Trois jeunes hommes, dont un ancien militaire, soupçonnés d'avoir projeté l'attaque d'une installation militaire des Pyrénées-Orientales et la décapitation d'un officier au nom du jihad, ont été déférés devant la justice. Ils ont été présentés à un juge d'instruction qui a requis leur détention.
Le parquet de Paris a ouvert, vendredi, une information judiciaire du chef d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme en lien avec le projet d'attaque d'un site militaire des Pyrénées-Orientales, selon un communiqué du procureur de la République de Paris.
Le parquet a requis le placement en détention des trois suspects, âgés de 17, 19 et 23 ans, dont la garde à vue de quatre jours s'est achevée vendredi matin.
4 interpellations mais 3 jeunes en garde à vue
Âgés de 17, 19 et 23 ans, les trois hommes entendus par la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) ont été interpellés lundi, veille de la Fête nationale, à 6H00, comme un adolescent de 16 ans depuis relâché.
A l'issue de près de quatre jours de garde à vue, ils vont être présentés à un juge dans la journée en vue de leur éventuelle mise en examen dans cette enquête jusqu'ici sous le contrôle du parquet antiterroriste, ouverte le 23 juin "pour association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme".
Leur arrestation, la veille du 14 juillet, s'est faite en toute discrétion mais François Hollande a pris de cours les responsables de l'antiterrorisme en révélant mercredi que "des actes terroristes" avaient été déjoués "cette semaine".
La précipitation de cette communication a valu à l'exécutif les critiques de certains membres de l'opposition qui y ont vu une "volonté d'appropriation politique" d'un sujet, l'antiterrorisme, faisant pourtant l'objet d'une unité de la classe politique.
La presse quotidienne est partagée vendredi, des éditorialistes parlant de "bourde", de "loupés" tandis que d'autres estiment que l'opposition sarkozyste n'a pas de leçon à donner en la matière.
Selon une source proche du dossier, les trois hommes, qui se réclament en garde à vue de l'organisation de l'État islamique (EI) et revendiquent leur engagement jihadiste, auraient projeté d'attaquer le sémaphore du Fort Béar, un camp militaire situé sur les hauteurs de Port-Vendres, aux confins des Pyrénées-Orientales à la frontière avec l'Espagne.
Ils auraient envisagé de tuer des militaires en poste dans ce sémaphore, et de décapiter le chef du détachement, a expliqué la source. Une scène qu'ils auraient souhaité filmer pour la diffuser sur internet. Fort Béar, qui domine la Méditerranée, abrite le centre national d'entraînement commando, tout près de Collioure.
L'exécution de ce projet aurait été envisagée pour la fin d'année, peut-être le 31 décembre 2015.
Les militaires, cibles récurrentes
Le plus âgé du trio a été guetteur au sémaphore de Fort Béar avant d'être réformé de la Marine nationale. Son contrat a pris fin le 21 janvier 2014. Il avait des problèmes de santé, selon la source proche du dossier, qui a ajouté qu'il avait pu "nourrir une rancune personnelle contre le chef de détachement".
Les militaires sont une cible récurrente des jihadistes en France: Mohamed Merah en avait assassiné trois et très grièvement blessé un, en mars 2012. Des membres de la cellule dite de Cannes-Torcy, démantelée quelques mois plus tard, projetaient d'attaquer des soldats. Et plusieurs militaires déployés dans le cadre de l'opération Vigipirate ont été agressés.
Arrêtés près de Valenciennes (Nord), au Chesnay (Yvelines) et à Marseille, les trois hommes sont entrés en contact par internet, via des applications cryptées.
Un billet de train retrouvé chez l'un d'eux accrédite l'hypothèse selon laquelle ils comptaient se rencontrer rapidement.
Ils auraient initialement envisagé de se rendre en Syrie pour y mener le jihad.
Mais la radicalisation du plus jeune a été signalée par un membre proche de sa famille. Décrit comme "un élément moteur", le jeune nordiste de 17 ans a été repéré et a fait l'objet d'un entretien administratif.
Selon Bernard Cazeneuve, son "activisme sur les réseaux sociaux" avait également été identifié.
Se sachant surveillés, les trois hommes auraient renoncé à se rendre en Syrie, explique la source. Un jihadiste avec qui ils étaient en contact dans ce pays leur aurait alors conseillé de passer à l'action en France.
Aucune arme ni explosif n'ont été retrouvés durant les perquisitions.
Depuis le début de l'année, les actions au nom du jihad se sont multipliées en France: attentats de Paris qui ont fait en janvier 17 morts, sans compter les auteurs, projet déjoué d'une attaque contre des églises du Val-de-Marne dont l'auteur présumé est soupçonné d'avoir tué une jeune femme, décapitation d'un chef d'entreprise par un de ses employés en Isère.