Aujourd’hui, la région Occitanie compte une ville dirigée par un maire RN, et un autre proche des élus RN. Mais ce chiffre pourrait bien grossir aux prochaines élections municipales. Selon, la présidente de la région, une trentaine de communes pourraient basculer vers l’extrême-droite.
1989, Saint-Gilles, commune située dans le Gard, devient la première ville de France de plus de 10 000 habitants a être dirigée par le FN. A l’heure actuelle, une commune est dirigée par un maire RN, Julien Sanchez à Beaucaire et une autre par le médiatique Robert Ménard, proche des élus RN.
Mais pour les prochaines élections, l’équation semble différente. De nombreuses communes d’Occitanie figurent en effet dans la liste noire des communes visées par le RN aux prochaines Municipales. Elles seraient une trentaine selon la présidente PS de la région Occitanie, Carole Delga :
Il faut être très lucide, nous avons eu des scores élevés du RN lors des dernières échéances électorales. On le voit dans certaines communes, l’extrême droite a fait plus de 35%.
Un parti qui manque à l’origine d’enracinement local
Une vague extrême-droite pourrait ainsi bien conquérir le territoire aux élections de mars prochain et pourtant : "à l’origine les élections municipales ne sont pas favorables au RN dans la mesure où ce parti continue d’être une menace pour la démocratie mais également car il manque d’enracinement local. Mais cette année, elles pourraient être des élections particulières dans la mesure où les scores élevés aux dernières élections européennes constituent un matelas d’aisance pour le RN", explique Emmanuel Négrier, politologue CNRS - CEPEL Montpellier.Un matelas d’aisance sur lequel compte bien s’appuyer le Rassemblement National mais pas seulement. C’est aussi par ses nombreuses alliances avec la droite que le parti est actuellement dans la course pour de nombreuses communes.
Des ralliements RN-LR en masse
Ces dernières semaines, les ralliements RN-LR ont en effet été nombreux. Et l’actualité politique de la semaine en témoigne puisque sept militants LR ont rejoint la liste du RN pour les municipales à Lunel. Une action qui n’a pas manqué de faire jaser les opposants à cette liste.
Fin novembre, c’était à Sète qu’une alliance RN-LR avait fait grand bruit, avec la candidature à la tête d’une liste "d’union des droites" de Sébastien Pacull, patron démissionnaire des Républicains de l’Hérault.
Alors pour la présidente de la région, il est aujourd’hui nécessaire de tirer la sonnette d’alarme. Elle déclare, "ce genre de ralliements donnent une apparence de sérieux et de respectabilité aux candidats d’extrême droite et c’est d’ailleurs pour cela que les militants sont rapidement exclus des listes LR".
Mais ce n’est pas tout, d’autres facteurs expliquent également cette montée en puissance de l’extrême droite en Occitanie.
Il y a une droitisation des territoires périurbains et des inégalités sociales qui favorisent l'émergence du vote extrème.
Emmanuel Négrier précise : "il y a plusieurs explications à cette tendance au vote extrême dans la région. Le premier facteur, c’est le fait que les territoires périurbains se droitisent de manière régulière en raison d’une population majoritaire qui appartient à une classe moyenne peu éduquée. Ensuite, on a des territoires qui sont très favorables à l’amplification de ce phénomène, c’est le cas de la Petite Camargue, le Biterrois ou encore le Perpignanais. Dans ces territoires il y a de fortes inégalités sociales et notamment en termes de revenus".
Perpignan, un enjeu pour le RN ?
En mars prochain, s’il y a bien une commune qui représente un enjeu important pour le RN, c’est Perpignan.
Selon un sondage réalisé fin décembre par l’institut Ifop, le député du Rassemblement National des Pyrénées-Orientales, Louis Aliot, serait largement en tête du premier tour, avec 26% des intentions de vote. Le basculement de cette commune de 280 000 habitants à l’extrême droite pourrait représenter une importante victoire pour le parti de Marine Le Pen.
Une situation qui inquiète la présidente Carole Delga, "si les grandes villes tombent à l’extrême droite, il peut y avoir des agglomérations, des intercommunalités qui tombent à l’extrême droite. On va voir la capacité du RN a déposer des listes dans des communes où il y a des potentialités de scores significatifs".
Mais pour l’heure, encore difficile d’évaluer cette percée du RN dans la mesure où les listes n’ont pas été toutes déposées, la date limite de dépôt étant fixée à fin février.
Un vote effacé par la nouvelle stratégie du gouvernement ?
Mais du côté du gouvernement, une stratégie est déjà en train de se mettre en place pour semble-t-il minimiser le vote de l’extrême-droite en France.
Le ministère de l’Intérieur, chargé d’organiser les élections municipales, a en effet décidé de changer les règles pour calculer le score de chaque parti politique au soir des résultats. Il a envoyé une circulaire aux préfets dans laquelle les préfectures feront une classification des scores "seulement dans les communes de 9 000 habitants et plus" (ainsi que dans les sous-préfectures), et non plus à partir de 1 000 habitants, comme aux dernières municipales.
Avec ce nouveau calcul, 96% des communes ne seront pas prises en compte dans les résultats nationaux. Cela pourrait gonfler artificiellement les scores du parti présidentiel.
Si on y regarde de plus près, dans les départements du Gard, de l’Hérault, de l’Aude et des Pyrénées-Orientales, dans au moins 12 communes de moins de 9000 habitants, le RN a obtenu un score égal ou supérieur à 40% lors des élections européennes de 2019. C'est le cas de Bellegarde, Aimargues, Sérignan, Sigean, Port-la-Nouvelle, Le Barcarès....
Alors concrètement, selon Emmanuel Négrier : "cette circulaire permet de camoufler les résultats catastrophiques de la majorité aux élections. Mais elle peut être dangereuse dans la mesure où elle présente un risque de manipulation des résultats qui font les affaires du gouvernement".
Alors stratégie de manipulation ou non, quoi qu’il en soit, le gouvernement semble vouloir dissimuler les potentielles victoires du RN.