Après les annonces de Jean Castex jeudi 7 janvier, aucun des 13 départements d'Occitanie ne semble être concerné par l'instauration d'un couvre-feu à 18h. Cela veut-il dire que la région est relativement épargnée, qu'elle résiste mieux au Coronavirus ? Deux virologues toulousains nous répondent.
Alors qu'un durcissement du couvre-feu se prépare, le premier critère pris en compte c'est l'évolution du taux d'incidence, c'est-à-dire le nombre de cas positifs pour 100.000 habitants.
Le gouvernement a fixé le seuil à 200 pour avancer le couvre-feu à 18h. Pour l'heure en Occitanie, les Hautes-Pyrénées sont le seul des 13 départements à se situer près de ce chiffre. Mais d'autres critères sont aussi importants.
Daniel Dunia est virologue au CNRS et à l'INSERM. "C'est vrai que nous sommes relativement épargnés, pas plus, pas moins que d'autres régions de l'ouest de la France. Nous avons la chance d'avoir un virus qui n'a pas trop circulé, sans trop de brassage avec des populations extérieures. Il semblerait aussi que les gestes barrières aient été plutôt bien respectés."
Un constat partagé par le Professeur Jacques Izopet du laboratoire de virologie du CHU de Toulouse. "Il serait faux de dire que notre région résiste mieux que les autres. En tous cas il n'y a pas d'explications objectives. Lors de la première vague comme pour la seconde, c'est plutôt l'est de la France qui a été touché."
Le virus circule toujours. Les chiffres restent stables, sans trop augmenter, sans régresser non plus. Sur le site CovidTracker, on peut suivre l’évolution de l’épidémie de Coronavirus en France, avec des données pour chaque région, affinées au niveau de chaque département. Le taux de reproduction du virus (le R effectif) fait partie des indicateurs scrutés par les décideurs gouvernementaux. Au delà du chiffre 1, l'épidémie progresse, sinon elle régresse. Pour l'Occitanie, il se situe à 1,09 contre 1,01 pour la moyenne nationale. C'est le seul indicateur sanitaire de la région supérieur au reste de la France.
Celui qui sert de référence pour instaurer un couvre-feu dès 18h est donc le taux d'incidence. Il y a en moyenne 153 cas positifs pour un bassin de population de 100 000 personnes en France. Pour l'Occitanie, le chiffre est de seulement 129. Ce qui explique que les départements l'Occitanie ne soient pas concernés, sauf les Hautes-Pyrénées qui flirtent avec la barre des 200. Jean Castex et Olivier Véran se rendront d'ailleurs demain samedi 9 janvier sur place.
Covid : Jean Castex et Olivier Véran ce samedi à Tarbes dans les Hautes-Pyrénées https://t.co/v79NowCYTR pic.twitter.com/d14CWEbHLS
— France 3 Occitanie (Toulouse) (@France3MidiPy) January 8, 2021
Le Gard a longtemps été sous surveillance accrue, mais les derniers chiffres sont plus rassurants. C'est le département d'Occitanie le plus à l'est, frontalier avec le Vaucluse qui franchit le seuil des 200. Sur la carte de CovidTracker, le Gard (avec un taux d'incidence de 156) reste en rouge comme l'Ariège (178), les Hautes-Pyrénées, le Tarn, la Lozère et l'Aude.
En Occitanie, le taux de positivité (proportion de tests positifs dans l'ensemble des tests) se situe autour de 6%. Il a tendance à repartir à la hausse. "Les personnes hospitalisées en réanimations sont moins nombreuses depuis le pic atteint fin novembre. Mais le nombre d'hospitalisations baisse moins vite. Nous sommes sur un plateau depuis quelques temps. La tension hospitalière reste forte. L'Occitanie n'est pas plus épargnée que d'autres régions de l'ouest. L'épidémie ne regresse pas. Les gestes barrière sont plus que jamais essentiels. " Pour le virologue de l'Institut Toulousain des Maladies Infectieuses et inflamatoires (INFINITy) la vigilance reste de mise.
D'autant plus que le virus a connu plusieurs mutations, mais la toute dernière venue du Kent en Angleterre inquiète plus particulièrement. On sait que cette variante est sans doute plus contagieuse -sans être plus dangereuse- et qu'elle peut toucher les enfants de moins de 10 ans plus que précédemment.
Pour l'instant, pas la moindre trâce de cette nouvelle souche dans la région. Le seul laboratoire en Occitanie qui observe les différentes mutations est celui de Jacques Izopet. "Nous avons étudié les souches de virus qui circulent en Occitanie du 1/10 au 20/12. Il n'y a pas eu la moindre trace. Depuis le 20 décembre, des études sont en cours. Elles seront publiées la semaine prochaine. Mais nous n'avons pas été alerté d'une quelconque présence."
L'Occitanie est donc épargnée pour l'instant par cette nouvelle souche. "Nous menons des travaux approfondis. Un enquête nationale est en cours sur tout le territoire. Tous les échantillons suspects seront séquencés et analysés", assure Jacques Izopet. Pendant ce temps, les vaccinations ont démarré cette semaine dans la région.
Un début poussif mais essentiel pour augmenter l'immunité de la population. Une immunisation naturelle obtenue lorsque l'on a contracté le virus, ou artificielle lorsque l'on se fait vacciner. Cette séroprévalence, c'est à dire le nombre de personnes ayant des anticorps, est très importante pour l'immunité collective. "On sait que lorsque 50 à 60% d'une population présente des anticorps, on peut atteindre une immunité collective" précise le Pr Izopet. En d'autres termes, ce serait le retour possible d'une vie presque normale, on restant vigilants mais moins contraints par le virus.
Alors, quand l'Occitanie et la France pourront-elles commencer à tomber le masque? "J'espère que nous serons dans une meilleure situation d'ici mai-juin" répond Jacques Izopet. A condition évidemment que la vaccination s'intensifie et que le virus ne reprenne pas de la vigueur.