Occitanie : la faune est en danger, les oiseaux et les insectes disparaissent

Autour de nous, en Occitanie vivent de nombreuses espèces auxquelles on ne prête pas forcément attention. Pourtant, comme le grand requin, le rhinocéros blanc ou encore le gorille, certaines sont en danger. État des lieux dans notre région, des oiseaux et insectes menacés de disparition.
 

L'Occitanie, est un réservoir de biodiversité, l’un des plus riches en France. Les zones clés de biodiversité se trouvent sur le littoral méditerranéen et les massifs montagneux. Mais cette richesse est de plus en plus menacée.

Une situation critique


Pour évaluer les espèces en danger des listes rouges sont constituées en Occitanie :

  • Les oiseaux nicheurs : 
On recense 240 espèces et/ou sous-espèces d’oiseaux nicheurs sur le territoire régional. 41% des espèces d’oiseaux nicheurs sont actuellement menacées en Languedoc et en Roussillon, presque deux fois plus qu'au niveau national. 

Le Languedoc-Roussillon a le triste privilège, d’être le dernier territoire a avoir connu la dernière disparition d’une espèce vertébrée à l’échelle nationale (Le traquet Rieur) et s’apprête à connaître une nouvelle disparition avec la Pie-grièche à poitrine rose. Le constat est alarmant !

Fabien Gilot, coordinateur du Groupe ornithologique du Roussillon

 
  • Les papillons :
Les papillons : Avec 80% des espèces françaises de Rhopalocères et 85% des espèces françaises de Zygènes, la région Occitanie est extrêmement riche. Plusieurs de ces espèces ou sous-espèces sont même uniquement présentes en Occitanie. A ce jour, 23% sont considérées comme menacées d’extinction.
  • Les libellules :
La région abrite 79% des espèces françaises. Seulement 79 espèces ont été évaluées. Parmi elles, un quart sont considérées comme menacées d’extinction.

Ces listes sont complètées par une liste rouge commune à tous les départements français
 

Comment expliquer ce déclin ?

La réduction ou la dégradation des milieux naturels est le premier facteur de disparition de la biodiversité. La région Occitanie est soumise à un fort essor démographique. Elle enregistre 50 000 nouveaux habitants chaque année. 

L’extension de l’urbanisation, par exemple, et le phénomène d’artificialisation des sols qui l’accompagne occasionnent non seulement une perte directe d’espaces naturels, mais contribuent aussi à leur fragmentation. Les conséquences sur la biodiversité peuvent être fortes.

Antoine Lévêque, naturaliste à l’Unité mixte de service Patrimoine Naturel

La friche et la fermeture des paysages, sous l’effet de la déprise agricole autrement dit l’abandon du pastoralisme accentue le phénomène de perte de biodiversité.

L'Occitanie, hot spot mondial pour la biodiversité, a perdu, entre 1992 et 2012, 46% de ses prairies et pâturages naturels et 31% de ses forêts. Olivier Scher est responsable de projet faune pour le conservatoire d’espace naturel de l'ex Languedoc-Roussillon. Il s’occupe de la coordination du plan national d’actions en faveur de l’aigle de Bonelli. L'espèce est menacée, on comptabilise seulement 39 couples en méditerranée. Il mène depuis 20 ans des actions pour améliorer les habitats naturels des rapaces, notamment en soutenant le pastoralisme. 

 Les principales proies de l’aigle de Bonelli sont des espèces de milieux ouverts (les lapins de garenne et les perdrix rouges). Avec la fermeture des paysages, au cours des 50 dernières années, cette espèce patrimoniale a considérablement perdu son habitat de chasse. C’est l’un des principaux facteurs qui a causé son déclin. 

Olivier Scher responsable de projet faune pour le conservatoire d’espace naturel

 

Autre facteur de déclin : les pratiques agricoles intensives, notamment la monoculture, l'usage des pesticides et l'emploi d’engrais chimiques.
D’après une synthèse publiée le 19 mars 2020 par le Commissariat général au développement durable : «Le recours accru aux pesticides, Néonicotinoïdes notamment, a conduit à des mortalités importantes».

L’impact des pesticides est majeur sur les espèces. Les produits chimiques tuent les insectes. Les oiseaux essentiellement insectivores, subissent de fait une diminution de leurs ressources alimentaires. Le nombre d’oisillons produits par ces espèces, au printemps, est de plus en plus faible.

Fabien Gilot, coordinateur du Groupe ornithologique du Roussillon

Cette diminution de ressources alimentaires est un facteur aggravant pour les espèces migratrices, confirme Mathieu Bourgeois, chargé de mission à la Ligue pour la Protection des Oiseaux de l'Aude : «Les espèces migratrices, notamment la Pie-Grièche, le faucon crécerelle, ne parviennent plus à s’alimenter convenablement pour effectuer leur migration sans incident. Certains oiseaux meurent ainsi lors de leur trajet, et d’autres n’ont plus la force pour se protéger des prédateurs».

Le changement climatique est aussi un facteur aggravant de la perte de biodiversité. L’élévation des températures contraint les espèces à migrer vers de nouveaux territoires. Elles ont tendance à monter en altitude. Toutes ne parviennent pas à s’adapter, alors elles disparaissent. Même si les reptiles sont habitués aux fortes chaleurs, certaines espèces notamment le Lézard Ocellé, sont impactées par la hausse des températures. A force de chercher à se protéger des fortes chaleurs, les reptiles consacreraient moins de temps à se nourrir et à se reproduire.

Selon l’Observatoire Pyrénéen du Changement Climatique (OPCC), la moitié des glaciers (Pyrénées) ont disparu lors des 35 dernières années. Si les climatologues du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) n’ont plus aucun doute sur la réalité du réchauffement de notre planète, ses impacts à des échelles plus locales sont aujourd’hui à l’étude. Des scientifiques de l’OPCC réalisent depuis 10 ans un suivi pour comprendre le phénomène dans les Pyrénées.
 

