L'avocate générale a réclamé ce lundi à la Cour d'assises spéciale la peine maximale pour le frère de Mohamed Merah. Elle a également requis 20 ans contre l'autre accusé Fettah Malki.
L'avocate générale Naïma Rudloff a requis les peines maximales ce lundi contre les deux accusés, Abdelkader Merah et Fettah Malki, dans le procès pour complicité devant les assises spéciales de Paris : la réclusion criminelle à perpétuité contre le frère du tueur au scooter (avec une peine de sureté de 22 ans) et 20 ans de prison contre son co-accusé.La plus lourde peine a donc été demandée contre Abdelkader Merah, poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, complicité d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste et vol en réunion (celui du scooter) en relation avec une entreprise terroriste.
Même si tout au long du procès, les preuves ont souvent manqué pour établir la responsabilité d'Abdelkader Merah dans les attentats perpétrés par Mohamed Merah les 11, 15 et 19 mars 2012, l'avocate générale s'est montrée intraitable tant sur le plan matériel que sur le volet idéologique.
Pour elle, si les preuves sont parfois difficiles à mettre en lumière, c'est pour une bonne raison : "Avant 2012 et les crimes des frères Merah, explique l'avocate générale, terrorisme allait avec clandestinité, avec des hommes et des femmes qui se mettent en marge de la société. Là, on est dans la société : terrorisme va avec dissimulation. On se fond dans la masse, on donne le change comme disait Abdelkader Merah. Donc, il faut exploiter, contextualiser le moindre élément". Avant d'avoir cette formule :
Ne comptez pas sur moi pour vous fournir ici comme preuve la carte de membre d'Al Qaïda, à jour de cotisations, d'Abdelkader Merah ; ça ne marche pas comme cela !
Elle exploite donc et contextualise le moindre élément laissé visible par la fratrie : les voyages réguliers notamment en Egypte, dès 2006, les fichiers numériques retrouvés chez Abdelkader Merah, la proximité avec les jihadistes du groupe Artigat (Clain, Essid, etc). Elle précise d'ailleurs à ce sujet que les frères Merah ont inauguré un jihad personnel, refusant de partir combattre à l'étranger (Irak, Afghanistan, Syrie) et privilégiant l'action sur le sol français.
L'avocate générale a décortiqué les périodes antérieures ou contemporaires aux attentats de mars 2012 et dénonce des faits troublants : la proximité entre les frères Merah, officiellement fâchés en 2011, mais qui se rapprochent au point "de ne plus se quitter à partir du début mars". Et puis il y a des similitudes entre les deux frères, notamment concernant leurs utilisations de la téléphonie : "Mohamed Merah appelle sa mère, sa soeur Souad, son frère Abdelghani, énumère Naïma Rudloff. Abdelkader appelle les mêmes. Mais il n’y aucun contact téléphonique entre les deux frères. Alors on nous dit quand ils se voient, "c'est normal ils sont frères". Mais est-ce normal que deux frères ne se téléphonent jamais ? Surtout quand on sait l'intérêt de l'accusé pour les téléphones portables, qu'il en a eu jusqu'à 8 différents mais qu'il ne sort jamais de chez lui avec le moindre téléphone. La discrétion toujours. Ajoutons à cela qu'ils utilisent le même cybercafé de Toulouse, alors qu'Abdelkader habite à près de 40 kms. C'est grand pourtant Toulouse, pourquoi utiliser le même cyber ?"
Pour elle, le voleur du scooter est "un vol par opportunité" mais selon l'avocate générale les deux frères ont suivi le propriétaire du scooter et ont saisi l'opportunité. "Le véhicule a été repéré, suivi et l'occasion a été saisie de le voler", allant à l'encontre des déclarations d'Abdelkader Merah qui indique avoir été surpris par le vol commis par son frère.
Sur le plan idéologique, l'avocate générale définit ainsi le complice, appliquant ces termes à Abdelkader Merah : "Il représente l'autorité morale, influence sur la volonté finale, il pousse, il exhorte, il gavalnise. Il a la connaissance des textes, la documentation et le statut de sachant. Il possède sur ses supports numériques “la fabrique du terrorisme” d'un cadre d'Al Qaïda. Et puis, il y a l'accompagnement physique : les frères Merah au foot, au garage, au domicile, aux Izards, au magasin de moto, ils sont partout ensemble, sauf quand Mohamed Merah tire sur les victimes."
L'avocate générale évoque aussi l'antisémitisme, "ancré dans la famille depuis l'enfance" et a cette formule :
Abdelkader Merah a fabriqué Mohamed Merah !
Pour Naïma Rudloff, la culpabilité d'Abdelkader Merah dans la complicité des assassinats "ne fait aucun doute".
Concernant Fettah Malki (poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, recel du produit d'un vol en relation avec une entreprise terroriste, acquisition, détention et cession illégales d'armes), qui avait reconnu avoir donné/vendu à Mohamed Merah le pistolet-mitrailleur Uzi qui s'est enraillé le 19 mars devant l'école Ozar Hatorah mais en maintenant qu'il ignorait tout des projets terroristes de Mohamed Merah, l'avocate générale a donc réclamé 20 ans de prison. Elle le décrit comme étant "sans foi, sans loi, sans morale, il n'y a que tout ce qui rapporte qui l'intéresse".
Selon elle, "Malki apporte son soutien à une entreprise, constituée des deus frères, dont il connaissait la potentialité terroriste des deux frères Merah. Il ne savait certes pas qu’il y aurait l’attaque de l’école juive mais il connaissait le risque terroriste en fournissant des armes à l'un des deux frères. Il a aussi donné de l’argent et ainsi financé l'entreprise terroriste".
Ce réquisitoire était un moment marquant du procès, évidemment, mais au-delà parce qu'il est le premier en France dans une affaire de terrorisme depuis les années 1990. Une forme de terrorisme "inaugurée" par Mohamed Merah en 2012 et qui s'est multipliée depuis.
La cible : c’est la démocratie, a dit l'avocate générale. L'objectif des terroristes, c'est de répandre l’islam par la terreur. Cela n’a rien à voir avec l'islam : c'est une idéologie totalitaire sous couvert de religion. Le terrorisme n’a ni nationalité, ni religion. Votre décision sera donc un exercice de démocratie.
Après ce réquisitoire, particulièrement sévère, la parole sera mardi aux avocats de la défense. Le verdict est attendu jeudi 2 novembre.