Les convictions de l'ancien directeur d'enquête de gendarmerie et les témoignages des 2 vrais coupables, condamnés par les assises de l'Hérault, il y a 3 ans, continuent à montrer l'opacité de cette affaire. La présidente n'a pourtant pas ménagé les témoins avec des questions précises et pugnaces.
L'ancien patron de la première enquête, est venu témoigner. Deux heures d'affrontements avec les avocats des deux accusés qui n'ont cessé de souligner, selon eux, les errements de cette première enquête. Mais au final, l'officier de gendarmerie est toujours aussi sûr de lui.
Ce nouveau procès en révision, appelait aussi à la barre, en qualité de témoins, Michel Boulma et Bouziane Helaili, les deux dealers condamnés à 20 ans pour ce crime. Leurs témoignages sont favorables aux anciens accusés.
Le second condamné a confirmé à la barre qu'ils étaient seuls, ce soir là, sur les lieux du drame que des deux anciens accusés n'étaient pas présents et selon eux, ils n'ont pas davantage commandité cet assassinat.
Le directeur de la première enquête nie les failles de son travail
"Une enquête bâclée? C'est une offense qu'ils me font". Au deuxième jour du procès en révision à Nîmes d'Abdelkader Azzimani et d'Abdelrrahim El Jabri, condamnés à 20 ans de réclusion pour le meurtre d'un dealer en 1997, le directeur de l'enquête de l'époque a nié les failles pourtant criantes de ses investigations.
A la barre, le gendarme à la retraite a défendu bec et ongle son travail, invectivant la défense qui l'a mis en cause, avant de se faire rappeler à l'ordre par la présidente Geneviève Perrin: "Cessez vos commentaires!".
"Mon sentiment est toujours le même: je suis convaincu qu'ils sont coupables de complicité", a assuré, costume anthracite et chemise bleue, l'ex-capitaine de la Section de Recherches de Montpellier, Christian Poumarat, alors qu'il a toujours parlé... d'auteurs principaux dans ses rapports.
Quant à Michel Boulma et Bouziane Helaili, condamnés en novembre 2013 à 20 ans de réclusion dans ce dossier pour "assassinat" par la cour d'assises de Montpellier, leurs culpabilités "s'articulent" finalement bien avec celles d'Azzimani et d'El Jabri, a-t-il estimé.
"Au début de l'enquête, on vous donne un prénom, Bouziane. Pourquoi n'avez-vous pas enquêté sur ce nom?", a demandé l'avocat d'Azzimani et d'El Jabri, Jean-Marc Darrigade, expliquant que la veuve avait reconnu que son mari avait une dette envers ce "Bouziane", qui s'est avéré être l'un des deux meurtriers.
"On ne l'a pas vu. Ca fait 18 ans que le dossier existe et les avocats se réveillent. C'étaient des questions à poser à l'instruction", a répondu l'ancien gendarme, sans tiquer.
"Vous avez dit qu'il y avait une dette. Mais elle n'existe pas. On vous dit une chose et vous en écrivez une autre", a encore critiqué Me Darrigade, procès verbaux à l'appui. "On est dans le business des +stups+ avec des magouilles de trafiquants qui se doivent tous des sous", a assuré M. Poumarat.
"A l'époque, l'ADN n'existait pas. On n'avait même pas pu établir de profil sanguin", s'est défendu M. Poumarat. "C'est le fichier des empreintes génétiques qui n'existait pas", a corrigé l'avocat de la partie-civile, Me Bruno Ferri.
Celui-ci maintient également son crédit au témoin principal de l'accusation, Errol Fargier, dont les propos ont tellement varié que, la veille, la présidente les a jugés sans crédibilité.
"C'est un homme fragile, un artiste. C'est l'exploitation de cette fragilité qui le fait évoluer", a fait valoir le directeur d'enquête. Et de reprendre: "Mais dans ce dossier n'y a-t-il que Fargier...?". "C'est un témoin et il peut paraître essentiel!", l'a coupé la présidente.
Le directeur de la deuxième enquête s'est étonné d'oublis lors de l'enquête initiale
A demi-mots, Alain Ribo, gendarme aujourd'hui aussi à la retraite et chargé en 2009, à la demande du parquet, de reprendre le dossier en raison des éléments nouveaux, a critiqué l'enquête initiale. Il a mis en exergue des scellés non expertisés ou les propos contestables du témoin principal.
"On a repris l'enquête à zéro", a-t-il expliqué, rappelant que le nom de Bouziane avait été signalé dès le début. Et Ribo de souligner son intime conviction: "Par rapport aux éléments du dossier, rien ne positionne Azzimani et El Jabri sur les lieux du crime".
Les 2 auteurs du meurtre de Lunel en 1997 témoignaient à la barre
"Je n'ai pas tué Azzouz. J'étais présent mais je n'ai pas donné de coups de couteau", a affirmé Boulma, tenant le même discours que lors de son procès.
"Azzimani et El Jabri étaient-il là?" ont alors demandé successivement la présidente, l'avocat général Didier Durand et Me Luc Abratkiewicz pour la défense. "Non", a-t-il assuré.
"Je veux m'excuser auprès de MM. Azzimani et El Jabri", a dit de son côté Helaili, l'autre condamné de 2013. "Ce n'est pas moi qui les ai envoyés en prison mais j'aurais pu les en sortir", a-t-il admis.
Le verdict est attendu jeudi.