c'est aussi un temps judiciaire pendant lequel on va évoquer longuement votre mère. Pouvez-vous nous en parler ?
Carlyne Bouchon : "Vous savez, c'est assez impressionnant car ma mère était extrêmement discrète, extrêmement timide, réservée, et il se trouve que, pendant quelques mois, elle a été affichée dans les médias de manière assez folle. C'est assez contradictoire avec la personne que je connais, qui aurait détesté ça !
Ma mère était réservée, elle était très douce et elle avait beaucoup de coeur, c'est quelqu'un qui donnait beaucoup. C'est aussi quelqu'un qui savait pardonner et je peux vous dire que le pire dans tout ça, c'est que, elle, elle pardonne à son meurtrier. Voilà qui était ma mère...".
Pensez-vous importante la place que la justice, dans un procès, accorde à la victime de son vivant ?
Carlyne Bouchon : "Oui, c'est important parce que ça humanise ma mère. Pendant toutes ces années, c'était une victime, mais on n'arrivait pas à l'identifier, à se mettre à sa place. Et si, c'était une femme, un être humain, alors oui, il est important qu'on parle d'elle, de sa personnalité, de sa personne, pour se rendre compte que c'est vous, c'est nous, c'est tout le monde, en fait. Ma mère, c'est juste quelqu'un d'humain à qui il est arrivé un drame horrible".
Est-ce difficile d'évoquer sa mère devant une cour d'assises ?
Carlyne Bouchon : "C'est assez difficile car même après tout ce temps, j'ai encore du mal à intégrer le fait qu'on ait tué ma mère. Même dix ans après, ce drame est tellement affreux, il dépasse tellement l'entendement pour moi que c'est difficile de parler d'elle au passé alors que tout ça reste encore très surréaliste.
Pendant dix ans, j'ai pensé à ma mère en pensant à son meurtre. J'ai besoin de mettre un point final à tout ça, j'ai besoin de penser aux beaux souvenirs que j'ai de ma mère, j'ai besoin de penser à ma mère autrement".
Comment vous reconstruisez-vous ?
Carlyne Bouchon : "J'attends quelque chose qui me libère. Je l'espère profondément maintenant. Aujourd'hui, faire confiance à n'importe qui, ce n'est pas possible. Je n'accorde pas du tout ma confiance comme avant, je ne suis plus du tout aussi sociable que j'ai pu l'être avant. Ma vie a changé, définitivement, et ça, ça ne sera pas remédiable. Mais c'est aussi une force en un sens, j'étais un peu naïve, là, pour le coup, je le suis beaucoup moins. Je ne suis pas la même personne".
Vous évoquiez tout à l'heure la capacité de pardon de votre mère, ça vous évoque quoi ?
Carlyne Bouchon : "J'ai besoin de pardonner aussi en réalité, pour me reconstruire, parce que vivre comme ça, c'est quand même difficile mais pour pouvoir accéder au pardon, il faut des aveux, une reconnaissance de l'acte et jusque-là, je ne l'ai pas. Pourtant, que ce soit pour notre famille ou pour M. Dejean, je crois que c'est ça qui permettrait d'aller de l'avant, de prévoir un soin sur la durée pour éviter que cela se reproduise. Parce que c'est ça, le plus important, qu'aucune personne ne subisse ce que ma mère a vécu et que nos familles ont vécu".