Les premiers témoignages de policiers qui ont enquêté sur les crimes de Mohamed Merah ont donné lieu à de vifs échanges avec les parties civiles et l’accusation scandalisées par l’emploi du terme "loup solitaire".
Le patron de la sous-direction anti-terroriste de la police judiciaire centrale est reparti mardi soir du procès Merah, lessivé. Il venait de témoigner pendant plus de 4 heures. Surtout, il a dû faire face au feu roulant des questions des avocats des parties civiles mais aussi de l’accusation sur l’emploi du terme "loup solitaire" à propos des crimes de Mohamed Merah.
Merah a choisi seul ses cibles, a fait seul ses repérages, a commis seul les crimes".
Ce haut-fonctionnaire de police, d’un ton calme, avait déroulé l’enquête devant la Cour d’assises spéciale pendant plus d’une heure. Employant lui-même à plusieurs reprises le terme de "loup solitaire". "Merah a choisi seul ses cibles, a fait seul ses repérages, a commis seul les crimes".
Vous vous rendez compte que votre témoignage peut conduire à l’acquittement des accusés ? »
Bronca sur les bancs des avocats des parties civiles. "Vous vous rendez compte que votre témoignage peut conduire à l’acquittement des accusés ?" lui lance à la figure Maître Jean Tamalet, l’avocat d’Albert Chennouf, père d’un militaire tué à Montauban. Ce que le président de la Cour d’assises s’empresse de tempérer : "Seule la Cour portera la responsabilité ici de la condamnation ou pas des accusés".
L’un après l’autre, les avocats des parties civiles interrogent le policier sur cette fameuse théorie du loup solitaire. "Vous êtes un haut-fonctionnaire, vous nous sortez ce que l’Etat voulait entendre à l’époque".
"Avez-vous des faits, probants et vérifiés, qui vous permettent de dire que Merah a agi seul ? Qu’il n’a bénéficié d’aucun soutien ?" demande une partie civile. "Nous pensons qu’un loup solitaire peut avoir été aidé notamment dans sa formation et dans sa préparation, répond le policier, mais en l’espèce Merah a bien agi seul au moment de la perpétration des meurtres, de leur repérage et de leur ciblage".
Le policier, si sûr au début de sa déposition, flanche, bafouille, perd son assurance sous les coups de boutoirs.
Même l’avocate générale bondit : "Je suis choquée, Monsieur. Vous nous faîtes un long résumé détaillé de votre enquête et vous oubliez un fait majeur : la revendication que Merah a laissé par écrit et dans une vidéo où il fait allégeance à Al Qaida et à son chef de l’époque Al Zawhahiri. Que je sache, Al Qaida, ce n’est pas une personne, c’est un groupe. Alors comment osez-vous nous servir encore ce « loup solidaire » ?"
C’est bon nous le tenons le complice, c'est Al Zawahiri !
Une aubaine pour la défense. "C’est bon, nous tenons le complice, s’exclame Maître Christian Etelin, avocat de Fettah Malki co-accusé d’Abdelkader Merah. C’est Al Zawahiri, vous venez de le désigner. Plus la peine donc de juger mon client !".
Le procès des complices présumés de Mohamed Merah est à peine commencé et déjà l’enquête des policiers est mise à mal. On a pourtant pas encore entamé l’examen du travail des services de renseignements et des « trous dans la raquette » qui ont permis à Merah d’échapper à la vigilance du renseignement français.
Le témoignage de Bernard Squarcini, l’ex-patron du renseignement, prévu le 19 octobre, s’annonce sportif.