Le changement climatique peut affecter la physiologie de nombreuses espèces, en influant sur leur productivité et, à long terme , sur leur survie. Les espèces migratoires dont les dates d’arrivée et de départ ne sont plus synchronisées avec les rythmes de la nature ne pourront peut-être plus accéder aux sources de nourriture essentielles à leur survie.

Eva Garcia Balaguer, chargée de mission au sein de l’OPCC 

Maintien de la biodiversité 

Chaque espèce joue un rôle de maintien de la biodiversité. Elles témoignent de l’état de santé des milieux. Près de 3/4 des espèces animales en France sont des insectes. Leur rôle est essentiel et garant à terme de la survie de l’homme. Ils sont pollinisateurs, régulateurs/auxiliaires de culture, des réservoirs alimentaires ou encore des bio-indicateurs…

On estime que, sans les insectes, environ 85% des plantes à fleurs (sauvages et cultivées) disparaîtraient de la surface de la Terre. La disparition de l’ensemble des insectes pollinisateurs ferait baisser de 30% en moyenne, les récoltes alimentaires mondiales.

Stéphane Jaulin, entomologiste à l’Office pour les insectes et leur environnement à Montferrier-sur-Lez.

La biodiversité nous nourrit et nous soigne. Elle est en quelque sorte notre assurance vie. Près de la moitié des molécules utilisées dans nos médicaments sont issus de la nature. Par exemple, la molécule AZT utilisée dans le traitement contre le sida a été découverte dans un animal marin (une éponge des caraïbes). 

Les espèces qui nous entourent recèlent en elles des molécules qui nous permettront d’affronter à l’avenir de nouvelles maladies. Si on laisse disparaître les espèces on perd ces chances de se soigner demain.

Florian Kirchner, chargé de programme "Espèces" Union internationale pour la conservation de la nature.

Ils s'engagent pour la préservation 


La création d’aires protégées apporte une première réponse face aux atteintes à la biodiversité. Aujourd’hui, 40 % du territoire régional est consitué d'espaces naturels protégés.
Par exemple, les réserves naturelles catalanes s’engagent pour la conservation de deux rapaces menacés de nos Pyrénées (Vautour percnoptère, Gypaète barbu). Olivier Guardiole est  chargé de mission Grand Rapace pour les réserves naturelles catalanes : "A partir de 1998, nous avons mis en place 4 sites de nourrissage spécifiques pour le Gypaète barbu. L’objectif de départ était de fixer les rapaces. Et ça a fonctionné ! En 2003 un premier couple est arrivé, aujourd’hui nous en avons 7. Notre mission d’apport de soutien alimentaire est arrivé à son terme, car nous estimons avoir restauré cette espèce. Le Gypaète barbu reste malgré tout en danger".

Certaines espèces en danger sont suivies par des scientifiques passionnés, souvent bénévoles. Les initiatives ne manquent pas. L’institut privé de recherche «la Tour du Valat» se charge, entre autres, du suivi de la Glaréole à collier, espèce classée en danger sur la liste rouge des oiseaux en France. Moins de 150 couples sont recensés, essentiellement en Camargue.

C’est un oiseau qui a besoin de sols nus pour se reproduire, c’est à dire sans végétation. La Glaréole à collier a une prédilection pour les parcelles agricoles fraîchement travaillées et donc la ponte est souvent détruite. Notre rôle c’est de localiser les parcelles en question et d’établir des liens avec les agriculteurs afin de préserver les colonies. Certains jouent le jeu, et cela a contribué à maintenir cette espèce.

Jean Jalbert, directeur de la Tour du Valat.


Marie-Pierre Puech, vétérinaire soigne bénévolement les espèces en danger au sein de l’hôpital de la faune sauvage de son association. Chaque année, près 3.000 animaux y sont soignés avant d’être relâchés dans la nature. La plupart étaient des espèces protégées. Aujourd’hui, l’association Goupil Connexion agit pour la conservation des chauves-souris en installant des gîtes.  
 

Un budget régional de 13 millions d'euros  

La faune est aussi au cœur des politiques publiques. Depuis quelques années, les régions doivent mettre en œuvre une stratégie régionale pour préserver la biodiversité. Cette année, le budget consacré à la biodiversité est de 13 millions d'euros (hors fonds européens).

En Occitanie, une Agence Régionale de la Biodiversité a ainsi été créée. Outil, fortement attendu par les associations de défense de l’environnement, qui souhaitent aujourd'hui des résulats. "Notre région ayant une biodiversité exceptionnelle, parmi les plus élevées de France, il est urgent que nous ayons un Observatoire Régional de la Biodiversité, vraiment opérationnel. Cela nous permettrait d’avoir un tableau de bord d’indicateurs pour mesurer l’efficacité des politiques publiques en la matière et les orienter" précise Simon Popy, président de France Nature Environnement Languedoc-Roussillon.

Aujourd’hui, la menace est réelle, on est à l’aube d’une grave crise du vivant. L’érosion de la biodiversité est plus rapide que la normale. Il est donc urgent que nos politiques prennent la chose au sérieux et mettent l'environnement au cœur de leurs réflexions.

Simon Popy, président de la FNE du Languedoc-Roussillon.

D'après la région, l'observatoire régional de la biodiversité a un rôle de communication auprès du grand public. Les premières  publications pourraient voir le jour d’ici la fin de l’année 2020. En attendant, certaines espèces de notre territoire disparaissent dans l’indifférence générale. 

Depuis 200 ans, les espèces disparaissent 10 à 1.000 fois plus rapidement que le rythme naturel.
 
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